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vendredi 30 octobre 2015

Paternel

J'ai toujours aimé mon père. Je sais que ça ne sort pas de l'ordinaire, mais aussi loin que je me souvienne, j'ai juste eu un des meilleurs pères qu'un gars puisse avoir. Je vois beaucoup d'autres personnes avec des relations tendues ou vides avec leurs pères, et je me vois moi, un des rares chanceux qui puisse dire que son père est incroyable. Tous mes meilleurs souvenirs viennent de nous deux ensemble. Même quand j'étais enfant, tous mes amis aimaient mon père, mais il est toujours resté mon meilleur ami. Il savait vraiment être strict comme un parent se devait de l'être, tout en étant la personne à laquelle je savais que je pouvais tout dire.

Peu importe où nous allions ou ce que nous faisions, mon père était toujours capable de parler aux gens et d'illuminer instantanément leur journée. Partout où nous allions, tout le monde aimait mon père, mais beaucoup moins que moi. Il pouvait résoudre n'importe quel problème, pratiquer n'importe quel sport, et mon dieu qu'il était intelligent ! Nous allions pêcher et chasser ensemble. Il m'apprenait toutes sortes de jeux auxquels nous jouions ensemble. Il me montrait aussi sa gigantesque collection d'outils, et m'apprenait à quoi servait chacun d'eux. Nous avions même une ferme et il m'enseignait comment obtenir le meilleur de chaque animal. Je savais que je voulais être comme lui, en grandissant.

Dans l'ensemble, ma famille avait une histoire intéressante. Mon père me racontait que notre famille avait un grand secret. Apparemment, son grand-père avait eu seulement un fils, tout comme son père, et lui à leur suite. Depuis des générations, notre famille n'avait eu que des fils, et uniquement un par génération. Mon père racontait toujours des histoires à propos de son père, et nous disait combien ils étaient proches. Aussi loin que la famille se souvienne, les hommes ont toujours été vraiment très proches, et savoir que je pouvais faire partie de quelque chose de si spécial me faisait me sentir bien. De toute façon, je n'ai jamais voulu avoir de frères ou de sœurs. Mon père et moi pouvions passer plus de temps ensemble, juste nous deux. Je n'aurais pas pu demander meilleure compagnie.

Ma mère et mes grands-parents paternels sont morts quand j'étais petit. J'ai beaucoup entendu parler de mon grand-père, mais tout ce qu'on m'a dit sur ma mère et ma grand-mère était qu'elles se ressemblaient beaucoup. Mon père disait qu'elles ne se préoccupaient pas vraiment de nous. Qu'elles ne voulaient pas que nous soyions heureux, et qu'elles détestaient avoir seulement des fils. Tout ce que mon père disait sur ma mère était qu'elle ne m'avait jamais aimé de la même façon que lui, qui était bon avec moi. Elle est morte alors que j'étais trop jeune pour pouvoir me souvenir d'elle, et j'ai vécu avec le meilleur parent qu'un enfant puisse avoir.

Je dois dire que les hommes de ma famille se sont transmis un camion de traiteur, en guise d'affaire familiale. Ça marche bien. Nous servons des sandwiches avec de la viande fraîchement coupée et du fromage, de la salade de chou faite maison, et des pâtes au fromage. Nous sommes reconnus dans plusieurs villes à travers le pays. Mon père récoltait beaucoup de ses produits lui-même, dans notre ferme. Nous avions des agneaux, des poulets, et plus particulièrement des cochons. Nous avions beaucoup de cochons. Aussi dangereux que c'était pour un enfant, mon père me prenait avec lui quand il préparait la viande.

Il était toujours très prudent par rapport à ça, et s'assurait que je ne me blesse jamais. Je n'ai pas souvenir que ça me soit arrivé, donc je dirais qu'il faisait un assez bon travail. Il me montrait comment on devait procéder pour préparer de la viande, pour ensuite la servir. C'était fascinant de voir tout ce qu'il savait et tous les trucs cool qu'il pouvait faire. De temps en temps, il me laissait l'aider à s'occuper des animaux. Je pouvais les nourrir, les laver. Quand il a pensé que j'étais prêt, j'ai même pu les marquer pour le plaisir.

Je me rappelle de ce qu'il a fait pour moi, à mon cinquième anniversaire. Ça a été l'un des meilleurs de mon enfance. Tous mes amis étaient venus, et nous avions passé en revue toutes les traditions : les jeux, le gâteau, et beaucoup de cadeaux. Mon père racontait des histoires drôles, et nous a même offert son propre spectacle de magie, constitué de tours de cartes faciles. Mais pour nous, les enfants, c'était vraiment magique. 


Cependant, ce n'est pas ça qui a rendu ce jour si spécial. Plus tard dans la soirée, après que tout le monde soit parti et que je sois allé me coucher, mon père m'a réveillé et m'a dit qu'il avait encore un cadeau pour moi. Bien que j'étais encore fatigué de la fête qui s'était déroulée plus tôt, j'étais très excité d'avoir un autre cadeau, de la part de la personne que je préfère, rien que ça.

Il m'a emmené dehors, à l'arrière de la maison, où se trouvent les enclos des animaux. Il m'a conduit à l'intérieur de la porcherie, où un cochon était attaché à un billot. Son corps était fermement lié au billot ainsi qu'au sol, de telle manière qu'il ne pouvait s'échapper. Il s'est tortillé et a poussé des cris aigus. Il essayait de s'enfuir, sans pouvoir rien faire. Mon père m'a regardé, dans la noirceur de la nuit, et il m'a dit que j'étais sur le point de franchir la première étape pour devenir un homme comme lui, en tuant son meilleur cochon. Mes paupières étaient encore lourdes, et ma vue encore floue, ceci dû au fait que je venais de me réveiller, mais j'ai su que c'était le meilleur cadeau qu'on m'avait jamais offert.

Il m'a passé une hachette, assez petite pour que je puisse la tenir moi-même, et m'a dit d'être prudent. Il m'a regardé dans les yeux, comme tout bon père, et il m'a enseigné l'importance de la sécurité. J'ai fait de mon mieux pour l'écouter, mais j'étais trop excité. J'étais sur le point de tuer mon premier cochon ! Il m'a lentement accompagné dans mes mouvements avant de me diriger vers une petite zone sur le cochon que je devais viser. Le porc était encore en train de se tortiller, et il poussait des cris plus forts et plus désagréables que jamais. J'ai dit à mon père que c'était vraiment bruyant, et il m'a dit d'y mettre fin. J'étais très heureux. J'ai tenu la hachette fermement dans mes mains, je l'ai levée, et je l'ai brutalement écrasée sur le cou du cochon. Il a poussé des cris aigus, encore plus forts, qui me donnaient juste envie de le trancher encore plus pour le faire taire.

À chaque fois que j'abattais la hachette, il laissait s'échapper un cri encore plus fort qu'auparavant, jusqu'à ce qu'il se taise tout d'un coup. Je me suis arrêté et j'ai levé les yeux, remarquant à quel point mon père était fier de moi. J'ai continué à trancher la bête dégoûtante. Comme j'avais seulement cinq ans à l'époque et que j'utilisais une hache légère, ça a pris beaucoup plus de temps que si mon père l'avait fait lui-même.

Ça a pris du temps pour arriver à arrêter les cris, et il y avait beaucoup de sang, même à ce moment-là. J'en avais partout sur moi, mais ça m'était égal. Je crois que ça a pris presque une heure pour que la tête soit entièrement détachée. Ça sentait tellement mauvais que je devais me boucher le nez. Mon père a pris la hachette, l'a rangée, et m'a pris dans ses bras, sans se soucier du sang qui se répandait partout sur lui. Mon dieu, j'aime mon père. Il m'a fait prendre un autre bain avant d'aller au lit, mais ça valait le coup. C'était un anniversaire tellement génial.
 

