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lundi 11 avril 2022

Cryptobrèves de Mars

L'année dernière, les membres du forum de CFTC se sont réunis autour d'un projet d'animation nommé « Les cryptobrèves de Mars » ; à l'instar du inktober dont le but est de produire un dessin par jour pendant un mois suivant un thème dédié à chaque journée, les participants ont ici écrit une courte production en respectant les thématiques imposées chaque 24h !

Nous vous proposons aujourd'hui de découvrir le fruit de leurs efforts à travers cette collection, avant un retour au cours normal des publications dès la semaine prochaine, n'hésitez pas à nous indiquer en commentaire la ou les cryptobrèves qui vous ont particulièrement plu !



1er Mars : Cauchemars


« Cette nuit j’ai fait un cauchemar dans lequel une silhouette s'introduisait par ma fenêtre avant de me tuer. À mon réveil, il y avait des traces inhabituelles sur la vitre.

J’habite au 3ème étage. » - Miss_Cobra


« Comme à chacune de mes crises de somnambulisme, j'ai eu la sensation de chuter dans le vide. À la différence que cette fois, j'ai senti la rambarde du balcon me percuter » - Madeagle


« Je me suis réveillé en sursaut d’un rêve où toutes mes dents tombaient les unes après les autres. Mais vu que je les sens encore dans ma bouche, à qui appartiennent les dents éparpillées autour de mon lit ? » - Litanie


« Son réveil en sursaut fut suivi d'un soulagement :

"Ce n'était qu'un cauchemar", se dit-elle.

Pourtant, elle pouvait encore sentir l'odeur du chloroforme. » - Sawsad


« Depuis une semaine, je fais des rêves horribles dans lesquelles ma mère m'enferme dans sa cave et m'arrache une dent par jour. J'aimerais tant ne plus me rappeler que c'était moins douloureux avant qu'elle ne passe aux doigts. » - Magnosa


« Je fais souvent des paralysies du sommeil doublées de « cauchemars » dans lesquels j’ai des hallucinations. A force, j’ai appris à relativiser pendant les crises en me disant que c’est juste mon imagination, mais si c’est juste mon imagination, pourquoi Siri vient de dire qu’il y a quelqu’un dans la pièce qu’elle ne reconnaît pas ? » - Orizy


2 Mars : Monstres


« Depuis plusieurs jours je jurerais sentir quelque chose donner des coups de pieds dans mon ventre.

Je ne suis pas enceinte et surtout… Je suis un homme. » - Orizy


« Après s’être retiré, il lui caressa la joue afin d'essuyer ses larmes.

"Tu es vraiment un monstre", lui dit-elle

"Mais enfin chérie, les monstres ça n'existe pas. " » - Sawsad


« Cela l'amuse beaucoup de voir le chiot nager dans l'eau. Dommage que la chaîne l'empêche de regagner la surface. » - Litanie


« J'entends toquer à la porte. Ça me paraîtrait tout à fait normal, si ce n'était pas celle de mon armoire... » - Miss_Cobra


« Le plus horrible n'a pas été de voir mon mari atrocement éviscéré par cette créature tout droit sortie des Enfers. Ç'a été de voir le visage de mon enfant se déformer alors qu'il lui disait "Papa, je peux faire pareil à maman ? » - Magnosa


3 Mars : Kidnapping


« Comme d'habitude avec mes coups d'un soir, je me réveillai dans une pièce qui m'était inconnue, cette fois cependant je n'arrivai pas à me lever. Dans l'obscurité c'est la douleur qui me fît comprendre que mes jambes avaient disparues. » - Madeagle


« On m'a toujours dit que je ne devais pas parler aux inconnus.

Pourtant c'est parce que j'ai parlé à un inconnu que la police est venue me libérer. » - Orizy


« C’est avec enthousiasme que la fillette accepta l’offre du vieil homme, et monta dans la voiture rouge. Plus personne ne le revit jamais. » - Sawsad


« La petite n'arrête pas de faire des crises de nerfs... Je devrais peut-être me débarrasser aussi de celle-là. » - Miss_Cobra


« "Papa !" hurlais-je en me débattant alors que la voiture s'éloignait.

