Un son strident m’extirpe de mon sommeil. Une
voix fade et saccadée s’ajoute au grondement infernale du train : «
Mesdames, Messieurs, le TER numéro 5327 en provenance de Nice Ville et à
destination de Marseille Saint-Charles vient d’entrer en gare, voie B,
ce TER desservira Antibes, Cannes … .». Je reprends mes esprits, je ne
sais pas comment c’est possible, mais je me suis endormi sur le
quai. J’ai tout de même eu la chance de me réveiller au bon moment pour
prendre mon train. Je me lève d’un coup, sans tenir compte de la fatigue
qui m’ordonne de retourner dormir sur ce banc et je me précipite vers
le composteur automatique. Instinctivement, je fouille dans ma poche
droite pour en extraire mon vieux portefeuille. Vide. Je réitère
l’opération avec celle de gauche. Vide aussi. Je commence à paniquer. «
Où j’ai bien pu le mettre ? ». Rien non plus dans les poches arrières.
Je cours vers le banc pour tenter de le retrouver. Mais il a bien
disparu, absolument rien, ni sur le banc, ni par terre, ni dans mes
poches. Je commence à m’énerver en lachant quelques « Fais chier ! »
qui ont l’air de bien amuser les gosses à côté de moi. Et je n’ai plus
le temps de chercher. Il faut que je prenne mon train, c’est le dernier
de la journée et je n’ai vraiment pas envie de passer ma nuit dans cette
gare. Sans réfléchir, je me précipite à travers les portières du train
et me faufile à travers les passagers pour trouver une place assise.
Après être passé devant quelques compartiments pleins, je trouve enfin
mon bonheur et je m’installe dans une cabine presque vide. J’entreprends
alors une fouille minutieuse de mes poches. Et comme je m’en doutais,
mon portefeuille ne s’y trouve pas. Finalement, c’est logique, j’ai dû
me le faire dérober lors de mon sommeil. Je me maudis en pensant à tout
ce que je viens de perdre. Ma carte de crédit, mes clés, beaucoup de
souvenirs ainsi qu’une centaine d’euros. Mais quelle idée d’emporter
autant d’argent avec moi. Quelle idée de m’endormir sur un quai de gare à
la tombée de la nuit. Je suis vraiment débile, ça ne pouvait que se
passer comme ça. La femme assise en face de moi m’arrache à mes
pensées, elle se lève brusquement et sort du compartiment avec une
démarche pressée. Je suis maintenant seul avec un homme d’une trentaine
d’année à la chevelure longue et sale. En le regardant brièvement,
j’entrevoie ses yeux pourpres qui me fixent. Je comprends alors la fuite
soudaine de la femme, ce type a vraiment l’air malsain. Je détourne mon
regard et je m’écrase sur la fenêtre, pour observer la côte d’azur qui
défile à toute vitesse devant mes yeux. Les lampadaires dégagent presque
quelque chose de chaleureux dans cette obscurité pesante.
Une dizaine de minutes viennent de passer et le type en face me fait
de plus en plus peur. Maintenant, il se met à murmurer des phrases
incompréhensibles et à faire des petits sons aigus.. J’ai l’impression
qu’il me fixe mais je n’ose pas détourné mon regard de la fenêtre pour
vérifier. De toute façon, j’arrive à destination dans une vingtaine de
minute, rien ne va se passer, je devrais plutôt m’inquiéter sur la façon
dont je vais rentrer chez moi, maintenant que je n’ai plus de clés.
Mais l’homme continue à parler dans le vide. Je peux comprendre
maintenant quelques phrases de son charabia « c’est pour ce soir, c’est
pour ce soir …». Je ne sais pas ce qui est pour ce soir, une soirée
entre échappés d’asiles, peut-être ? J’ai franchement envie de lui
demander de se taire, mais je n’ose pas, qui sait de quoi il est
capable. Une odeur désagréable vient alors irriter mes sinus et une
fumée infecte se répand dans la cabine. Je me retourne rapidement et ce
que je vois me trouble. L’homme vient tout simplement de s’allumer une
cigarette. Il tire de longues bouffées de fumée en laissant apparaitre
sa dentition délabrée. Il me dévisage en souriant avec ses dents jaunes.
Mais, encore une fois, il me fait tellement peur que je n’ose rien
dire. Je décide quand même de prendre une photo et de la montrer au
contrôleur le plus proche. Je ne suis d’habitude pas de nature
délatrice, mais un tel sans-gêne m’insupporte. Je sors discrètement mon
portable de ma poche, en me demandant au passage pour quelles raisons
les pickpockets ne l’ont pas emporter lui aussi et je prends une photo.
Je parcoure les fichiers dans mon répertoire et je regarde la photo que
je viens de prendre.
Il
… il n’apparaît tout simplement pas sur la photo. Putain, mais c’est
une caméra-caché ou quoi ? Qu’est-ce que c’est ce délire ? On voit bien
les sièges, la fenêtre, on arrive même à voir le paysage derrière la
fenêtre, mais lui n’apparaît pas. Mon cœur bat de plus en plus vite.
J’essaye de trouver une explication logique. Je n’en trouve pas. De
surcroit, le fou commence à ricaner. Comme s’il était au courant de ce
qui venait de se passer. Il écrase sa clope sur la moquette et rigole de
plus en plus bruyament.. Je finis par décider de sortir de cet endroit.