Après cette nuit, nous sommes devenus plus proches que jamais. Mon père n'est jamais parvenu à utiliser le cochon que j'avais tué dans son magasin, mais les autres cochons dans l'enclos ont eu un vrai festin le jour suivant. Mon père était tellement fier de moi après ça. Je n'ai jamais vraiment eu besoin d'amis, ou d'autres membres de la famille quand j'avais mon père à mes côtés. Ma mère était partie à ce moment, mais je m'en fichais. Je savais qu'elle ne m'aimait pas autant que mon père m'aimait, de toute façon. 

Avec lui à mes côtés, traverser les épreuves du collège et du lycée avait été du gâteau. Je lui parlais de tous mes problèmes, qu'ils soient à propos de l'école, des amis, ou des filles, et il était capable de tous les résoudre avec sagesse. J'ai commencé à travailler dans le camion de traiteur de mon père après les cours et pendant les weekends, où je me faisais de l'argent en passant du temps avec lui.

Finalement, je suis allé tout droit à l'université. Après trois ans dans une université publique, j'ai rencontré une fille qui s'appelait Darla. Elle était belle, intelligente, douce, le gros lot. Nous sommes sortis ensemble jusqu'à ce que nous ayons obtenu notre diplôme, et nous nous sommes fiancés ce même mois. Elle a ensuite commencé à travailler dans la publicité, pendant que je tenais le camion de traiteur de mon père. Je pouvais toujours voir mon père autant que je le voulais, mais avec ma fiancée dans les parages, mon temps était réduit. Je peux dire que mon père n'était pas très heureux que je sois moins disponible que je l'étais autrefois, mais il l'a accepté et était content de mon bonheur. Darla et moi avons finalement déménagé dans notre propre appartement, et nous avons pu économiser un peu d'argent pour avoir un bon mariage. Bien sûr, mon père était mon témoin.

De toutes les choses qu'aurait pu me donner ma nouvelle femme, rien ne m'aurait rendu plus heureux qu'un fils. Mon père nous a aussi encouragés à sauter le pas et à passer à l'action. J'ai essayé de convaincre Darla que nous devions commencer dès à présent, et après de nombreuses disputes à ce propos, elle a accepté et est tombée enceinte le mois suivant. 


Je n'avais jamais vraiment éprouvé d'angoisse avant de connaitre celle de savoir le sexe du bébé. Quand j'ai appris que c'était un garçon, j'ai presque sauté au plafond.

J'ai pensé que notre 'don' familial était peut-être une réalité, après tout. Et puis, est venue l'attente que le bébé naisse. C'était presque aussi désagréable que lorsque j'attendais pour savoir son sexe. Je voulais être un aussi bon père que mon père l'avait été. Quand il est finalement arrivé, le monde autour de moi s'est arrêté. 


J'ai éclaté en sanglots à l'instant même où j'ai tenu mon fils dans mes bras pour la première fois. Il était tellement beau. Il me ressemblait beaucoup, et jamais je n'aurais voulu le laisser partir. On a décidé de l'appeler John, ce qui faisait de lui le huitième John dans ma famille. J'allais le rendre aussi bon que mon père m'avait rendu.

Devenir parent était une épreuve difficile, mais j'ai néanmoins aimé ça. J'amenais mon fils chez mon père tout le temps. Nous l'avons regardé marcher à quatre pattes, faire ses premiers pas, parler, et manger de la nourriture solide pour la première fois, ensemble. Je pense que Darla n'appréciait pas que John et moi passions autant de temps avec mon père, mais ça ne me gênait pas. J'aimais chaque minute du temps que nous passions tous ensemble. 


Quand j'ai appris que mon père avait un cancer, mon monde s'est écroulé. Il m'a dit de m'asseoir, et m'a expliqué qu'il ne serait plus là pour longtemps. J'ai pleuré. Poser d'autres questions était au-dessus de mes forces, je ne pouvais que sangloter. Je me suis juste assis chez lui, et j'ai pleuré.

Il m'a serré dans ses bras comme il le faisait lorsque j'étais enfant, et j'ai pleuré sur son épaule, comme je l'aurais fait étant enfant. Le reste de cette journée, j'étais totalement brisé. Le reste de cette semaine, il ne se passait pas une heure sans que j'éclate en sanglots. Je voulais ne jamais me séparer de lui. J'ai encore plus amené John chez lui, pour qu'il puisse connaître le plus possible son grand-père. Mon père aimait John et était aussi gentil avec lui qu'il l'était avec moi quand j'avais son âge.

Je crois que j'ai pleuré continuellement pendant toute la durée de ses funérailles. Il y avait des moments où c'était plus dur qu'à d'autres, mais j'étais constamment dans un état d'abattement. Je me souviens que je tenais John, et qu'il m’étreignait en retour. C'est lui qui m'a réellement aidé à surmonter tout ça. Dès cet instant, j'ai donné à mon fils tout l'amour que j'avais en moi. 


Mon père m'avait laissé tout un tas de trucs, dont le camion de traiteur, sa maison pour Darla, John et moi, ainsi qu'un journal qu'il tenait lorsque nous vivions ensemble. Une nuit, j'ai commencé à lire ce qu'il avait écrit dans ce journal. Il était très clair qu'il m'aimait, puisqu'il écrivait à moi et personne d'autre.

Je ne pouvais le lire que par à-coups, car je devais retenir mes larmes à certains passages. À travers ce journal, il continuait de communiquer avec moi, de me partager son point de vue sur la famille, et il restait toujours lui-même, même après être parti. 


Un passage était plus sérieux que tout le reste. C'était une page intitulée "Le Secret du Don". Dedans, il y avait les histoires qu'il me racontait, à propos de notre don de famille qui nous permettait d'avoir de super relations avec seulement nos fils. Le secret était "d'éliminer tout ce qui s'opposait au cadeau de la masculinité, et le don continuerait de prospérer". C'est là que je me suis rendu compte que mon père m'avait tracé la voie pour que je perpétue notre don.

Il me parlait toujours du fait que ma terrible mère n'aimait pas qu'il passe autant de temps avec moi. Elle n'avait jamais apprécié les leçons qu'il m'enseignait. C'était même écrit dans le journal qu'il n'avait jamais aimé ma mère autant qu'il m'aimait. Elle n'a jamais voulu que mon père ou moi soyons heureux. Elle a voulu s'opposer au don, en essayant de nous tenir éloignés l'un de l'autre, mais ça n'a jamais fonctionné. Je suis tellement content qu'elle soit morte. Le monde n'avait pas besoin de quelqu'un qui était autant contre l'amour.

Sur les deux pages suivantes, je pouvais sentir la colère dans l'écriture de mon père, et il y avait des courtes phrases comme "salope", "il est à moi", et "va crever". 


Puis je suis tombé sur un dessin. Mon père n'a jamais été un très bon artiste, en dépit de ses nombreux autres talents, mais je pouvais distinguer clairement ce qu'il avait voulu représenter. C'était une femme, sans doute ma mère, morte, en dessous d'un cochon. La femme et la bête étaient toutes les deux décapitées et allongées dans une mare de sang. Près d'eux, il y avait mon père et moi, dessinés comme des bonshommes en bâtons, souriants. En dessous, il était soigneusement écrit : "C'est bien mon fils". Je n'ai pas pu m'empêcher d'éclater de rire.

Mon père était juste incroyable. Plutôt que de tuer ma mère lui-même, il m'avait donné la chance de le faire. Tous les souvenirs de cette nuit-là me sont revenus en mémoire. Le porc, la hachette, les cris aigus, et mon père me regardant, ne pouvant pas être plus fier. Je n'avais jamais vraiment compris ce qui avait rendu mon anniversaire si génial jusque là, et j'aimais mon père encore plus pour cela.

Peu après ça, j'avais repris mes "esprits", comme on dit, et tout allait très bien. Nous avions tous déménagé dans la maison de mon père, les affaires du camion de traiteur étaient bonnes, et mon fils et moi étions aussi heureux que nous pouvions l'être. Il me regardait travailler dehors avec les animaux, et je lui apprenais tout pour préparer la viande. Son cinquième anniversaire approchait, et je lui avais déjà acheté un nouveau vélo, brillant, reluisant.