"T'en fais pas ma jolie, il y a plein d'hommes qui voudront prendre soin de toi et être ton papa." » - Litanie


4 Mars : Folie


« Je suis veuf, mon épouse me manque terriblement et chaque jour je pense à elle. Finalement, je regrette de l'avoir tuée. » - Orizy


« "Tout ça, c’est dans votre tête", m’a dit le médecin, distrait. J’ai beau me griffer le crâne jusqu’au sang, creuser jusqu’aux méninges, enfoncer mes doigts dans ma cervelle, je ne trouve rien. » - Litanie


« Après une énième menace de mort, je l'enfermai dans le coffre de ma voiture. C'était sans compter sur l'appel passé à la police pour la sortir de là... Maudite poupée. » - Madeagle


« Lorsque j'ai entendu des grattements provenant du grenier j'y suis monté. Lorsque j'ai compris que les bruits venaient d'en dessous le plancher j'ai voulu redescendre. Sauf que maintenant le seul passage s'est refermé. » - Madeagle


« Ceux qui peuvent m’entendre ne le veulent plus, alors ils se gavent de médicaments. Pourtant, je leur répète sans cesse qu’ils ne sont pas fous. » - Sawsad


« Elle avait des yeux magnifiques... Pourquoi ne sont-ils plus dans leurs orbites ? » - Driller_Killer


« J'en ai marre d'entendre mes parents hurler du matin au soir, surtout qu'ils sont morts dans un accident l'année dernière. » - Miss_Cobra


5 Mars : Internet


« Aujourd’hui j’ai reçu au moins trois mails de menaces de mort, en temps normal je ne m’en serais guère inquiété, sauf que je n’ai plus de connexion depuis une semaine. » - Sawsad


« J’aurais dû me poser la question plus tôt : un captcha n’est pas censé utiliser des photos de moi. » - Sawsad


« Je parcourais avec horreur le site Internet que m’avait envoyé mon ami, de multiples photos de moi, nu, dans des positions explicites, parsemant la page. Je comprenais mieux pourquoi mon grand frère insistait toujours pour me garder quand j’étais petit. » - Litanie


« Mes parents m'ont toujours enseigné qu'il fallait se méfier des gens sur internet. Visiblement, mes victimes ont eu une éducation différente. » - Orizy


« "OK Google, raconte-moi une histoire effrayante."

"Il y a quelqu’un derrière vous."

Maudite technologie, je ne pensais pas qu’elle allait me dénoncer… » - Miss_Cobra


6 Mars : Fantômes


« Toutes assises autour de la table, les mains posées sur la Goutte, nous étions surexcitées. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque mon amie brisa le silence en demandant si j’étais là. » - Sawsad


« Ma mère me disait de ne pas culpabiliser, que ce n’était pas ma faute si je n’avais pas surveillé correctement mon frère. Lui me répétait que c’était elle qui avait maintenu sa tête sous l’eau. » - Litanie


« Ce matin, mon fils est venu s'excuser d'avoir brisé le miroir de la salle de bain durant la nuit. Il est décédé depuis maintenant deux ans... » - Orizy


7 Mars : Jeux-vidéos


« Je n’aurais peut-être pas dû accepter ce dernier verre, il avait un goût étrange, me dis-je, en sombrant dans l’inconscience.

"Hey you, you’re finally awake. " » - Litanie


« Il nous contrôle, il décide quand est-ce que nous devons manger ou même dormir. Il nous utilise comme des pantins et il pense même pouvoir décider qui doit vivre ou mourir…

"Tiens et si je jouais aux Sims ?" » - Orizy


8 Mars : Malédiction


« Lorsque la sorcière m'a condamné à me tordre de douleur jusqu'à ma mort, je pensais pouvoir mettre un terme à ma souffrance en me suicidant.