Je ne sais pas pourquoi je n’y ai pas pensé plus tôt. Je me lève
soudainement et je sors du compartiment. Avant que les portières se
referment, j’entends l’homme dire « A tout à l’heure … » , mais je n’y
fait même pas attention, je veux seulement que cette journée de merde se
termine enfin. Assez des tarés aux yeux rouges, assez des portefeuilles
qui disparaissent, assez ! Je longe le train et m’installe devant la
portière donnant sur la voie en repensant à cette journée.
Le train est enfin arrivé à Toulon et sans réfléchir, je sors de la
gare et entame mon long trajet à travers les ruelles déjà désertes.
Après une trentaine de minutes de marche, je me retrouve enfin devant la
porte d’entrée. Rapidement, je dégaine mon portable de ma poche et
appelle mon colocataire pour qu’il viennes m’ouvrir. « Vous êtes bien
sur le répondeur de Jul.. » Je raccroche immédiatement et commence à
m’énerver. De tous les soirs, il faut qu’il soit indisponible
aujourd’hui ce con. Je commence à taper sur ma porte, espérant qu’il
entendra mes martellements. Mais les fracas violents ne semblent pas le
réveiller. Enervé je commence à hurler : « Julien ! Viens m’ouvrir !
Putain mec viens m’ouvrir ! ». Pas de réponses. Je commence vraiment à
croire que cette journée est maudite. Dans un excès de colère, je secoue
la poignée de toutes mes forces. Et à ce moment-là, j’entends un petit
déclic libérateur.
Je viens juste d’ouvrir la porte. Malgré la
satisfaction que cela m’apporte, un détail me gêne. Julien n’aurait
jamais laissé la porte ouverte. Il est du genre paranoïaque, scotché au
JT de TF1, qui s’imagine qu’un fou peut surgir n’importe quand pour s’en
prendre à lui et à sa collection de BD. Après une année de
cohabitation, il n’y a pas une nuit sans que cette porte ne soit pas
barricadée à triple-tour. Mais cela ne m’intrigue même plus. En
revanche, ce qui m’intrigue beaucoup plus c’est l’odeur affreuse qui
semble se dégager de mon appartement. En blottissant ma main contre mon
nez, je pénètre dans le couloir. Et pas de doute, la puanteur vient bien
d’ici.
« - JULIEN, putain t’as foutu quoi ? Ça pue la mort ici et
allume la lumière, j’y vois que dalle ».
Aucune réponse, je m’enfonce
donc dans l’obscurité et recherche l’interrupteur tout en me pinçant le
nez. Il faut absolument que j’ouvre les fenêtres, c’est intenable ici.
Je finis par le trouver et je l’enclenche. Mais le choc de la lumière et
de ce qu’elle révèle me fait m’écrouler au sol … Je vomis une, deux
fois à même le sol … Ma vision se brouille … incapable de faire aucun
geste … de prononcer aucun mot. Je ne peux qu’observer ce spectacle
macabre qui s’offre à moi. Julien, attaché au mur par un crochet,
perdant progressivement son sang qui se répand à ses pieds.. Je vois sa
tête … livide… pâle… et ses yeux retournés… Je n’arrive même pas à
détourner le regard. À ce moment là, j’entends ma porte qui s’ouvre …
puis qui se referme. Et avant de perdre connaissance, j’entends ces
mots, qui me semblent étrangement familier :
« C’est pour ce soir,
c’est pour ce soir … ».
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L'équipe de Creepypasta from the Crypt n'affirme ni n'infirme la véracité des témoignages et histoires présents sur ce blog. Pensez à consulter nos pages d'aide pour en apprendre plus, et à toujours vérifier les sources pour vous faire votre propre avis sur la question, ici comme ailleurs.
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En voilà une histoire qu'elle est cool ! Ça reprend bien l'esprit des pastas, j'aime beaucoup :)
RépondreSupprimerUn seul détail me gène: lorsque le protagoniste est dans son TER, il dit à un moment qu'il "s'écrase" sur la fenêtre pour regarder le paysage extérieur. Si j'ai bien compris la tournure de la phrase, j'en déduis qu'il est du côté fenêtre ! En revanche, plus tard, lorsque l'on voit la photo qu'il a prise, on voit un tas de fringues sur un siège juste à côté de la fenêtre de la cabine comme si la photo avait été prise depuis le couloir... Est-ce que je réfléchis trop ? ^^'
... je prends régulièrement ce TER. Pour aller à Toulon. Dans le meme sens. J'ai peur xD
RépondreSupprimerMerde je met exactement une demi heure de la gare de Toulon à chez moi O_o' ...
RépondreSupprimerJ'aime bien. Mais au milieu j'avais déjà deviné la fin...
RépondreSupprimerquel génie
SupprimerToulon !
RépondreSupprimerToulooooooooooooon =D
RépondreSupprimerça va c'est à 20 km de chez moi :)
RépondreSupprimerjuste , c'est vrai ces histoires ?
RépondreSupprimerbah oué normall ta cru koa
Supprimer"Vous êtes bien sur le répondeur de Jul"
RépondreSupprimerJe suis le seul à me bidonner xD ?
C'est vrai que les JT, ça rend parano !
RépondreSupprimer