Il allait l'adorer, et j'allais aimer lui apprendre à en faire. Quand le jour est arrivé, je me suis assuré que sa fête serait aussi incroyable que l'avait été la mienne. Il y avait des ballons, des jeux amusants pour les enfants, et un délicieux gâteau. Je lui ai donné son vélo, et son visage s'est illuminé. J'aimais le voir aussi heureux.

Je lui ai dit que le lendemain je lui apprendrais à en faire. Il était tellement excité, c'est peut-être ça qui l'a autant épuisé. Après que tout le monde soit parti, j'ai porté mon fils dans sa chambre, pendant que Darla nettoyait. J'ai pris ma quatrième boisson de la soirée. Quand j'ai eu fini de boire, j'ai rincé mon verre et je me suis lavé les mains. Je suis allé dehors pour chercher quelques provisions, et je les ai rapportées à l'intérieur.

Darla était dans le salon, en train de ramasser les papiers-cadeaux, quand j'ai pris le  tisonnier de la cheminée et l'ai frappée derrière la tête. Elle est tombée d'un coup, mais était encore consciente. La douleur et le choc se reflétaient sur son visage. Avant qu'elle ait pu se ressaisir pour pouvoir crier, je l'ai étranglée et ai fourré un torchon dans sa bouche. J'ai mis de l'adhésif sur sa bouche, que j'ai enroulé plusieurs fois autour de sa tête pour bien maintenir le bâillon en place. C'était une femme plutôt fluette, ses coups n'étaient pas assez forts pour m'inquiéter. Cependant, j'étais inquiet que toute cette agitation réveille John. Par chance, il tenait de moi et était un très gros dormeur. Après avoir eu fini de scotcher ses bras le long de son corps, ainsi que ses jambes et ses chevilles ensemble, je l'ai emmenée dans l'enclos à cochons.

Je l'ai laissée tomber sur le sol, et j'ai couru jusqu'à mon atelier pour prendre toutes les autres choses dont j'aurais besoin. Je me suis dit : c'est exactement ce dont John a besoin pour son futur, et ce dont j'ai besoin pour être un bon père. Personne ne peut comprendre l'amour que nous partageons, et surtout pas elle. Elle ne l'aime pas autant que moi, je le sais. Ma mère, Darla, toutes les deux sont pareilles. Elle aurait juste bloqué notre relation et terni tout ce que ma famille a défendu.

Quand je suis revenu, plusieurs porcs la reniflaient, et je pouvais voir qu'elle était allongée dans les excréments. J'ai adoré ça. Je l'ai ramassée et l'ai traînée jusqu'au billot. Je l'ai attachée de telle sorte à ce que son cou arrive au sommet. Elle faisait encore beaucoup de bruit à ce moment-là, et sanglotait énormément. Elle a essayé de se défaire de ses nouvelles attaches, mais c'était compter sans tout le savoir que je tenais de mon père en matière de nœuds.

Je suis parti et ai ramené mon meilleur porc devant elle. J'ai pris un couteau et je l'ai poignardé en-dessous du menton et dans la tête, de telle sorte qu'il ne fasse pas trop de bruit quand il mourrait. Ensuite, j'ai vidé le cochon, enlevant la plupart de ses organes, et ai déposé le contenu un peu plus loin. J'ai bien étendu la carcasse et en ai couvert Darla, qui ne devait pas apprécier l'odeur - mais je ne pouvais pas tellement lui en vouloir.

J'ai attaché la carcasse à Darla. L'incision s'adaptait parfaitement à sa tête. Je ne crois pas qu'elle ait pu voir grand chose après ça. Quand j'ai eu fini de tout mettre en place, j'étais très fier de moi. Mon chef-d’œuvre ressemblait vraiment à un cochon, attaché, en train de se débattre ; et ses cris étouffés par son bâillon étaient similaires aux couinements d'un porc. Mon père était un génie.

Je suis rapidement monté dans la chambre de mon fils. Il dormait encore, mais je l'ai réveillé, lui disant que j'avais encore un cadeau pour lui. Il s'est frotté les yeux, et a sauté de son lit. Quand je lui ai montré ce que j'avais fait, son sourire était plus grand que je ne l'avais jamais vu auparavant. Je lui ai donné une hachette, la même que j'avais utilisée, et lui ai dit de faire très attention parce que c'était un outil dangereux et que je ne voulais pas qu'il blesse qui que ce soit. Après lui avoir appris les mouvements et les protocoles de sécurité, j'ai mis ma main sur son épaule et je lui ai dit que c'était ses premiers pas pour devenir un homme.

Il m'a souri et m'a dit qu'il m'aimait. Une larme a coulé sur ma joue tandis que je lui répondais que je l'aimais aussi. Il m'a dit qu'il n'aimait pas les cris du porc, et je lui ai expliqué qu'il n'y avait qu'un seul moyen d'y mettre fin. Je lui ai montré où frapper, et je l'ai laissé faire. Après plusieurs coups, il a vraiment compris le truc. 


Tandis que le temps passait et qu'il répétait ses coups , tout ce que je pouvais faire était le regarder comme tout père l'aurait fait, et me dire : "C'est bien mon fils".



Traduction : RedRaven

Creepypasta originale ici.

vendredi 23 octobre 2015

La rage

Halloween a longtemps été ma fête préférée. Pourtant, chaque année à l’approche du 31 Octobre, je m’enferme chez moi et ne sors que le lendemain quand le soleil est déjà haut dans le ciel.

L’histoire que je veux raconter s’est déroulée en 1992 dans une ville du Sud de la France. J’avais 13 ans et je menais une vie des plus banales, sans rien de notable sinon mon adoration pour cette fête d’Halloween. Mes préparatifs pour l’événement se faisaient toujours au moins 15 jours à l’avance. Une année j’étais un vampire, la suivante je devenais un fantôme et celle d’après je me maquillais en zombie… J’avais pour idée qu’un déguisement d’Halloween devait être effrayant au possible et les filles déguisées en fée clochette ou les garçons portant un ensemble de gendarme avaient le don de m’énerver au plus haut point.

Cette année-là, j’avais reçu un coup de téléphone de la part de Samuel, un ami à moi, qui voulait me parler d’un endroit qu’il avait repéré derrière le petit bois qui séparait le village de la grande route nationale. Il m’avait dit qu’on pourrait y camper après la récolte de bonbons pour y passer la nuit. Je lui ai répondu que ça me paraissait être une bonne idée et qu’il fallait que je demande la permission à ma mère. Il a dit qu’il allait téléphoner aux autres garçons de la bande pour leur dire de faire pareil puis il a raccroché.
Ma mère n’a même pas hésité quand je lui ai annoncé que j’allais camper avec mes amis. C’était une époque et un village assez calme où la rubrique des faits divers du journal local n’était agrémentée que de petites histoires, comme celle d’un chat écrasé ou encore celle d’un arbre tombé sur la serre du vieux Roger.

C’est au retour de mon dernier jour d’école que j’ai été acheter mon déguisement. Ma mère m’a accompagné au centre commercial dans un magasin consacré aux fêtes et aux événements. Je trouvais amusant de voir que le rayon Halloween était adjacent à celui des événements religieux. Le déguisement de moine fou contrastait avec les habits immaculés de communiant.
Un masque a attiré mon regard et m’a fait comprendre dès le premier coup d’œil que cette année, je me déguiserai en clown. Il souriait d’une manière malsaine avec des lèvres gercées qui avaient l’air gorgées de sang. Je m’en suis emparé et l’ai montré à ma mère qui a fait une grimace de dégoût en voyant la chose que je lui tendais. Pendant qu’elle me disait à quel point elle trouvait le masque répugnant, je cherchais le reste du costume parmi tous les déguisements alignés sur le rayon. J’ai fini par trouver une chemise décorée de lambeaux de tissus multicolores et tachée d’hémoglobine. J’ai pensé que je pourrais emprunter les souliers de mon père pour imiter les chaussures démesurées que portent habituellement les clowns.