Je ne savais pas encore qu'elle m'avait rendu immortel. » - Orizy


9 Mars : Cannibalisme


« Il caresse tendrement le ventre arrondi de sa femme. Il n'y a rien de meilleur que les produits élevés localement... » - Litanie


« En ce moment, j'oblige ma chère et tendre à suivre un régime. Comprenez-moi, la viande trop grasse a mauvais goût. » -Orizy


« Enfant, je croyais que les monstres allaient dévorer mes pieds si je les laissais dépasser de la couette. Je pense que j'aurais préféré ça plutôt que de me réveiller en plein milieu de mon ablation du rein pour découvrir mon chirurgien en plein repas. » - Magnosa


« J'ai toujours trouvé que ma femme avait mauvais goût. Même avec de la sauce. » - Atepomaros


« Pour la première fois depuis longtemps, nous avons eu un bon repas. Je regrette seulement de ne pas avoir pu participer au bénédicité comme il se doit : comment prier lorsque ses bras sont dans la casserole ? » - Sawsad


10 Mars : Sorcellerie


« Elle était endormie dans un profond sommeil, rayonnante de beauté et incapable de résister. « Il faudra que je double la paie de la sorcière », se dit le Prince Charmant en s’approchant du lit. » - Litanie


« "Brûlez-la ! C'est une sorcière, elle a tué mon fils !" ai-je crié en pointant du doigt la doyenne du village.

Après tout, qui pourrait soupçonner une mère en deuil de mentir pour camoufler un sacrifice humain ? » - Orizy


11 Mars : Enfer


« Je ne comprenais pas pourquoi mon grand-père s’inquiétait autant de finir en enfer durant ses derniers jours. Ce n’est qu’après sa mort que j’ai compris qu’il n’avait pas été dans les camps en tant que prisonnier » - Litanie


« J'ai toujours été croyant, j'ai toujours fait le bien autour de moi et confessé mes quelques péchés pour accéder au Paradis.

Je n'imaginais pas qu'en réalité il n'y avait que l'Enfer pour tout le monde. » - Orizy


« Le prêtre était enfin parvenu à invoquer la bête, mais celle-ci, affamée, réclamait maintenant une offrande à dévorer. L’homme avait anticipé cette requête, et d’une boîte poussiéreuse, il sortit plusieurs spirales d’un noir profond, qu’il disposa aux pieds de la bête. Celle-ci refusa et égorgea le prêtre : personne n’aime la réglisse. » - Sawsad


12 Mars : Apocalypse


« Quand les quatre cavaliers ont commencé à tout détruire, nous pensions être perdus. Puis des anges sont descendus du ciel.

Quelle n'a pas été notre surprise quand ils ont commencé à les aider... » - Orizy


« Je pensais être prêt à tout pour survivre dans ce monde post apocalyptique. Ma détermination a commencé à vaciller quand j’ai dû choisir entre déterrer ma famille ou mourir de faim. » - Litanie


« Au début on ne le croyait pas, on le prenait évidemment pour un fou. Mais il a fallu se rendre à l’évidence, des nuits aussi obscures, ce n’était pas normal. C’est là que nous avons compris qu’il avait réellement décroché la lune. » - Sawsad


13 Mars : Torture


« Une douleur indicible me traversait pendant que mes côtes craquaient les unes après les autres.

« Ouvre les écarteurs mieux que ça, je vois pas son cœur là… Passe-moi le bistouri électrique, on va cramer tout ça, ça saigne trop…" » - Litanie


14 Mars : Guerre


« Il est là...

Vous ne l'avez jamais vu avant, mais maintenant… c'est trop tard…

Il prévient avant d'agir normalement…

Vous êtes l’exception ! » - Wasite


« Je pensais que nous avions le dessus sur l'armée en face de la nôtre, jusqu'à que les militaires morts commencent à se relever. » - Miss_Cobra


« L’armée m’a appelé pour me dire que mon fils était décédé sur le champ de bataille. Avec qui ai-je passé la journée alors ? » - Litanie


15 Mars : Rituel


« C’est ma faute si ma famille est morte dans l’accident de voiture. J’ai oublié de me laver les mains sept fois avant de prendre le volant. » - Litanie


