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vendredi 27 mars 2020

Mon ami Marc

J'ai une histoire assez flippante à vous raconter. Elle est pas longue, vous inquiétez pas. Je pense que mon ami n'aimerait pas que je la partage, mais je ne peux pas garder ça pour moi. Elle est tellement folle.

J’avais un ami appelé Marc. Il avait le bras gauche atrophié, et son oreille gauche était elle aussi malformée. C'était pas un accident ni rien, c’était vraiment de naissance. On s’est connus au collège. Là-bas, son handicap ne le gênait pas, et ne gênait pas les autres. Étonnamment, il avait même pas mal d'amis. Lui et moi, on était tous les deux à fond sur le metal, et on s'est vite mis à traîner ensemble, même en dehors des cours. On allait souvent se poser vers le chantier naval vu qu’on habitait près de la Garonne, à s’enfiler des bières et discuter.

On s'intéressait vite fait au satanisme, plus parce qu'on trouvait ça cool que parce qu'on voulait sacrifier des chèvres. On essayait des rituels plutôt nuls, du genre allumer des bougies noires et dire trois fois Satan. Des trucs de gamins quoi. Mais un jour, alors qu'on était assis sur une carcasse de bateau, Marc m’a fait une confidence.

Il m’a dit que depuis tout petit, il voyait des choses bizarres. Il m’a affirmé que parfois, la nuit, il entendait des pleurs de bébé. Quand il était seul chez lui, les pleurs se transformaient en cris. Il m'a même confié qu'une fois, il avait vu le bébé qui rampait en haut des escaliers. Mais quand, intrigué,  il était arrivé en haut des marches, le nourrisson avait disparu.

J'y croyais qu'à moitié, c’était cool mais un peu tiré par les cheveux. Mais j'ai décidé de lui faire confiance, parce que c’était mon ami, et que j'étais vraiment curieux. A cette époque, je dormais souvent chez lui, et il est vrai qu'une fois, Marc s'était réveillé en pleine nuit avec l'impression qu'on lui mordait violemment le bras gauche, celui qui était atrophié. Il m’avait dit qu'il avait entendu les pleurs et qu'aussitôt, son bras était devenu douloureux. Personnellement, je dormais très bien avant qu'il ne se réveille, et je n'avais rien entendu du tout. Par la suite, je lui ai plusieurs fois conseillé d'en parler à ses parents, mais il n'a jamais voulu.

On s’est un peu perdus de vue vers nos quatorze ans. Il est parti dans un collège privé. On se voyait occasionnellement dans le village mais c'était moins drôle, il avait l'air fatigué, déprimé. Il me disait qu'il ne dormait presque plus, que son bras et son oreille étaient douloureux, qu'il avait l'impression qu'on les mâchait toute la journée.

Après la Troisième, on ne s'est plus vus du tout. Il a déménagé dans l'Est, et je suis resté dans la Garonne. 
Mais il y a six mois, je suis tombé sur son profil Facebook, et on a repris contact. On a vingt-huit ans maintenant, et on a pas mal parlé de nos vieux souvenirs. Il a effectué une chirurgie de l'oreille vers vingt-trois ans. C’est bluffant, elle est complètement normale à présent. En revanche, son bras n'a pas changé d'un pouce.

Je lui ai reparlé de ses douleurs au bras et à l'oreille, et je lui ai demandé si ça allait mieux. Il m'a dit que oui, et il m'a appris autre chose d'assez déconcertant. Vers vingt-deux ans, il avait fait le tour des médecins. Tous lui avaient dit que ces douleurs n'avaient aucune cause physiologique, que c'était purement somatique. Désespéré, il était allé voir un magnétiseur. D'après ce qu'on dit, ce serait assez efficace dans ce genre de cas. Le gars l'a touché, bref, il a fait ce que font magnétiseurs, et dès la fin de la séance, Marc n'a jamais plus eu mal nulle part. Le magnétiseur avait clos la séance en lui disant de demander la vérité à sa mère. Le pauvre a été surpris, mais il l'a fait.