Une quinzaine de jours plus tard, le 31 était enfin arrivé. Je suis sorti de chez moi à vingt heures et j’ai rejoint mes amis devant la supérette du quartier. Nous n’étions que quatre alors qu’au moins 10 garçons avaient été conviés. On a décidé de commencer notre tournée à l’arrivée d’un cinquième garçon.
Baptiste, qui était déguisé en sorcier, a frappé à la première porte de la rue. En remarquant le temps qui s’était écoulé avant de voir ouvrir une jeune femme avec un sceau rempli de sucettes, on a décidé de se séparer pour aller plus vite. En une heure, on avait rempli nos sacs de friandises et avait sonné à toutes les portes de la rue. Toute sauf une. Nous n’avions pas osé franchir la grande grille de la dernière maison sur la droite. Elle était semi-mitoyenne et sa façade gauche donnait sur un champ. Elle avait l’air en piteux état et pourtant, émanait d’elle une certaine aura en concordance avec la période d’Halloween. On s’est rassemblés devant en comparant nos sacs respectifs, puis on a décidé d’aller sonner tous ensemble à la porte de cette étrange maison.

La porte a fini par s’ouvrir et, à notre plus grand étonnement, c’est un homme d’âge moyen qui en a émergé. Il avait des petites lunettes et un crane garni de cheveux gris comme un PDG ou un scientifique. Il nous a salués avec un sourire chaleureux et a commencé à étudier nos masques du regard. Il nous a finalement tendu un saladier rempli de friandises qu’on ne pouvait pas identifier. C’était des petits cubes avec un emballage en papier blanc. On en a pris une poignée chacun, on l’a salué et on est repartis en prenant soin de fermer le portail derrière nous.

Il devait être 21h30 quand Samuel nous a annoncé qu’il allait nous mener à l’endroit qu’il avait repéré pour qu’on y monte nos tentes. On a pris la rue dans l’autre sens et on l’a suivie jusqu’à atteindre le bois qui marquait la fin de la zone habitée du village. Le reste n’était que champs et prairies.

On s’est enfoncés dans le bois, éclairés par nos lampes torches et en suivant Samuel qui marchait d’un pas assuré. Il s’est finalement arrêté devant un énorme rocher sous lequel on pouvait facilement se tenir debout sans en toucher la paroi. Pendant qu’on montait les tentes, je regardais autour de nous mais la profondeur des environs ne me permettait pas de voir quoi que ce soit d’autre que des arbres. On a essayé d’allumer un feu mais personne ne savait comment s’y prendre. On était éclairés que par la lumière de la lune et celle de nos lampes. Assis en cercle, on se racontait des histoires de fantômes à tour de rôle en mangeant ce qu'on avait récolté. Un des garçons a enfin posé la question dont tout le monde voulait connaître la réponse. Quel genre de friandises étaient ces cubes qu'on avait reçus à la dernière maison ? On en a tous ouvert un, mais ce qu’on a vu ne nous a pas donné envie de le mettre dans notre bouche. Ils avaient une horrible couleur mauve translucide et paraissaient être verts en leur centre. On a désigné au pierre-feuille-ciseaux celui qui serait le cobaye. C’est tombé sur Samuel qui a râlé avant de mettre le bonbon dans sa bouche. Il l’a sucé 5 secondes et nous a dit que ça n’avait pas vraiment de goût, puis, il a croqué dedans et a exorbité les yeux avant de recracher ce qu’il avait dans la bouche. Il a dit que c’était absolument infect et tout le monde a ri. On s’est débarrassés des bonbons en les lançant derrière le rocher.

La lune était maintenant cachée derrière les arbres et il faisait très sombre. On a décidé de rejoindre nos tentes. Je partageais la mienne avec Samuel qui portait toujours son masque de citrouille démoniaque. On n’a pas beaucoup parlé avant d’éteindre nos lampes. Je lui ai simplement demandé pourquoi il avait voulu venir ici. Il m’a répondu qu’il ne savait pas vraiment, qu’il aimait bien l’endroit. J’ai acquiescé silencieusement et je me suis retourné dans mon sac de couchage. Je me suis rapidement endormi.

J’ai été réveillé par des bruits provenant de l’extérieur de la tente. Je me suis relevé pour mieux entendre ; ça ressemblait à des craquements et des déglutitions. J’ai tourné la tête et j’ai remarqué que Samuel n’était pas dans la tente, sa couchette était vide. À genoux, toujours dans mon sac de couchage, j’ai commencé à ouvrir la tirette de la tente et j’ai vu Samuel, au pied d’un arbre qui me fixait derrière son masque. La citrouille esquissait un affreux sourire qui me donnait la chair de poule. Je suis sorti de la tente et me suis approché de lui en chuchotant son nom. Mes yeux ont commencé à s’habituer à l’obscurité et j’ai remarqué que Samuel n’était pas tourné vers moi mais qu’il avait retourné son masque à l’arrière de sa tête. Il avait l’air penché sur quelque chose et portait toute son attention dessus. Je l’ai appelé, cette fois un peu plus fort. Il s’est retourné et j’ai compris ce qu’il se passait.

Il tenait dans sa main un lapin ou un lièvre complètement éventré. Son visage était presque intégralement rouge, coloré du sang du pauvre animal. Il m’a regardé dans les yeux et m’a adressé un petit sourire avant de porter le lièvre à sa bouche et de replonger ses dents dedans en aspirant ce qu’il pouvait avec d’horribles bruits.

Je me suis reculé précipitamment. Je ne comprenais pas son comportement. J’ai contourné le campement et me suis caché derrière des hautes herbes tout en observant Samuel qui ne faisait plus attention à moi.
Au bout d’un moment, il a jeté négligemment ce qui restait du lapin et a commencé à s’intéresser aux tentes où dormaient mes amis. Il s’est mis à avancer vers l’une d’entre elles, en marchant bizarrement, presque accroupi. Il a ouvert le voile de la tente et est rentré dedans. 10 secondes se sont écoulées avant que des hurlements ne me parviennent. Je voyais la tente faire de grands mouvements aux rythmes des cris de mes compagnons.

J’ai pris peur et me suis retourné sans même essayé de les aider. J’ai couru devant moi sans m’arrêter. J’ai trébuché plusieurs fois et je ne trouvais pas mon chemin. Je continuais d’entendre des cris au loin. J’ai alors décidé de garder une direction et d’avancer droit devant moi. La lune projetait les ombres des branchages sur mon passage. Chaque bruit m’effrayait et m’encourageait à avancer encore plus vite.

J’ai finalement aperçu une lumière qui semblait artificielle. C’était celle des lampadaires de la rue d’où j’étais venu. J’y ai débouché, essoufflé, puis j’ai encore couru jusqu’à ma maison et je suis rentré. Je commençais à me sentir plus rassuré mais j’ai directement réveillé mes parents pour les prévenir de ce qui était arrivé. Il fallait qu’ils appellent la police.
Mes vêtements étaient déchirés à causes des nombreuses chutes que j’avais faites. Ça a contribué à donner de la véracité à mes propos et mon père m’a demandé de situer l’endroit du campement tandis qu’il parlait à un agent. La police était sur les lieux dans la demi-heure qui a suivi.

Je n’ai jamais revu mes amis mais j’ai pu apprendre certaines choses de mes parents, et d’autres grâce aux rumeurs. Les garçons et les tentes avaient été retrouvés en lambeaux. Plusieurs d’entre eux étaient encore en vie quand on les a amenés en urgence à l’hôpital mais tous ont succombé suite à leurs blessures. Samuel avait les deux jambes broyées et gisait en bas du rocher. La police a pensé qu’il avait fait une chute depuis le haut de ce rocher.
Les bonbons mauves ont aussi été retrouvés et, après étude, les experts ont révélé que des cellules souches d’une pathologie inconnue étaient présentes dans le liquide vert. Ces souches avaient un comportement et une structure assez semblables à ceux du virus de la rage. Cette même pathologie a été trouvée dans le sang de Samuel suite à son autopsie.