16 Mars : Phobie


« Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi les gens avaient peur des cafards, jusqu’à ce que je les sente grouiller sous ma peau et sortir de mes boutons d’acné. » - Litanie


17 Mars : Urbex


« Mon meilleur ami et moi avions décidé d’aller visiter la vieille maison hantée et abandonnée depuis plusieurs années, au bout de la rue. Après l’avoir fouillée de fond en comble, nous étions tous les trois déçus de ne rien avoir vu de surnaturel. » - Litanie


18 Mars : Halloween


« J’ai toujours aimé sculpter des faces terrifiantes pour Halloween, bien que je sois aveugle. Mais l’odeur métallique qui se dégage de mes créations me laisse penser que je me suis trompé sur le type de légumes commandés cette année. » - Litanie


« J'adore Halloween, c'est ma fête préférée.

C'est aussi le seul jour où je peux sortir librement, puisque tout le monde pense que je suis déguisé. » - Orizy


19 Mars : Forêt


« Cela faisait plusieurs années que je n’avais pas été dans la forêt de mon enfance. Je me suis rappelée pourquoi quand le sapin que j'ai voulu couper pour Noël s’est mis à saigner. » - Litanie


20 Mars : Superstitions


« On m’a toujours répété que briser un miroir provoque sept ans de malheur. Mais personne ne m’a dit quoi faire quand le reflet se faufile à travers les craquelures. »

« Ma grand-mère m’a toujours répété que briser le vieux miroir dans le grenier me porterait malheur. J’aurais dû être plus prudent, me dis-je en regardant mon reflet s’extirper à travers les craquelures de la surface polie. » - Litanie


21 Mars : Chasse


« Il m’a proposé de m’emmener chasser pour notre premier rendez-vous. Je ne m’attendais pas à être le gibier. » - Litanie


22 Mars : Meurtre


« Mes parents sont encore en deuil suite au décès de ma sœur. Je pensais qu'après sa mort, ils s’occuperaient enfin de moi. » - Litanie


27 Mars : Taxidermie


« Quel ne fut pas ma surprise quand, pour la première fois depuis cinq jours, ma femme me salua le matin à l'heure du petit déj. Je me souvenais pourtant l'avoir empaillé mardi dernier. » - Madeagle


28 Mars : Enfants


« La rumeur selon laquelle son sang avait la faculté de rajeunir avait fait le tour du village en un rien de temps. Le lendemain, on retrouva la fillette exsanguinée. » - Sawsad



Comme vous l'aurez remarqué l'inspiration n'a pas été présente tous les jours chez nos participants mais cela n'enlève rien au charme de cette animation qui aura permis à nos membres de nous écrire de jolies perles, bravo à eux !

Si vous souhaitez participer à nos prochaines animations, n’hésitez pas à franchir le pas et à vous inscrire sur le forum ou rejoignez-nous tout simplement sur notre discord, notre équipe se tient prête à vous accueillir bras ouverts !


Cette creepypasta vous est offerte grâce au concept de AngeNoire et Koda, au travail de dr.lama, qui a assuré la compilation des éléments nécessaires à sa rédaction, à Litanie qui s'est chargée de la correction ainsi que de la mise en forme et de nos auteurs qui ont donné de leurs temps pour la rédaction de ces brèves ! 

lundi 4 avril 2022

Les judas de mon immeuble


Temps approximatif de lecture : 2 minutes.

On vit vraiment une sale époque, pas vrai ? Entre la maladie, les guerres et la criminalité, le danger est maintenant omniprésent. Selon moi, ce dont la population a le plus besoin, c’est avant tout de sécurité.

vendredi 1 avril 2022

Carabined René


Temps approximatif de lecture : 7 minutes.