Il m'a dit qu'il ne savait pas vraiment quoi lui demander, quoi lui dire. Alors il lui avait simplement demandé de lui dire la vérité, qu'elle lui cachait quelque chose qu'il ignorait. Sa mère avait fondu en sanglots, et lui avait avoué l’existence d’un frère jumeau. Lorsqu’ils étaient encore dans le giron maternel, ce frère avait commencé à prendre le dessus sur mon ami. Il le grignotait peu à peu. Son bras n'avait pas pu se développer complètement à cause de ce frère qui, à terme, l'aurait dévoré. C'est quelque chose de rare mais qui existe, le cannibalisme intra-utérin. Un jumeau assimile l'autre, le consomme en d'autres mots.

Mais pendant la grossesse, le jumeau qui dévorait Marc était mort, et on avait dû le retirer. Marc m'a dit que selon lui, le lien qui les unissait ne s'était jamais vraiment brisé, et que son jumeau continuait de vouloir le dévorer. Peut-être n'avait-il pas accepté qu'on l'arrache à son frère. J'ai eu quelques frissons quand j'ai fait le lien avec ce que Marc m'avait raconté au chantier naval, sur ce qu'il entendait, voyait et ressentait. Aujourd'hui, Marc va bien, il ne ressent plus de douleurs. Mais il lui arrive parfois, selon lui, d'entendre des pleurs de bébés venant de nulle part. 

vendredi 20 mars 2020

Copșa Mică

Salutations. Je vous envoie aujourd'hui un texte datant de 1993 que m'a donné un oncle travaillant dans l'édition aux Etats-Unis. Il l'a traduit de l'anglais , et me l'a envoyé, car il le trouvait intéressant. Officiellement, il provient d'un courrier anonyme affirmant qu'il s'agit d'une lettre tout à fait authentique.

    "Je voyageais, avec ma belle-soeur, en Europe de l'Est, cherchant de l'inspiration pour un roman horrifique. En fait, je voulais visiter la région de Vlad l'Empaleur, la région de Dracula. Après donc avoir visité le village d'origine de Vlad von Dracul, Târgoviște, en Valachie, nous arrivâmes à Copșa Mică, réputée ville la plus polluée au monde. Perdue dans les montagnes, cette petite ville, ou plutôt ce gros village, était centré sur l'Usine. Cette Usine, projet de Ceaușescu, fabriquait du noir de carbone pour l'industrie du pneu. Elle faisait vivre le village, tous les habitants travaillant ou étant destinés à y travailler. Elle le faisait vivre, mais elle le faisait mourir aussi. Le village était un mort-vivant. Nous le vîmes depuis une colline adjacente. Il était noir. Les murs et les toits étaient noirs. Les fourneaux étaient noirs. Les draps qui étaient suspendus à l'extérieur des maisons étaient gris. Sur la route, une pellicule de poussière jais se déposait. 
En chemin, nous croisâmes deux jeunes bergers et leurs moutons. Leur laine était noire, grise à l'endroit où les jeunes gens les frappaient de leurs bâtons pour les faire avancer. Ceux-ci avaient des cheveux noirs, et leurs visages étaient creusés de fines rides de la même teinte. Ma belle-sœur, qui toujours avait des bonnes idées, décida de prendre en photo l'Usine. Mais le gouvernement roumain interdisait de prendre en photo des sites stratégiques. Et les usines étaient des sites stratégiques. Même si l'état policier technocratique soviétique était mort et enterré depuis les années 90, même si Ceaușescu, l'Architecte des Carpates, reposait dans son cercueil, la réglementation était stricte. L'Usine était la propriété de l'Etat, et on ne photographiait pas la propriété de l'Etat. Surtout si le photographe était étranger. Des gardes armées de mitraillettes nous avaient repérés depuis la ville et arrivaient vers nous en camion noir. Je dis à ma sœur de ranger son appareil photo, mais elle refusa. Elle était toujours ainsi, affirmant avoir du courage. Elle ne s'était juste jamais retrouvée en situation de pure impuissance. Les soldats se rapprochaient. Je partis immédiatement en marche arrière et semai les poursuivants avant qu'ils n'arrivent à notre hauteur.