J’ai été interrogé plusieurs fois au sujet de ces bonbons. J’ai parlé de la vieille maison et de l’homme qui l’habitait. La police a longuement investigué les lieux mais aucun laboratoire ni aucune trace du mystérieux homme n’ont été trouvés.

Comme je l’ai dit plus haut, Halloween a longtemps été ma fête préférée. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. J’abhorre les citrouilles et je les redoute encore plus quand elles sourient. L’idée que l’homme qui nous a donné ces bonbons puisse encore roder quelque-part me terrorise. Je ne supporte plus la fête et je n’ouvre jamais ma porte au soir du 31 Octobre. J’observe les enfants déguisés par ma fenêtre et je repense à cette nuit-là.


dimanche 18 octobre 2015

L'étranger du train


Temps approximatif de lecture : 11 minutes. 

Mon nom est Andrew Erics. J'ai vécu, autrefois, dans une ville appelée New York. Ma mère s'appelle Terrie Erics. Elle est dans l'annuaire. Si vous connaissez la ville, et que vous lisez ceci, trouvez-la. Ne lui montrez pas ça, mais dites-lui que je l'aime, et que j'essaye de rentrer à la maison. S'il vous plaît.  

Tout a commencé quand j'ai décidé, vers l'époque où j'approchais de mes 25 ans, qu'il était temps pour moi d'arrêter de prendre mon sac à dos pour aller au travail. Je pensais que ça me ferait paraître plus mature, si je ne me trimbalais pas partout avec un sac de livres comme un lycéen. Bien sûr, cela signifiait que j'allais aussi devoir renoncer à lire dans le métro le matin et l'après-midi,  puisque je ne pouvais pas réellement glisser mes livres de poche dans une poche. Une mallette aurait été inappropriée, car je travaillais dans une usine, et les sacoches m'ont toujours paru un peu trop, je ne sais pas, stupides. Trop sacs à main à mon goût. 

jeudi 15 octobre 2015

Transmission

17/12/2014 20h00
- Station Soma II à Vickers, vous me recevez ? État du bâtiment ?
- Oui papa, cinq sur cinq. Le Vickers est vieux, mais il fonctionne très bien.
- Ron, je t'ai déjà dit qu'en mission je suis ton supérieur, pas "papa". Donc pour la durée de la mission, c'est Alvez, ou commandant Alvez éventuellement.
- Commandant Alvez... Non, désolé, je peux pas t'appeler comme ça, c'est plus fort que moi. Et puis d'où ça vient ce "commandant" ? On est pas dans l'armée, papa.
- Bon... Vous en êtes où ?
- On est à... Environ 650 kilomètres de Soma II. On devrait être là d'ici deux jours.
- Bien reçu. Vous avez la cargaison ?
- Ouais, 10 tonnes de bouffe et de boissons. On va pouvoir se péter le bide.
- Ne vous réjouissez pas trop vite Alvez, on est peut-être en effectif réduit pendant la période de Noël, mais dans deux semaines Soma II sera de nouveau au complet. Vous pouvez déjà dire adieu à vos crackers.
- N'y compte pas, je m'en suis gardé toute une caisse au chaud. Bon, on va couper l'antenne principale pour la nuit, les batteries ont beaucoup fonctionné ces derniers temps. À demain. Ron terminé.

18/12/2014 14h54
- Alvez ? Ici Alvez, vous me recevez ?
- Cinq sur cinq. Franchement papa, ne me dis pas que tu trouves pas ça stupide ? "Alvez, ici Alvez"... Sérieusement ?
- Hors sujet. J'ai réactivé les radars ce matin, vous n'avez parcouru que 80 kilomètres depuis hier ? La cause du problème ?
- Ouais euh... On a eu une panne du moteur droit, on a momentanément perdu le contrôle du Vickers. Mais on est remonté à la surface avant que le roulis soit trop important.
- Et vous avez déterminé la cause de la panne ?
- D'après les techs, c'est le circuit de refroidissement qui a merdé. Ils sont en train de réparer tout ça. Actuellement on fait du surplace en surface. Dis à Azzaro qu'il va devoir attendre pour boire sa vodka.
- Azzaro est parti ce matin avec le reste du personnel. Je suis seul aux commandes de la station.
- Ah. Et ça va, t'as pas trop peur d'être tout seul sur Soma II ?
- Que voulez-vous qu'il m'arrive ? Je suis seul dans une station scientifique avec 350 mètres d'eau glaciale au-dessus de moi. Celui qui va venir me chercher là sera sacré meilleur nageur du monde.
- Ha ha, j'espère que t'as pas peur des grands méchants poissons. Ah... Reçu. Bon papa, on va repartir, les techs ont terminé le boulot. On va ralentir un peu l'allure. Terminé.
- Bien reçu, Alvez terminé.

18/12/2014 18h20
- Alvez, ici Alv... Vous avez dévié de votre trajectoire, corrigez de 12 degrés bâbord.
- Comment ça ? Attends voir... Non, mes instruments m'assurent qu'on est toujours sur le même cap. Ton radar déconne papa.
- Impossible, la dernière opération de maintenance date du 12. Rectifiez votre trajectoire.
- D'accord. On dévie de 12 bâbord, les gars !
- Terminé.

18/12/2014 18h46
- Alvez, c'est quoi ce bordel ? Vous avez dévié de 30 degrés tribord cette fois. Votre aiguilleur est bourré ou quoi ?
- Je comprends pas... Mes instruments ont pas changé depuis tout à l'heure. Et je détecte aucun champ magnétique qui pourrait les dérégler. Je corrige quand même ?
- Corrigez la trajectoire, et essayez de re-régler vos instruments. J'aime pas savoir que vous naviguez avec du matériel défectueux.
- Bon on corrige. 30 degrés bâbord les gars ! Et gardez moi ce putain de cap !
- Je garde un œil sur vous. Terminé.

18/12/2014 21h25
- Papa, on vient de détecter un champ magnétique particulièrement élevé dans la zone où on se trouve... Environ 460 kilomètres de ta position. Tu vois quelque chose sur ton radar ?
- Je regarde... Non, non y'a rien du tout. Est-ce que ça pose un problème important quant à votre navigation, Alvez ?
- Non, les gars ont repris le contrôle manuel, nos instruments font n'importe quoi.
- Bien, continuez la mission. Terminé.

18/12/2014 21h45
- Alvez, votre pouls accélère, qu'est-ce qu'il se passe ?
- Rien, t'en fais pas...
- Alvez, votre puce cardiaque m'indique que vous êtes en état de stress. Qu'est-ce qu'il se passe, putain ?
- On a... Ça fait environ dix minutes qu'on entend un bourdonnement. Je sais pas ce que c'est ni d'où ça vient, mais ça a un drôle d'effet sur les gars.
- Vérifiez si votre balise de communication n'envoie pas d'ultra basse fréquence. Si oui, coupez le module.
- Non, le Vickers est trop vieux, la balise a pas été conçue pour communiquer par ultra basse fréquence. Je crois que je vais gerb... Veeeuaaargl...
- Alvez, ça va ? Tu... Vous allez bien ?
- Ouais, ouais, pff.. Ça va... Le bruit s'est arrêté. On a une base pas loin ou une antenne relais ?
- Non, y'a rien dans ce coin là. Peut-être un tremblement de terre sous-marin. Ça va aller ?
- Ouais, faut juste que je me change... Putain.
- Ok, faites attention à vous. Terminé.

19/12/2014 03h09
- Alvez, ici Soma II, mais qu'est-ce que vous foutez à 400 mètres de profondeur ?
- Comment ça ? Merde, même l'altimètre nous a lâché alors ?
- Remontez immédiatement, vous faites subir une pression inutile au Vickers.
- On remonte immédiatement.
- Terminé.

