Cette calamité qui s'est abattue sur nous et qui fait, aujourd'hui, trembler le monde entier. Impossible de la fuir, impossible de lui échapper. Elle ne laisse derrière elle
que de rares miraculés. Tout le monde la craint, mais personne ne
connaît sa provenance... Enfin... Presque personne. J'ai rassemblé
toutes ces données à mes risques et périls,
pour vous offrir la vérité. Le monde doit savoir, vous devez savoir,
même si cela ne vous sauvera pas la vie. C'est toujours agréable de
savoir précisément ce qui nous tuera, non ?
Rapport G01
Projet Gaia
NSB0 (Niveau de Sécurité Biologique 0, aucun risque pour l’humanité).
Note préliminaire : 19/08/1976
Depuis 1972, les grandes catastrophes naturelles ont augmenté, au point
d'atteindre un niveau alarmant. Parallèlement, de nouveaux risques
technologiques - déversements d’hydrocarbures, accidents chimiques et
nucléaires - sont apparus avec de graves répercussions sur
l’environnement. Pour parer aux risques écologiques sur le long terme,
des organisations sous la coupe des états ont établi des plans
d’intervention d’urgence pour faire face aux risques potentiels.
Mais l’activité humaine demeure la cause principale du changement du
couvert végétal mondial, et la dégradation des terres continue de
s’aggraver. La mauvaise gestion humaine et la fragilité naturelle des
écosystèmes entraînent la désertification progressive de la planète.
Et c’est pour remédier à cette catastrophe imminente que le projet Gaïa a été mis en place.
Description :
Le
projet Gaïa est un croisement entre la manipulation génétique et la
nanotechnologie. Il a pour but de créer des organismes complexes, qui permettraient de préserver la flore mondiale, et en
second plan d'améliorer la vie humaine. Même si le génie génétique a
fait des progrès spectaculaires depuis ces trente dernières années, nous
avons essuyé plusieurs échecs cuisants dus à la complexité de la tâche.
Mais après d’innombrables essais infructueux, la solution a fini par
être trouvée. À défaut de créer de nouvelles espèces de plantes déjà
finies, il a été décidé que des bulbes-parasites seront beaucoup plus
simples à créer et à manier. Ces bulbes-parasites s’accrocheraient à une
plante déjà existante pour en améliorer la résistance, le
développement, et la multiplication, avec un temps de croissance
exceptionnel, permettant de « refleurir » la planète en cas d’une
catastrophe de classe C ( : qui pourrait entraîner l’extinction de
l’espèce humaine).
Les sujets issus de cette expérimentation
prennent la forme de bulbes verts ou gris de dix centimètres de
diamètre, et se logent généralement à la base des branches de l’hôte.
Une fois arrivé à maturité, le bulbe-mère va relâcher une grande
quantité de spores qui va s’arrimer à d’autres arbres dans un rayon
d’une trentaine de mètres, avant de se mettre à sécréter des enzymes qui
vont améliorer la capacité de l’hôte d’origine et des hôtes
secondaires.
Les bulbes-mères sont confinés dans une grande
installation militaire souterraine, dans une unité de bio-confinement
située dans la zone A7, au Zaïre, à proximité de la localité de Yambuku.
Ils sont contenus dans des pots de terre cuite, l’alimentation et
l’hydratation doivent être quotidiennes et régulières. Des lampes à UV
reliées à des générateurs de secours, si besoin, doivent fonctionner
sans interruption, jusqu’à arriver à maturité. Par la suite, l’entretien
sera hebdomadaire et l’utilisation des lampes UV ne sera plus
nécessaire.
La salle de manipulation doit être fermée
hermétiquement, et doit être équipée d’un sas pour éviter toute fuite
des spores avant la fin de la phase expérimentale. Un système
d’incinération est installé pour éviter une potentielle prolifération
biologique. Les spores sont censées être inoffensives, mais tant que la
phase d’expérimentation n’est pas terminée et que les risques sur l’être
humain ne sont pas déterminés et écartés à 100%, tous les membres du
personnel scientifique sont priés de porter un des masques à gaz mis à
disposition à cet effet.
Journal personnel
20/09/1976
Les bulbes-mères enchaînent une série de tests visant à prouver leur
résistance, leur efficacité, et leur passivité face aux êtres vivants.
Objet : Bulbes-mères à maturité.
Résultats du test :
00 :10- Plusieurs sujets-tests sont placés sur un arbre hôte. Chaque arbre est d’une espèce différente.
00 :45- Après s’être enracinés avec succès sur leurs hôtes respectifs,
les bulbes-mères s’ouvrent, laissant échapper des spores sur toute la
surface de leur hôte et sur un périmètre d’une trentaine de mètres
autour de lui.