    A New-York, je mangeais avec un ami, grand industriel. Il affirmait que par une campagne de lobbying acharnée, il avait débloqué des avantages d'Etat, et des aides substantielles pour ses projets. L'Etat allait l'aider à amortir les pertes initiales et à casser quelques procès. En sortant du restaurant, lorsqu'il monta dans sa Cadillac chromée, je voyais presque le futur : les monorails aériens amenant les badauds à toute allure d'un bout à l'autre de la ville. La voiture évoquait bien cela. Mais alors que je la regardai, je vis aussi, du coin de l’œil, des ouvriers travailler sur un chantier, dans la nuit. Une eau noire, visqueuse et suintante jaillissait d'un tuyau pour se déverser dans la rivière.
    En rentrant chez moi, je passai par Chicago. Il paraissait que le saturnisme faisait des ravages là-bas. Le plomb déversé par certaines industries s'accumulait dans les sols et les eaux, comme d'autres poisons. Les procès contre ces géants aux pieds d'argile renforcés de plomb n'aboutissaient jamais. Le Ministère de la Justice ne les traitait pas. Un médecin m'avait un jour dit que notre culture courait peut-être à sa perte car les individus devenaient trop stupides, notamment à cause du saturnisme. Quand je voyais Chicago, je pensais que ses affirmations portaient une part de vérité. Dans cette ville, on avait de la chance de ne pas se prendre un coup de couteau avant 20 ans, ou, enfant, de ne pas se retrouver en orbite autour de Saturne. Mais ceux qui avaient la protection de l'Etat y échappaient toujours.
    Accompagné de ma belle-sœur, je passai près de Buffalo. Sur l'autoroute surélevée, craquelée et pleine de nids-de-poules, je roulai le plus vite possible. Ma belle-sœur me fit remarquer, toujours avec son sourire, les usines en contrebas. Elles étaient toutes fermées, et désaffectées. Les herbes avaient envahi les parkings. Conçus pour abriter des milliers de camions et voitures, seule la carlingue du gardien les occupait. Personne n'y travaillait plus. Peut-être que les moteurs qu'on y fabriquait jadis furent récupérés pour servir d'étagère dans un bicoque quelconque, et que les fils électriques arrachés servaient aujourd'hui à étendre le linge quelque part non loin de là, dans une vallée brumeuse. Elle continuait de déblatérer : "C'est bizarre qu'on ne s'en serve pas pour des décors de cinéma, on pourrait faire exploser tout ça pour rien". Au lieu de répondre par un vague "Oui" grommelé, je rétorquai : "A quoi bon ? Rien d'original ici".

    Il y a quelques années, je visitai la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Sur le Danube, le plus long fleuve d'Europe, on avait toujours une forêt sombre digne de ce nom. On pouvait presque entendre les bruits de la lime romaine, et les bruissements des barbares de l'autre côté du fleuve, dans cette forêt germaine, où la furor se déchaînait. D'un côté, la civilisation, de l'autre, la barbarie. Et ce fleuve, traversant tous les pays d'Europe, seul véritable facteur d'unité. Les Hongrois et les Tchécoslovaques avaient un projet de barrage, le Barrage de Gabčíkovo. Ce projet, héritier d'une ère totalitaire, était en train de se concrétiser. La Hongrie aurait une source d'électricité de plus, et le détournement du Danube devait servir les intérêts de la Tchécoslovaquie. La douve noire qui devait tenir lieu de Danube après sa construction serait décalée de plusieurs dizaines de kilomètres. Des Hongrois qui vivaient auparavant en Tchécoslovaquie, au nord de ce fleuve rugissant, vivraient désormais au sud d'une langue noire et suintante. De là, ils rejoindraient vite la Hongrie. Le vieux rêve de démagyarisation, dont l'accomplissement commençait à la Deuxième Guerre Mondiale, se terminait.