19/12/2014 03h48
- Papa, nos moteurs nous ont lâché en même temps. Les techs savent pas d'où vient la panne. On s'enfonce doucement.
- Lâchez du ballast, putain de merde, trouvez un moyen de remonter !
- Qu'est-ce que... C'est quoi ce bruit les mecs ? L'aération ?
- Alvez, qu'est-ce qu'il se passe ?
- On entend comme... Des grincements dans la coque. Mais... J'ai l'impression que ça vient de l'extérieur. Mais je *BRAAAAAM*
- Alvez, putain c'était quoi ça ?! Vous venez de dévier de 90 degrés tribord !
- *TUUT* On a été percutés par *TUUT* quelque chose, on a perdu la gouverne tribord. *TUUT* Arrêtez-moi cette alarme, merde !
- J'ai rien sur mon radar, vous avez heurté un récif ? Répondez !
- Non, on *TUUT* a les relevés topographiques *TUU... Ah, ça fait du bien. Je disais : on a les relevés topographiques sur papier, et y'a pas de récif ici, en tout cas pas à 360 mètres. La bonne nouvelle, c'est qu'on a pas d'infiltration d'eau.
- Mais vous pouvez plus vous diriger convenablement. Putain de... Bon, réparez-moi ces moteurs au plus vite et refaites surface, je vais essayer de vous envoyer une équipe depuis la base en Arctique.
- T'as vu quelque chose sur les radars ? Un sous-marin ou une torpille ?
- Non, j'ai aucun écho. Vous êtes tous seuls dans la zone. Remontez immédiatement à la surface.

19/12/2014 04h10
- Alvez, ici Soma II, j'ai pas réussi à avoir la base. D'après mes relevés ils sont en pleine tempête là-haut. Remontez à la surface, je retenterai une communication quand la tempête se sera calmée.
- Euh, papa... On peut pas remonter en surface. On essaye de redresser depuis tout à l'heure mais rien à faire. C'est comme si les commandes répondaient plus. On s'enfonce de plus en plus.
- Qu... Putain, vous êtes à 460 mètres. Trouvez un moyen de remonter au plus vite, lâchez du ballast !
- On a déjà tout lâché papa. Et je... Quoi ? Aaron, calme-toi, qu'est-ce qu'il y a ? Hmm... D'accord. Papa, je coupe la com, on a un marin qui a pété un plomb et qui a agressé l'aumônier. Terminé.
- C'est quoi ce bordel... Bien reçu Alvez, terminé.

19/12/2014 04h57
- Alvez, ici Soma II, vous êtes à 515 mètres, la situation commence à devenir critique. Votre pouls est très élevé, que se passe-t-il ? Vous me recevez ? Alvez, répondez. Alvez, ici Soma II, rép...
- Papa, je... Je viens de buter un de mes gars.
- Quoi ? Attendez... Buté ? Pourquoi ?
- Il... J'ai essayé de le raisonner, il avait l'air calme. L'aumônier est passé dans le couloir pour aller à l'infirmerie et mon gars est devenu fou. Il a frappé deux de mes hommes avant de se jeter sur lui et... Il était en train de... De lui enfoncer les pouces dans les yeux. On a essayé de le maitriser, mais rien à faire. Alors j'ai sorti mon arme et j'ai tiré dans sa jambe.
- Putain...
- Mais rien à faire, il le lâchait pas. Alors je lui ai tiré dans le dos. Et il est tombé.
- Il est mort ? Alvez, il est mort ?
- Oui... Enfin, je pense.
- Comment ça tu p... Vous pensez ? Il est mort ou il l'est pas, y'a pas d'entre-deux Alvez.
- On l'a mis dans le compartiment numéro neuf, pour pas le laisser à la vue de tous, mais depuis vingt minutes... Il tape à la porte.
- Qu'est-ce que c'est ce bordel...
- Et on *KSHHHHHH* les basses fréquences *KSHHHHH* plus fortes.
- Alvez, je vous reçois mal. Vous accélérez en direction du fond, vous avez les moteurs en marche ou quoi ? Alvez, répondez.
- *KSHHHHHH*

19/12/2014 05h15
- *KSHHH*...pa ?
- Alvez, je vous reçois. Vous êtes à 575 mètres en accélération. Mais qu'est-ce que vous foutez ?
- D'autres de mes gars sont devenus fous on *KSHHHH* obligé de les enferm*KSHHHH*umonier est terrorisé. Les b*KSHHHH* fréquences me font mal à l*KSHHHH*.
- Putain de merde, Alv... Fiston ça va ? Ron, réponds-moi, ça va ?
- Les moteurs se sont remis tout seu*KSHHHH*célère vers le fond rapidement. Qu'est-ce qu*KSHHH*utain c'est*KSHHH*
- Ron ? Ron, le Vickers s'est stabilisé, vous êtes à... 620 mètres et vous ne bougez plus. Qu'est-ce qu'il se passe ?
- *KSHHHHHHHHHH*
- Ron, putain... Ton pouls est... Wow, wow, ton pouls est trop élevé tu... Oh, putain de merde. Putain, non, non, non, c'est pas possible.

19/12/2014 05h28
- Base 086, ici Soma II, situation d'urgence. Ai perdu le Vickers de mon radar et le... Le pouls de son commandant s'est arrêté. Je veux dire... J'ai enregistré une pointe à 250 battements par minute, et puis plus rien. Envoyez immédiatement une mission de secours.

19/12/2014 05h40
- Putain de merde, Base 086, répondez ! Envoyez une mission de secours aux coordonnées indiquées. Je répète, envoyez une mission de secours !

21/12/2014 12h23
- Base 086, je viens de percevoir un écho là où le Vickers a cessé d'émettre. Une fraction de seconde, mais je l'ai vu. Le radar ne l'a pas enregistré toutefois. J'ai... J'ai l'impression de parler au vide. Je veux dire, je sais même pas si les communications passent ?

24/12/2014 20h12
- Ron, fiston, je... Si tu m'entends, eh bien... Je pense à toi. Je fais mon petit réveillon tout seul, sur la station. J'ai essayé de communiquer avec la base, mais rien. Pourtant la tempête est terminée. Je comprends pas. Bon bah... Joyeux Noël, Ron... Putain...

26/12/2014 03h00
- Salut Ron, c'est papa. Je voulais juste te dire... Je suis désolé d'avoir été aussi con avec toi. Je... Je dis n'importe quoi et...
- *KSHHHH*ckers vous me recevez ?
- Ron, putain Ron, c'est toi ?
- Ah, enfin j'arrive à vous avoir, commandant.
- Oh Ron, mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? Ça va ? Que...
- Oh, rien de grave, ne vous en faites pas. Nous avons repris le contrôle du Vickers. Nous nous dirigeons vers votre position.
- Attends, je te vois pas sur le radar...
- Oui, la machinerie est un peu défaillante, mais nous travaillons dessus commandant.
- Putain Ron, j'étais désespéré, j'ai cru que tu étais mort et... Attends... Qu'est-ce que c'est ce truc... Ron, ta puce déconne je crois. Elle m'indique que tu n'as pas de pouls.
- Ah bon. C'est bizarre.
- Bon, content d'entendre ta voix, en tout cas.
- Vous êtes toujours seul sur la station, commandant ?
- Oui, pourquoi ?
- *KSHHHHH*
- Ron ? Ron ?

26/12/2014 4h13
- Ron, c'est papa. Y'a vraiment un truc qui va pas avec ta cardio-puce. Je comprends pas, elles sont quasiment indestructibles, c'est pas normal que la tienne ne fonctionne pas...
- *KSHHH*achines sont parfois capricieuses, vous savez.
- Ouais, mais... Depuis quand tu me vouvoies ? *TUT* Qu... Ron, j'ai un écho du Vickers à... C'est pas possible. À 50 mètres de la station ? Comment vous avez fait pour couvrir une telle distance en aussi peu de temps ?
- Il me tarde de vous revoir, commandant.
- Ron, ta voix est... Bizarre. Ça doit venir de ton antenne. *TUUT* *TUUT* *TUUT* C'est quoi ça encore ? *TUUT* *TUUT* *ARRIMAGE NON AUTORISÉ* Ron, c'est le Vickers ? Mais qu'est-ce que tu fous ? *TUUT* *TUUT* *PRÉSENCE DE CORPS ÉTRANGERS DANS LE SAS NUMÉRO 5* Mais qu...
- Nous arrivons, commandant.




mardi 13 octobre 2015

Sénescence

Temps approximatif de lecture : 5 minutes. 