1 :50- Les cicatrices et blessures présentes sur l’hôte se résorbent.
2 :30- L’hôte n°05, de l'espèce Crudia laurentii, a grandi de douze centimètres en une durée de une minute et
dix secondes. Sa masse volumique est estimée à environ 650 kg/m³.
3 :10- L’hôte se met à sécréter une sorte de sève, qui se repend sur le
sol à proximité. De cette sève se développent des plantes, qui
commencent à s’enraciner au sol.
3 :50- Croissance exponentielle des plantes.
4 :45- La zone « contaminée » s’étend au-delà de celle qui était
prévue au départ. Différentes espèces de champignons, plantes,
répertoriées ou non, commencent à se développer.
Note :
Plusieurs problèmes ont été détectés, la zone d'action des spores est
beaucoup plus étendue que prévu. Les spores ne doivent faire
repousser que des espèces déjà existantes et non pas en introduire de
nouvelles. Ils ont uniquement été programmés pour améliorer et
reproduire leur hôte d'origine. Ils n'ont pas été modifiés de façon à
pouvoir effectuer d'autres actions, la défaillance doit être repérée et
éliminée avant les prochains tests sur des hôtes humains.
5 :27-
L’écorce de l’hôte se couvre de striures qui peuvent faire penser à un
début de graphiose. Une mineuse avancée a aussi été constatée.
Note :
Suite à une série de maladresses, un de mes confrères a perdu son
masque à gaz, après avoir trébuché sur une racine. Le test a dû être
suspendu d’urgence et le personnel « infecté » placé sous surveillance
médicale.
22/09/1976
Deux jours après
l’incident, le personnel infecté est subitement entré dans un état
euphorique. Précédemment placé sous surveillance médicale, le sujet a
été placé en quarantaine, dans une chambre d'isolement de
haute-sécurité.
Début :
Après quelques minutes, le sujet a commencé à développer des symptômes
semblables à la grippe et à se plaindre de fortes douleurs musculaires,
de nausées violentes.
Évolution initiale :
Près d’une demi-heure après le début des symptômes, de forts
vomissements ont été observés. Accompagnés d'asthénie (affaiblissement
généralisé de l'organisme).
Pour atténuer ces affections, il a été
administré par voie orale : 1,4 mg de thiamine hydrosoluble et 6 mg
d'acide pantothénique hydrosoluble. Des lésions cutanées ont également
été constatées.
Phase terminale :
Après 48 heures, d'autres signes cliniques tels que des hémorragies
internes et externes se sont enchaînés. Plusieurs perfusions seront
pratiquées.
Une heure après, le sujet décédera de choc hypovolémique.
Note : Suite à cet incident, le Projet Gaïa a été
suspendu pour des raisons de sécurité. Les hauts gradés encadrant le
projet ont décidé de suspendre les expérimentations et de détruire
toutes les recherches et tous les spécimens. Il a été jugé préférable
d’arrêter tant qu’il en était encore temps. Toutes nos recherches, toutes
ces années perdues, vont partir en fumée. Mais je ne les laisserai pas
faire de mal à mes créations. Je sais que ce projet a un gros potentiel,
je dois sauver quelques échantillons et le continuer.
ZAIRE-
Des bruits sur la propagation rapide d’une épidémie curieuse et
mortelle se développaient dans la province de l'équateur, du côté de
Yambuku. Près d’une petite maison catholique qui possédait un hôpital
très réputé dans le soin des malades. Et ce sont les religieuses qui ont
alerté la coopération médicale belge au Zaïre. Dans la région,
disaient-elles, les morts se comptent par dizaines, et la propagation au sein de mêmes familles est très élevée.
Malgré
le danger de contamination, on ne connaît encore rien de ce nouveau
virus. Deux médecins ont décidé de se rendre sur place. Équipés de blouses stériles, de masques et de gants. Ils vont alors prélever des échantillons, qu'ils ramèneront d'abord vers Kinshasa.
Les
échantillons seront ensuite expédiés d'une part dans un avion de la
Sabena, et d'autre part d'un avion de l'UTA. Au départ, il s'agissait de
les envoyer à l'institut Pasteur à Paris, et à Anvers à l'institut de
médecine tropicale. Finalement, sur ordre de l'OMS, les échantillons
seront renvoyés au CDC d'Atlanta. C'est là que les scientifiques
finiront par identifier le nouveau virus. Il s'appellera "Ebola", du nom
de la rivière qui coule à Yambuku.
Cette première épidémie fera 280 morts et s'éteindra d'elle-même.
Extrait de « La voix du Zaïre », le 30 septembre 1976.