(Ndlr : Magyarisation : nom donné à la politique d'assimilation culturelle et linguistique au XIXè et au début du XXè siècle des peuples non-hongrois du Royaume de Hongrie au sein de l'Autriche-Hongrie)

  En Chine, les morts servaient sous les drapeaux de la guerre économique. Le trafic d'organes battait son plein, et le pays serait bientôt parmi les premiers fournisseurs. Mêmes les étudiants rebelles, enfermés dans des prisons obscures, participeraient à cet enrichissement national. Lors d'un voyage à Shangaï, j'aperçus des respirateurs dans certaines rues. Certaines personnes y faisaient même la queue. Des mendiants mouraient de faim et d'asthme ici, tous les ans. Les habitants pourrissaient sur place, leurs poumons transformés en ergots noirâtres par les fumées des Usines d'Etat. Des flaques noires parsemaient certaines rues, des moisissures noires s'accumulaient sur des murs gris de poussière. La ville pourrissait, comme une charogne. Je me demandais quels vautours allaient bien pouvoir en vouloir.

    A Copșa Mică, la mortalité était énorme. Non que les conditions de vie fussent déplorables. Tout le monde avait à manger, une cuisine, un logis, un chaleureux foyer, de beaux enfants. On y mourait de la bronchite, et des atteintes aux poumons. La mortalité infantile était énorme. Des lignes de tableaux étaient accrochés dans certaines maisons, représentants des nourrissons, morts, mais habillés et placés comme s'ils dormaient, bloqués dans ces cadres. La ville était vivante, elle bougeait, travaillait, fournissait. Mais elle était aussi morte. Elle était et morte et vivante, suçant la vie hors de ses habitants.

    Dans la deuxième moitié de l'année 1992, ma mère et mon père moururent tous deux du cancer. Mes frères restèrent à leur chevet des après-midis durant, au cours de leur agonie. Un jour, alors que je veillais auprès de mon père, il releva sa tête d'un coup sec et dit simplement "Calico !" Il reposa ensuite ses mains derrière sa tête, comme il le faisait avant et s'endormit. Il était mort. Le crabe l'avait pris. Ma mère, quant à elle, résista quelques mois de plus. Avant son enterrement, son cadavre fut habillé de sa plus belle robe, celle qu'elle préférait, et quelques-uns de ses gâteaux préférés furent déposés dans le cercueil. Avant que la boîte ne soit refermée, je me penchai pour la voir une dernière fois. Une légère poussière blanche parsemait ses cheveux. Un voile opaque et translucide passait sur ses yeux ouverts, et sa bouche, ouverte, formait un trou béant dans son visage. Alors que j'étais penché, un croque-mort souleva le bout du cercueil, pour l'emmener. Une boue noirâtre à odeur de sang sortit de la bouche de la morte. "Attention ! La robe, la robe !" entendis-je. Et le pharmacien de m'écarter : "Allons donc, avez-vous peur ?"

    Je constatai durant mes voyages que les vivants n'étaient plus libres nulle part, à aucune époque de leur vie. Si un vivant ne connaît pas la liberté, pourquoi la connaîtrait-il à la mort ? Et si un mort n'est pas libre de partir, où irait-t-il ? J'entends déjà ma femme monter les escaliers, accompagnée de mes deux très chers enfants. Ils vont me rejoindre. J'ai fermé la porte à clef, elle devrait tenir le temps que je termine mon texte. Un accident de voiture, ce n'est rien, n'est-ce pas ? On peut y survivre. Et même, trois victimes, ce n'est rien, n'est-ce pas ? Juste trois lignes dans le journal local. Ils ont déjà eu ma belle-sœur. La pauvre, elle se rendit sûrement compte durant ses derniers instants qu'elle n'était pas si courageuse qu'elle voulait bien le croire. Je les revois encore, eux et leur peau blanchâtre, leurs yeux vitreux, leur bouche dégoulinant de sang noir, enfoncer la porte de son appartement,. Elle ne comprit pas au premier coup d’œil, moi si. Je partis en courant, la laissant seule, tandis qu'elle leur demandait ce qu'ils avaient, s'ils allaient bien. Je me demande ce que cela lui fit de sentir des mains froides la saisir et des dents ébréchées se planter dans son bras. Depuis des mois, je fuis. Ils me poursuivent, où que j'aille. J'ai déjà essayé de fuir, mais ils marchent. Et en marchant en continu, on peut arriver n'importe où très vite. J'ai essayé d'en parler, mais on me traita toujours de fou: les morts ne se relèvent pas. Ceux qui me croient et tentent de m'aider sont dévorés. Alors j'ai décidé, avant de ne plus avoir la force de le faire, de revenir une dernière fois chez nous. Cette fois-ci, c'est fini, je n'ai plus la force de continuer. Je les entends tambouriner à la porte. Elle commence déjà à craquer. Sur ce, je crois que je peux vous dire : Adieu."