Ce que je vais essayer de vous raconter, ce sont les circonstances qui ont fait que mon petit frère se soit retrouvé dans un lit d’hôpital, en tétraplégie et dans un état végétatif total à l’âge de seulement 15 ans.

Je m’appelle Suzanne. J’ai actuellement 42 ans, j’en avais 19 lors des faits que je vais vous rapporter.
Mon frère Victor, mes 2 parents et notre chien Pat’ formions une famille banale, du genre de celle qui part un été sur deux à la mer et qui est appréciée de son voisinage. Nous habitions dans un quartier résidentiel de Portland dans le Maine.
C’était fin janvier 1992. Deux événements spéciaux allaient se dérouler. Premièrement, l’arrivée d’un nouveau voisin dans notre rue. J’appris de mes parents qu’il s’appelait M. Dekker. Deuxièmement, l’anniversaire de mon petit frère en début Février. C’est évidemment à ce second événement que je fis d’abord attention : j’avais touché ma première paye pour mon job à la laverie, et je comptais bien épater Victor avec un cadeau dont il ne manquerait pas de se souvenir.

Pourtant, c’est à ce M. Dekker que j’eus d’abord affaire. Ma mère m’avait annoncé qu’il nous avait invité à prendre le thé avec lui, mais qu’elle devait amener Victor chez le médecin et qu’il fallait donc que j’y aille seule car « papa n’est pas du genre à tremper des petits gâteaux au beurre, n’est-ce pas ma chérie ? ».

C’est donc pleine d’appréhension que je me rendais chez M. Dekker, tout en prenant tout le temps nécessaire pour répertorier mentalement les formules de politesse que je connaissais, c’est-à-dire 40 secondes.
Sa maison était grande, imposante même. Pourtant je ne me souvenais pas d’y avoir déjà fait attention. Bien qu’elle fît partie de mon quotidien depuis ma plus tendre enfance, c’était presque comme si je la découvrais.
Je sonnai à sa porte et attendis qu’il vienne m’ouvrir. Une minute était déjà passée quand j’entendis des bruits de pas provenant sans doute du hall d’entrée. Puis la porte s’ouvrit, très doucement et je pus constater que mon hôte avait connu la cinquantaine il y a fort longtemps. Il m’accueillit avec un
« Bonjour ! » doublé d’un large sourire.
« Bon…jour. » balbutiai-je, intimidée.
Il m’invita à entrer et m’installa dans son salon où trainaient des caisses témoignant de son récent déménagement.
« Assieds-toi donc, je vais nous faire du thé » dit-il.
Et il disparut dans ce que je supposais être la cuisine pendant que j’observais la pièce dans laquelle j’étais prisonnière.

Pendant un long moment, plus aucun son ne m'est parvenu de la cuisine et je commençais à me sentir mal à l’aise, jusqu’à ce qu’un grand bruit d’armoire qui claque vienne m’ôter de la tête l’idée d’une crise cardiaque. Car oui, M. Dekker était vraiment vieux, je lui aurais donné au moins 80 ans, un accident cardio-vasculaire était vite arrivé à cet âge-là. Le fait est qu’il n’était pas mort et qu’il revenait avec du thé vert et des Spéculoos.

Je préfère vous passer les détails, ainsi que la discussion que nous eûmes, mais laissez-moi vous dire que l’estimation que j’avais faite quant à son âge ne valait rien du tout. Après m’avoir raconté sa vie comme les personnes âgées savent si bien le faire, il me demanda si j’avais une télévision chez moi. J’eus envie de lui répondre qu’on était en 1992, et que tous les foyers du pays possédaient certainement une télévision. Je sus me contenir et je lui répondis par l'affirmative. Il me dit qu’il avait une télévision de type 16/9, qu’il ne savait pas quoi en faire et qu’il était prêt à me la donner si je l’aidais à monter quelques cartons à l’étage. Ce grand format était à l’époque ultra-moderne puisqu’il venait d’être commercialisé. Je pensai immédiatement au cadeau de Victor et à la tête qu’il ferait si je lui ramenais un téléviseur haute-définition. J’acceptai immédiatement son offre et m’empressai de porter les bricoles qui trainaient jusque dans le couloir de l’étage.

Il était tard quand il me ramena à la porte et me souhaita une bonne soirée en me tendant un gros carton arborant le logo de la marque Thomson. Le carton était très lourd et j’eus beaucoup de mal à le ramener chez moi. Mon frère et ma mère n’était toujours pas rentrés et mon père devait certainement se trouver à son travail ou avec ses collègues au bar du coin. Je décidai de cacher la télévision sous mon lit jusqu’au jour fatidique.

Mon frère n’était pas du genre à inviter des amis à une fête d’anniversaire. Non pas qu’il n’ait pas eu d’amis, mais c'était un garçon très calme et surtout très réservé. Quand vint le jour, je lui offris son cadeau qui ne m’avait finalement pas couté un seul dollar. Je vis dans ses yeux que ça lui faisait énormément plaisir. Il avait reçu de mes parents une paire de rollers et des livres, mais c’est avec le téléviseur qu’il passa le plus de temps. Et pour cause. Il s’enfermait dans sa chambre pendant des heures entières et ne sortait que pour assouvir ses besoins naturels. 


Au bout d’un certain temps de ce mode de vie aliéné, des cernes commencèrent à se creuser sous ses yeux, il avait l’air maladif et il ne parlait presque plus. Mes parents s’inquiétaient de plus en plus mais n’osaient pas le déranger. Il allait à l’école, se couchait et se levait à des heures normales et ramenait de bonnes notes, ils n’avaient absolument rien à lui reprocher.

C’est seulement un jour où il était cloîtré depuis 5 heures dans sa chambre, que mes parents se résolurent à aller lui parler de ses tendances asociales. J’étais moi-même dans ma propre chambre, en train de faire ce que faisaient les jeunes filles de mon âge, quand j’entendis des cris d’affolement venant de la chambre de Victor. C’était ma mère. Je sortis en trombe de ma chambre pour pénétrer dans celle de mon frère et la vision que j’eus continue de me hanter. 


Son visage était constellé de rides, il avait une allure squelettique et seuls quelques cheveux blancs ornaient son crâne. Il était assis par terre, dos contre son lit, il fixait le téléviseur que je lui avais offert. L’écran était blanc. Je ne parle pas de la neige que vous pouvez voir quand votre antenne ne capte pas une chaîne, l’écran était d’un blanc fixe et aveuglant. Victor était comme hypnotisé. Mon père avait déjà appelé une ambulance qui ne tarda pas à arriver. Il fut emmené vers l’hôpital le plus proche, mes parents le suivant dans leur voiture.

J’étais seule chez moi. Je me souviens avoir aperçu par la fenêtre de la cuisine, M. Dekker qui semblait porter une télévision semblable à celle que j’avais offerte à mon frère. Il la mit dans le coffre de sa voiture, chargea quelques autres bagages et démarra. Il passa devant ma maison et j’eus l’impression qu’il regardait vers moi en souriant. À cette distance, je vis quelque chose qui me frappa. Il avait l’air d’avoir rajeuni d’une dizaine d’années, voire plus.

J’ai évidemment parlé à mes parents de M. Dekker et du téléviseur. Ils ne pouvaient croire que le mystérieux mal qui frappait mon frère provenait de là.

À ce jour, Victor est encore dans une chambre d’hôpital. Il est en vie, mais les médecins disent que son système nerveux est mort, une sorte de coma dépassé. Il devrait avoir 38 ans mais en parait 70.
Si je témoigne aujourd’hui, c’est parce qu’un homme d’une quarantaine d’années vient d’emménager devant chez moi. Je ne connais pas son nom mais je vais essayer de le découvrir très vite. Parce que j’ai reçu un colis de la poste, et qu’il contient une télévision.