Il y a trois jours, en ouvrant ma boîte aux lettres et en insultant de tous les noms ce putain de facteur qui n'a jamais été foutu de comprendre les caractères « Pas de pub » inscrits au feutre noir sur le contenant, j'ai saisi la gerbe de publicités colorées qui en dépassait et dont la simple vue me faisait presque regretter la victoire du capitalisme sur le communisme, puis suis rentré chez moi en proférant des injures mongoles. Une fois à l'intérieur, j'ai jeté les flyers et catalogues sur la table du salon avec la nette intention de m'en servir pour alimenter ma cheminée. Les feuillets se sont répandus sur le meuble en vieux chêne, révélant un contenu qui pouvait aller d'offres spéciales concernant le boudin noir du Carrefour de ma rue à des publicités douteuses pour un sex-shop dont le logo ressemblait curieusement à une femme assise sur un berceau de judas, en passant par quelques annonces du docteur Al'akbou, grand marabout capable de vous guérir de l'impuissance, et reconnu par Didier Raoult en personne.

Devant tant de décadence humaine, j'ai soupiré. Sérieusement, qui mangeait encore du boudin noir en 2022 ? Où étions-nous, revenus à l'époque des poulardes et du pain sans sel, un temps dont le seul vestige est un Christian Clavier habillé en péruvien qui s'extasie devant un interrupteur et mange des os à moelle à même le sol  ?

Gagné par une misanthropie et une rage que la réflexion précédente venait de réveiller, j'ai poussé un cri de rage, et ai saisi toutes les publicités éparpillées sur la table pour les rouler en boule, et les jeter dans l'âtre que je projetais d'allumer. Tandis la boulette de papier atterrissait au cœur de ma cheminée, j'ai remarqué un prospectus qui avait échappé à ma colère, et l'ai aussitôt attrapé dans l'objectif de lui faire subir le même sort qu'aux autres. Mais alors que je m'apprêtais à la réduire à l'état de chiffon, mon œil a été attiré par le visuel de la publicité que je tenais en main, m'arrêtant net. La première chose qui m'a marquée, c'est qu'on aurait dit le projet d'arts plastiques d'une classe de CE1 tant le trait était grossier, à tel point que je me suis demandé quel genre d'imprimeur pouvait bien avoir accepté de produire de tels tracts.

Le visuel en question consistait en un dessin de trois personnages au look gothique, qui souriaient de manière extrêmement gênante sur fond de forêt. Sur la gauche, le personnage représenté était une espèce de clown qui visiblement avait manqué le passage à la télé couleurs, et dont le nez me rappelait cruellement un Mikado. Venait ensuite un adolescent à l'air dépareillé et dont les lèvres, présentant des comissures ensanglantées, me faisaient me demander s'il n'y avait pas une histoire tournant autour de fantasmes douteux incluant des menstruations. Enfin, tout à droite, le dessin de la petite bande se concluait par une sorte de « chien » dont les quenottes brillantes remettaient en question les douze années de bons et loyaux services qu'avait à son actif mon dentiste.

En-dessous de cette grossière esquisse, un paragraphe d'un blanc laiteux surplombé d'un étrange symbole ressortait sur le fond noir du prospectus.

« Vous avez toujours rêvé de devenir l'un des proxies de sa Sainteté le Slenderman ? C'est compréhensible, voyez comme nous sommes heureux ci-dessus. Rendez-vous au cœur de la Forêt de Marchiennes, le 24 février 2022, à 22 h. Nous ferons de vous ce que vous avez toujours voulu être. »

Lorsque j'ai eu fini de lire le paragraphe, je suis resté interdit durant quelques secondes. Le 24 février, c'était aujourd'hui. Quant à devenir ce que j'avais toujours voulu être... Je me voyais déjà, riche comme Crésus, au bras d'une jeunette deux fois plus jeune que moi, rendant ivre de jalousie cette vieille peau qui m'avait servi de femme pendant trente ans, m'ayant quitté sous un prétexte fallacieux il y avait maintenant cinq années. Elle m'avait retrouvé au lit avec sa sœur un beau matin de printemps, et n'avait jamais voulu me pardonner, sous prétexte que j'étais quelqu'un d'immonde et d'immoral. Vous me direz, j'aurais pu n'en avoir cure et lui répondre que j'allais partir vivre avec sa sœur, ce qui étais prévu, mais la police avait fait irruption dans la chambre funéraire à sa suite, et m'avait sommée de les suivre alors que des employés des pompes funèbres déboulaient en quatrième vitesse, s'affairant à remettre le corps bien en place dans le lit. Je me rappelle encore des derniers mots que j'avais lancés à mon ex-femme, alors que l'on m'accompagnait hors de la pièce. « Tu sais, ça n'a rien de si écoeurant. C'est comme un plongeon dans la mer sur la côte bretonne : au début, c'est un peu froid, mais une fois qu'on est dedans, on est bien. La Bretagne te dégoûte, peut-être ? Non. Alors arrête un peu tes jugements de mégère arriérée ».