    Selon l'expéditeur, cette lettre a été retrouvée dans la maison d'un écrivain aux Etats-Unis, près de Newark. La porte de la chambre était défoncée et des tâches d'un liquide noirâtre, identifié comme du sang mêlé à diverses substances, ont été retrouvées sur le présent texte et dans l'ensemble de la chambre. L'hypothèse la plus probable est que l'auteur du texte ait été tué après un braquage de sa maison, même si la piste du suicide n'est pas à écarter, sa femme et ses enfants étant morts dans un accident de voiture un mois plus tôt. Des témoins ont rapporté l'avoir vu en plusieurs zones de la région, l'air hagard et effrayé, ne restant jamais plus d'un jour au même endroit, et tenant un discours incompréhensible. Le patron d'un motel a affirmé lui avoir donné une chambre qu'il a payée cash pour deux nuits, mais a laissée le soir venu, partant en hurlant de l'établissement. La belle-sœur dont il est question ici demeure introuvable.


mardi 17 mars 2020

Au sujet des publications

Cryptiens, cryptiennes,
Depuis presque une année, vous avez sans doute remarqué que nous avons été contraints de baisser le rythme des publications hebdomadaires, en se cantonnant à une creepypasta et à un texte du Nécronomorial par semaine. C'est donc avec joie que nous vous annonçons le retour des deux creepypastas et nouvelles horrifiques par semaine. Vos rendez-vous hebdomadaires seront donc fixés au lundi et au vendredi pour CFTC. Quant au Nécronomorial, ce sera le mercredi et le dimanche.
Cela prend effet dès cette semaine, car comme nous le savons, la plupart d'entre vous va devoir trouver de quoi s'occuper pour les jours qui viennent. Et quoi de mieux qu'un lot de frissons supplémentaire pour galvaniser ses journées ?

De plus, nous aimerions en appeler à tous les auteurs, tous les traducteurs potentiels, que vous ayez déjà écrit/traduit ou non. Si vous voulez partager vos écrits ou faire parler votre talent de linguiste, le forum vous est grand ouvert, peu importe votre âge et votre expérience. Là, les membres et les référents pourront éventuellement vous guider et vous aiguiller si besoin, afin de tirer tout le potentiel de votre texte. Si vous êtes vraiment timide ou trop indisposé pour vous rendre sur le forum, vous pouvez toujours nous envoyer vos œuvres à l'adresse creepypastaftc@gmail.com.

Pour conclure, sachez également que concernant l'équipe de traduction, et bien que n'importe puisse traduire sur le forum indépendamment de son rang, vous trouverez toutes les informations sur ce post.

Sur ce, nous vous souhaitons un agréable confinement, et à demain sur le Nécronomorial !


lundi 9 mars 2020

Chevreuils Célestes

Bonjour. Je vous partage aujourd'hui, une fois n'est pas coutume, un post trouvé sur un forum dédié à l'exploitation minière en Chine. Oui, c'est un forum spécialisé, et malgré la censure chinoise, il est possible d'y trouver plus ou moins légalement des informations. L'auteur parle ainsi d'une catastrophe minière datant de 2002 et ayant fait plusieurs dizaines de morts dans une mine de Yunnan, une province du sud de la Chine, frontalière avec la Thaïlande, la Birmanie, le Vietnam et le Cambodge. Il s'agit de témoignages (ici des enregistrements oraux traduits par le membre du forum les ayant postés) de mineurs au sujet de cet accident. Ces témoignages auraient été recueillis par les autorités, mais sont officiellement inaccessibles (officieusement, c'est une autre histoire). Si certains d'entre eux sont plutôt banals, d'autres sont particulièrement étranges. En voici des extraits :


- Témoignage d'un ouvrier Mosuo :

[...] Je vous l'ai déjà dit. Ce jour-là, je suis descendu dans le puits de la mine, comme tous les jours. Je n’ai rien remarqué de particulier. On est entrés dans le bâtiment, comme d'habitude, on a pris l'ascenseur, comme d'habitude, et on est descendus à toute vitesse, comme d'habitude... Si j'ai remarqué des choses étranges lors de la descente ? Non, rien du tout. On descendait toujours à toute vitesse et la lumière vacillait, on avait fini par s'y habituer. Même si la première fois, ça fait de l'effet. Je me rappelle quand j’ai commencé à travailler... Quoi ? Ah oui, la catastrophe. Eh bien, après être descendus, on est allés arpenter les galeries pour dégager un nouveau tunnel.
Je faisais partie de ceux qui devaient placer les explosifs pour faire le trou. On prend un peu de dynamite, juste ce qu'il faut, et on la place dans un petit creux dans le mur. Ni trop, pour ne pas déstabiliser la mine, ni trop peu, pour ne pas gaspiller de l'explosif et se faire battre pour incompétence au travail. Pourquoi cette charge a-t-elle été donnée à un simple mineur comme moi ? Oh, je ne suis pas un simple mineur, j'ai des compétences en ingénierie. J'ai fait quelques études. Et puis, les autres ingénieurs ne voulaient pas s'en charger. C'étaient des Hans, pas des Mosuos. Nous, les Mosuos, ne croyons pas en vos légendes. Eux, ils avaient peur. Ils entendaient des voix derrière le mur. Le genre de truc qui me fait rire. Ils affirmaient que c'étaient des Chevreuils Célestes (Ndt : je ne suis pas sûr de ma traduction, le mot ressemble à Celestial Stag, Chevreuil Céleste en anglais). Pour moi, ces voix, c'étaient les voix de la promotion. Elles me disaient que si je faisais bien mon boulot, je pourrais peut-être monter en galon. Alors ouais, j'étais décidé à ne pas me gourer sur ce coup. Et effectivement, j'ai bien fait mon boulot.
Ouais ouais, la galerie a fini par s'effondrer. Ouais, bien sûr. Comme si c'était moi qui avais décidé de faire sauter les piliers du bout du tunnel. Non, les ouvriers Hans avaient réussi à dérober de la dynamite et l'ont utilisée pour ensevelir des Mosuos, sous prétexte de leurs superstitions. Moi, tout ce que j'ai fait, c'est faire sauter le mur du bout de la galerie pour dégager une nouvelle veine. Et vous remarquerez que la mine ne s'est effondrée qu'un ou deux jours plus tard. Donc, j'ai rien à voir là-dedans [...]


- Témoignage d'un ouvrier Han :