La police n'avait visiblement pas trop apprécié, et m'avait gratifié d'un coup de matraque dans...

Le téléphone sonnait. Arraché à ce douloureux souvenir, je suis revenu à la réalité, et ai saisi le combiné qui traînait sur le rebord de la cheminée. Aussitôt, une voix grave s'est adressée à moi.

«  Demain. 22 h. Dans la forêt de Marchiennes. Venez s...

- Est-ce que j'ai l'air d'être paysan au point de ne pas savoir lire ?

- Non. Mais je dois m'assurer...

- Et puis, qui a dit que je voulais y aller, à votre réunion de hipsters ?

- Nous ne sommes pas des hipsters, comme vous dites. Nous sommes les pro...

- Les proquoi ? Les prolétaires, les procrastinateurs, les procréateurs ?

- Les proxies.

- Non merci, j'ai déjà Nord VPN, je n'ai pas besoin de ça sur mon ordinateur. Allez démarcher des auto-entrepreneurs, au lieu de faire chier les honnêtes gens.

- Mais... »

Excédé, j'ai raccroché. Ils voulaient que je vienne à leur réunion de programmeurs sataniques ? Ils allaient être servis. S'il y avait une chose que je haïssais encore plus que les pâtes sans parmesan, c'étaient ces espèces de cercles new age remplis de jeunes cons qui se donnaient des noms à la mords-moi-le-noeud dans l'espoir de paraître marginaux, et de révolutionner la pensée sociale avec des projets artistiques aussi innovants que le fait de copuler sur le capot d'un cabriolet en Amérique durant les Trente Glorieuses.

Fourrant le prospectus dans ma poche, j'ai décroché ma carabine à plombs du mur, l'ai chargée, ai enfilé ma casquette plate, et suis sorti de chez moi. J'allais faire le ménage, et empêcher l'extrême-gauche de contaminer d'autres personnes innocentes avec ses idéaux nauséeux avant qu'il ne soit trop tard. Ce sont les petits ruisseaux qui finissent par faire les grandes rivières, et je devais être celui qui tuerait le serpent dans l'oeuf pour m'assurer qu'il ne devienne jamais un danger pour notre pays, et ses valeurs. J'ai sorti mon walkman de ma banane, y ai inséré une vieille cassette usée, ai enfilé mon casque audio, et alors que le Horst-Wessel-Lied envahissait doucement mes oreilles, je me suis mis en marche vers la forêt.

Il devait être aux alentours de 19 h lorsque je suis parvenu à l'orée du bois. La nuit commençait déjà à tomber, et si j'avais été de ces parigots pétochards qui ne connaissent que leur jungle de béton et leurs clochards à cinq grammes, j'aurais pu me laisser aller à dire que l'ambiance était menaçante. Mais laissant là ces considérations, j'ai ôté mon casque audio, et me suis avancé sur le sentier, entamant ma marche entre les fougères humides qui poussaient çà et là. Pour y avoir traqué le dahu dans mes années les plus candides, je connaissais la forêt par cœur, et suis rapidement arrivé au croisement qui marquait, selon le consensus des villes environnantes, le « cœur » de celle-ci. Lorsque je me suis caché dans les fourrés, ma carabine pointée sur le chemin, il était environ 21 h.