[...] C'est inutile de continuer à nier, j'imagine. Vous me frapperez quand même. Ok, j'avoue. C'était nous. On a fait sauter les piliers latéraux du tunnel alors que les ouvriers Mosuos bossaient encore dedans. Mais écoutez-moi encore un peu s'il vous plaît. On avait nos raisons. Aucun ouvrier ne voulait travailler dans cette partie de la mine, il y avait des Chevreuils Célestes (Ndt : encore ce terme) qui risquaient de débarquer. Les Mosuos, eux, n'y croient pas. Tant pis pour eux, de toute façon on ne les aime pas. Et c’est réciproque.
Qu'est-ce que qu’un Chevreuil Céleste ? Un démon-cadavre hantant le fond des mines. Ils émergent du corps des mineurs morts sous terre. En général, ils vivent dans des poches souterraines, qui sont séparées de la mine. Et là, l’une d'entre elles était sur le point d'être ouverte. Ça s’était déjà produit peu de temps avant, on n'allait pas recommencer. D'abord, ces trucs boueux vous cajolent, puis se prosternent devant vous en vous suppliant de les amener à la surface. Ouais, comme si on allait le faire. Les légendes disent bien que s'ils émergent, ils se dissolvent en miasmes toxiques et vous rendent malades à en mourir, littéralement. Mais bon, on a toujours quelques âmes charitables.
Un jour, un jeune gars a amené discrètement l’un des Chevreuils jusqu'à l'ascenseur et l'a fait monter à la surface. Les hommes là-haut n'ont pas compris ce qui leur arrivait. Le garçon a été accusé de sabotage et emmené par les autorités de la mine.
 Non, le seul moyen de s'en débarrasser, c'est soit de leur faire croire qu'on va les faire remonter et de couper la corde de l’ascenseur pour les faire s'écraser au sol, mais celui qui le fait perd tout, soit de les emmurer au fond d'une galerie et d'abandonner définitivement cette partie de la mine. Ça, on peut le faire quand ils ne sont pas trop nombreux. C'est ce qu'on a fait cette fois-ci. On les a emmurés au fond, ouais. Seulement, on s'est vite aperçus que les voix qui susurraient derrière le mur s'étaient multipliées. Ils avaient dû être rejoints par d'autres Chevreuils Célestes, et pas qu'un peu. S'ils nous surpassaient numériquement, c'était foutu. A quoi ils ressemblent ? Des silhouettes boueuses, se traînant sur le sol. Des yeux blancs implorants et une sorte de bave laissée derrière eux quand ils avancent, à la manière des escargots. Ouais, c'est pour ça qu'on a fait sauter la galerie. Tant pis pour ces Mosuos, ces œufs de tortue (Ndt : insulte chinoise, la tortue est le symbole de la non-fidélité dans le mariage). […]


- Témoignage d'un jeune ouvrier Han (12 ans) :

[...] Oui, c'était horrible. Les ouvriers avaient percé un mur et des silhouettes boueuses en étaient sorties. Elles se prosternaient devant nous, en nous implorant dans un dialecte ancien de les faire remonter à la surface. La majorité des hommes n'écoutaient pas et préparaient déjà leurs outils pour les battre et les emmurer. Mais mon ami, lui, a pris l’un des Chevreuils en pitié. Celui-ci lui avait raconté son histoire. J'ai essayé de lui dire que, d’après les adultes, ces monstres mentaient souvent pour amadouer les humains. Mais non, lui, il voulait à tout prix le faire remonter. Il est parti discrètement avec, sans que personne ne le voie. Je ne l'ai plus revu. Après ça, voyant que le reste de notre groupe restait inflexible, certains Chevreuils ont commencé à s'attaquer à nous.
Ils ont littéralement enseveli un homme sous leurs corps informes, qu'on a vite libéré. Ces choses ne sont pas très fortes. Mais le pauvre gars... Il avait été étouffé par ces masses spongieuses. Je me souviendrai toujours de leurs yeux. Des billes blanches et brillantes, luisant d'un éclat de mort, comme une lumière malveillante. Quand on les a emmurés, ils se sont mis à crier. Une sorte de crissement très aigu. Les ouvriers ont redoublé d'ardeur. Les Chevreuils Célestes en appelaient d'autres. Il fallait faire vite. Les hommes disaient que dans quelques jours, il y en aurait beaucoup plus derrière ce mur, et qu'ils seraient peut-être même suffisamment pour le briser et envahir la mine. Après avoir fini de sceller ces créatures, on a évacué le tunnel. Je ne suis jamais revenu dans cette partie des galeries. Je ne sais rien de plus, sinon qu'il y a eu un accident [...]