J'ai attendu à peu près une demi-heure avant de voir les premiers hipsters arriver. En voyant leur aspect, j'ai réprimé un vomissement. Habillés tout en noir, de longs cheveux de même couleur cachant la moitié d'un visage juvénile, et une bague de la taille d'une gousse d'ail à chaque doigt, les deux nouveaux venus avaient vraiment l'air de deux adolescents attardés qui s'étaient rendus à un festival de black metal avant de venir. Sans un mot, ils ont commencé à sortir un petit tube rouge d'un sac qu'ils avaient emmené, et à tracer un étrange symbole au sol, le même que sur le flyer, semblait-il. Ils se sont ensuite assis en tailleurs chacun d'un côté du tracé, et ont enfin ouvert la bouche.

« T'es sûr que le Slenderman va se ramener, cette fois ?

- T'inquiète, je l'ai lu sur un forum de jeux vidéo, faut juste être assez nombreux.

- Et assez torturés, aussi.

- Ouais, parce qu'on est grave torturés nous. Sombre est notre vécu, triste est notre passé.

- T'es trop dark mec, c'est ouf.

- C'est pas pour rien que je suis moitié loup-garou moitié chupacabra, le côté dark vient avec.

- Et t'arrives à être un proxy en plus de tout ça ? Trop fort mec. »

Alors que les deux acolytes semblaient discuter bon train, j'ai pris conscience d'une chose extrêmement importante. J'avais oublié l'essentiel, ce qui me permettrait de comprendre toute la teneur de l'événement, et de prévaloir si une telle chose venait à se reproduire une fois que j'en aurai eu terminé ici. J'avais oublié mon dictionnaire. Je n'avais en effet pas compris un traître mot de ceux qu'ils avaient échangés. Ce devait être une sorte de langage codé, utilisé de manière à ne pas laisser fuiter des informations qu'un importun comme moi aurait tôt fait d'utiliser contre eux dans mon projet de sauvetage du pays. Ils étaient forts, très forts.

L'échange en langage codé a continué pendant une autre demi-heure, jusqu'à ce que d'autres hipsters arrivent par le chemin opposé à celui par lequel j'étais venu, très vite suivis par un autre groupe, et encore un autre. En une dizaine de minutes, il y avait bien une trentaine de personnes, habillées dans ces espèces de tenues de deuil customisées façon punk à chien, qui s'étaient assises en tailleurs autour du symbole, et conversaient allègrement dans leur idiome codé. Puis, le vent a soufflé dans les arbres, et tout le monde s'est tu. Depuis ma cachette, j'ai doucement ajusté la position de ma carabine pour pouvoir les plomber les uns après les autres dès que l'occasion se présenterait, le doigt sur la détente.

Les hipsters se sont alors pris les mains, formant un cercle parfait autour du symbole tracé au sol, et se sont mis à dodeliner de la tête en chantonnant doucement, les yeux clos.

« Slenderman, Slenderman, fais de moi quelqu'un de dark. Slenderman, Slenderman, tue la brute du collège pour moi. Slenderman, Slenderman, je veux devenir un proxy parce que c'est classe. »

Alors que le chant cacophonique s'intensifiait, je me suis surpris à taper du pied. Il fallait bien avouer que malgré son médiocre sens de la rime, l'extrême-gauche avait une bonne mesure de la rythmique.

Puis, d'un coup d'un seul, ils ont cessé de fredonner leurs chants païens, et ont ouvert les paupières. C'est à ce moment qu'un frisson de terreur m'a traversé l'échine. Dans leurs yeux, je pouvais maintenant la voir, cette lueur. Celle de la décadence humaine, du chaos, et du new age. Je pouvais même y voir danser nue une version bavaroise de Christiane Taubira, tant ces yeux reflétaient la mort et les prémices de la destruction du monde. J'ai hurlé, et sans réfléchir, j'ai jailli hors de mon buisson comme un diable monté sur ressort, avant de canarder l'assemblée. Aucun d'entre eux n'avait eu le temps de se relever que déjà, ils gisaient tous à terre dans une marre de sang. Je suis tombé à genoux devant le massacre, foudroyé par la fierté que je ressentais en cet instant, celle d'avoir sauvé mon pays d'une potentielle menace.