lundi 2 mars 2020

La raison

La langue n'est pas qu'un vulgaire outil de communication. C'est une œuvre à part entière, et même le fragment spirituel d'une civilisation. Elle est un palantir vers l'Histoire, la culture et la conscience d'un peuple. Elle offre, de part ses spécificités, ses évolutions et son fonctionnement interne, un ensemble de renseignements utiles à la compréhension du monde dans son ensemble. Plus que cela, elle nous instruit. C'était mon regretté collègue, le professeur Simon DIK, qui estimait que le fonctionnalisme linguistique était à même de décrypter un langage.
Cependant, la grammaire fonctionnelle a des limites. Bien que celle-ci reste un paradigme intéressant pour décrypter le sens des mots et des phrases, et plus largement de la communication verbale, je conçois à titre personnel la grammaire générative, pensée par Noam Chomsky, comme plus pertinente. En effet, elle permet de comprendre l'organisation cognitive menant à la création du langage et donc de la pensée, ainsi que les règles intériorisées par le locuteur.

Bref. Ce préambule est plutôt un exutoire. Parce que oui, j'écris ces mots en ayant le cœur empli de doutes. Bien que j'essaie de trouver une explication du plus profond de mon être et de ma cervelle, la raison ne m'en offre aucune qui soit satisfaisante.

C'est pour cela que je me tourne vers vous. Peut-être que vous verrez ce que je ne vois pas. Je travaille occasionnellement sur les évolutions récentes de la langue, à l'affût des néologismes amusants et des inventions imaginatives d'une jeunesse en pleine rébellion grammaticale.
Un jour, un étudiant dont je supervise le Master est venu me voir. Il étudie la cryptographie, et tente de développer un nouveau système de compréhension linguistique applicable au français. Il s'agit d'une sorte de base de données, permettant une classification des règles intégrées par catégories et sous-catégories. Les travaux jusqu'alors effectués par ce jeune homme sont remarquables. Tout texte y trouve une place. Sauf un. Un abîme littéraire issu de je ne sais quel clapier numérique. C'est celui-là que mon étudiant m'a apporté, pour que je lui offre mes lumières.

Seigneur. Comment décrire cela ? Rien n'a de sens. Les mots s'enchaînent sans logique discernable. J'ai d'abord cru à un texte en sumérien, mais quelques substantifs de français ne laissent aucun autre indice sur la langue employée. Quoi qu'il en soit, je devais comprendre ce que « se salo » signifiait.

Voilà trois semaines que je tourne et retourne les structures stylistiques et grammaticales sous tous les angles. À chaque fois qu'une nouvelle théorie qui permettrait d'expliquer ce texte m'apparaît, de nouveaux points émergent, faussant l'explication. Je ne rentrerai pas dans les détails, et dans tous les cas je ne parviens pas à l'expliquer complètement. De nouveaux éléments s'ajoutent continuellement. Comme un puits sans fond d'explications de plus en plus abracadabrantes, qui finissent indéniablement par me ramener à un point de départ invalidant l'ensemble. C'est de la folie. De la folie pure.

Mon esprit s'érode lentement, à mesure que se conceptualisent de nouveaux systèmes de classification. Je n'arrive pas à faire une pause. Je n'arrive pas à décoller de ma chaise de bureau sans être obsédé par l'idée de revenir pour enfin classer ce foutu ovni. Je suis fatigué. Mon appartement est rempli de carnets de recherche, des piles s'élevant jusqu'au plafond.
Le pire est mon poids. Je ne me nourris plus correctement, tout bonnement parce que je ne ressens plus la faim. J'ai d'ailleurs appris il y a peu que mon étudiant est actuellement interné après avoir tenté de manger l'ensemble de ses recherches. Nul besoin d'être un génie pour comprendre l'origine du problème. Je crains que cela ne m'arrive. Que se passera t-il ? Vais-je m'immoler avec mes carnets, ou écrire une ultime théorie avec mon propre sang, les veines à vif ?

Camarades et collègues, je vous en prie... Aidez-moi à comprendre cet « Anonymous 721 ».