C'est alors qu'une main s'est posée sur mon épaule. Une main pâle, et aux doigts longilignes. Poussé par mes réflexes, j'ai attrapé le bras auquel elle était reliée, et l'ai tiré en avant, faisant voltiger par-dessus mon épaule le corps filiforme d'un homme en costume, qui est venu s'écraser dans l'hémoglobine. Il a poussé un cri, et se redressant à-demi, a tourné vers moi une face entièrement blanche. Sûrement un autre de ces costumes inspiré des punks à chien. Je l'ai braqué avec ma carabine, et il a levé les mains en l'air avant de s'adresser à moi.

« Wow, on se calme. Je voulais juste vous remercier pour ce que vous avez fait. Ces gamins venaient dans la forêt tous les samedis pour chanter leur comptine étrange ou se frotter nus contre les arbres en espérant me faire venir à eux, je commençais à en avoir assez. Et puis, regardez-moi, je suis anorexique depuis ma naissance. Au mieux, j'aurais eu la force d'en faire tomber un dans les feuilles mortes, mais pas celle de les foutre dehors. Je ne sais pas, il y en a qui font une fixette sur moi depuis ce shooting photo de 2009, que j'avais accepté de faire pour le Téléthon. Putain, au final, ces gauchos m'ont ruiné la vie, je vous le dis. »

Touché par ces paroles, j'ai baissé mon arme, et ai considéré cet homme sans visage, cet homme qui semblait avoir vécu les mêmes choses que moi, cet homme à travers lequel je me reconnaissais, quelque part.

« Alors vous aussi... vous détestez tous ces hipsters new age qui font des messes noires le dimanche et représentent un danger pour la patrie ?

- Je n'ai, mais alors rien compris.

- Vous aussi, vous haïssez les gens comme... euh, ça ? »

Du bout de ma carabine, j'ai indiqué l'un des corps, dont un morceau de cervelle commençait déjà à s'écouler par l'oreille. L'homme filiforme a gardé le silence un bref instant, et a hoché la tête.

« Nous nous sommes compris. Vous savez, c'est la première fois que je rencontre un homme comme vous, quelqu'un qui a à cœur d'éliminer la vermine, et de rétablir la paix. Marcheriez-vous à mon côté, pour appliquer la justice dans ce monde de cringe ? »

A ce moment, une larme a roulé sur ma joue. Pour la première fois, je me sentais compris.

« Oui... J'accepte de servir la lumière, et d'éliminer tous les ennemis de la nati... euh, de l'idéal.

- Bienvenue parmi les proxies, alors. »

Sur ces mots, l'homme m'a tendu la main. Je l'ai considérée un instant, mais comprenant d'un coup un détail qui jusqu'alors m'avait échappé, mon sourire s'est évanoui. J'ai pointé ma carabine sur le visage lisse du fil de fer qui me faisait face, et ai tiré à bout portant. Le corps est retombé mollement à terre, sa taille lui donnant dans sa chute l'aspect d'un pantin désarticulé.

- Je vous l'ai déjà dit bordel de merde, j'ai Nord VPN, je n'ai pas besoin de votre truc.

Et alors que le sang de l'homme anorexique se mélangeait à celui des hipsters pour nourrir l'humus du mois de février, je me suis retourné sans un regard, et ai remis mon casque audio pour retrouver le chemin de la maison. Aller aussi loin dans une campagne de publicité pour une saloperie de proxy, il fallait vraiment être un chômeur qui n'a que ça à foutre. 

Mais je n'en ai pas terminé, je n'en aurai jamais terminé. Les hipsters, les publicitaires véreux, tous ces suppôts de ce doppelgänger bavarois de Taubira qui vit à travers eux, et qui tire les ficelles. Je les retrouverai tous, et je les tuerai. Cette fois, c'était la fois de trop. Il n'y a plus de place pour le pardon, désormais.

Je suis Carabined René, le bras armé de la justice. Et je sauverai mon pays, même si je dois en purifier l'entièreté de mes propres mains, même si je dois traquer Bavarian Taubira jusqu'en Enfer.

Même si je dois me transformer en monstre.


...J'ai failli oublier, Poisson d'avril. Et joyeux anniversaire au blog !