Auteur : Ruthveun

Et voici le gagnant du concours de septembre dernier avec une pasta d'un style un peu maniéré mais qui force le respect. Bravo à lui !

Les autres creepypastas en lice restent disponibles à cette adresse, ou sur ce topic pour ceux qui ont un compte sur le forum officiel.

samedi 10 octobre 2015

Ils nous contrôlent

01.06.15
Ce sont mes derniers instants à vivre. Le médecin a été clair ce matin : il me reste une semaine tout au plus. Ça me semble important d'écrire car je ne comprends pas. Mes organes sont en train de me lâcher, ça, c'est le fait. Mais ce que je comprends pas, c'est pourquoi.

De tous les médecins, de tous ces soi-disant spécialistes que j'ai consultés aux quatre coins de la ville, pas un n'a été foutu de trouver la cause. "Désolé Monsieur Bertaud, vous êtes un cas rare. Peut-être une maladie orpheline." Putain. Et bien sûr, sans cause. Pas moyen de traiter les symptômes. Mes analyses sont en chute libre depuis le début du mois dernier. J'ai choisi de passer mes derniers instants chez moi plutôt que dans une chambre d'hôpital. Je ne suis même plus sûr que ce soit une bonne chose. Je vais mourir seul.

02.06.15
Je me sens tellement faible, j'ai envie de rien. Chaque jour qui passe me rapproche un peu plus de la mort, faut dire aussi que ça motive pas. Une semaine putain. S'il m'avait dit un mois, j'aurais vendu l'appart, mes biens et tout claqué dans toutes ces choses futiles qu'on se refuse car mieux vaut garder ces sous pour plus tard, pour la retraite ou un pépin en cours de route.

Ah, si j'avais su, j'aurais fait ça différemment, c'est sûr. Je revois toutes ces choses que j'ai refusé d'acheter, de faire. Cette fille à qui je plaisais, à qui j'ai refusé un verre sous prétexte qu'elle n'était peut-être pas assez bien pour moi. Elle serait peut-être avec moi, à l'heure qu'il est, m'offrant un bon moment avant que je passe l'arme a gauche.

Mais non, je suis seul dans mon appart, seul à me morfondre sur ce bout de papier. Qui sait qui le trouvera ? Qui sait même quand on me trouvera ? Sûrement quand l'odeur de mon corps en putréfaction ira chatouiller les narines de mon voisin de pallier, s'il est pas trop défoncé pour réaliser.

Des trucs bizarres sont en train de pousser sur mon corps. On dirait des croûtes, mais c'est pas du sang. Ça ressemble à de la terre. J'ai essayé d'appeler l'hôpital pour leur en parler. Le médecin avait l'air distant. Il m'a dit qu'il me recontacterait, mais ça fait déjà cinq heures. J'appellerai demain. De toute façon, ça changera rien pour moi, mais ça aidera peut-être à comprendre si un autre cas se présente. Même si dans le fond j'en ai rien à foutre. C'est le seul contact humain qu'il me reste.

03.06.15
C'est dégueulasse, j'ai ces espèces de croûtes de terre un peu partout sur moi. J'ai rappelé l'hôpital ce matin, on me dit que la ligne n'est pas attribuée. Ils ont sûrement un souci, il y a un orage monstrueux dehors, et je vois que quelques habitations sont privées de courant. Ma fin de vie sera vraiment pathétique.

Plus aucun de mes contacts ne fonctionne. Ma télévision ne marche plus non plus. J'ai cette putain de neige sur toutes les chaînes. Et le comble du comble : je ne trouve plus les clés de chez moi. C'est comme si j'étais condamné à passer les dernières heures de ma vie seul comme un con. Quelle fin de vie pitoyable. Et cet orage qui gronde dehors... Il commence à m'angoisser.

04.06.15
Je commence à étouffer chez moi. Je n'ai plus aucun contact avec l'extérieur, plus rien. On m'avait dit qu'un infirmier passerait dans la semaine mais toujours rien. Mon téléphone, ma télé, et même la radio... Rien ne marche. J'ai ouvert toutes les fenêtres dans l'espoir de voir du monde. Je suis au douzième et dernier étage, alors les quelques personnes que j'aperçois ressemblent plus à des fourmis qu'à des humains. Il fait froid, mais c'est tout ce qui me permet de me sentir encore vivant.

Je ne peux plus bouger mon bras gauche : il ne forme plus qu'un amas de croûtes terreuses. Ça se propage extrêmement vite. Les croûtes sur mon cou et sur ma poitrine commencent à m'empêcher de respirer. Ça me comprime. Je commence à paniquer.

Les lumières de chez moi se sont éteintes. Je vois un peu grâce aux lumières de la ville et aux éclairs. Je ne me sens plus à l'abri chez moi. Quand est-ce qu'il va se décider à passer, ce putain d'infirmier ?! Je crois que j'ai fait une connerie en voulant rester chez moi. Je veux pas mourir seul. J'ai peur.

05.06.15
Je crois que je deviens fou. Il n'y a plus aucune lumière chez moi, mais je vois des lumières rouges qui clignotent un peu partout. Je vois rien pourtant. Je viens d'en voir une sur l'étagère, mais quand j'y suis allé, il n'y avait rien. Je deviens parano je crois.

Non, je suis pas fou. Il y a un truc qui cloche. En me penchant à la fenêtre, j'ai vu de la lumière chez les voisins. Et j'entends la télé chez le voisin d'à côté. Je suis la seule habitation sans électricité. C'est pas normal. Il y a quelque chose de pas normal. Et ces lumières qui n'arrêtent pas. C'EST QUOI ?! JE DOIS SORTIR DE LÀ !

Rien à faire. La porte ne bouge pas d'un poil. Et personne ne m'entend gueuler ! Bon, faut que j'arrête de paniquer. Allez. Je suis condamné à crever seul chez moi. C'est tout. Y'a pas mort d'homme. Hahaha. Si, y'a mort d'homme.

Je deviens fou, putain. Je suis là, à écrire dans le noir. Ce corps ne ressemble plus à rien. J'ai les oreilles qui sifflent depuis une heure. J'ai de plus en plus de mal à respirer. Et ces lumières ! ARRÊTEZ ! Je crois qu'on me filme. Je vois que ça ! Ce sont des caméras ! L'infirmier qui m'a ramené chez moi la première fois a dû les poser sans que je m'en aperçoive !

Je me suis posté devant une des ces lumières. Elle s'est arrêtée quand je me suis approché, bien sûr ! Mais c'est pas grave. Je leur ai dit que je savais qu'ils me voyaient, que c'était pas bien ce qu'ils faisaient.

J'ai tout retourné chez moi. Partout où il y avait des lumières, j'ai tout retourné. Je suis plus malin qu'eux !

Mes cheveux tombent par poignées. Mes dents se déchaussent aussi. Je suis en train de pourrir. Je sais même plus si je suis encore en vie. J'entends plus la télé chez le voisin. En fait, je crois que j'entends plus rien. Je suis sourd.

Y'a encore des lumières ! Elles sont fixes maintenant ! Ça vient des murs, on dirait ! C'est dans les murs. Plus de force. J'arrive pas à les casser.

06.06.15
Je voi de moins en moins. Je per la vu maintebabt. Je vois plus qu ces lumière. Il ont gzgné. Jarrete de lutter.

*********

Sujet n°16589.

- 38 ans.
- Non-fumeur.
- Mort 42 jours après le début des premiers symptômes.
- Le sujet commençait à se poser des questions. Voir le fichier joint.

- Une recherche est en cours pour déterminer pourquoi l'immunité n'a pas fonctionné.

- Aucune similitude et aucun lien de parenté avec les autres sujets.

- 1679 cas de plus que l'année dernière.

- Penser à augmenter les doses d'antibiotiques.


jeudi 8 octobre 2015

Tierra de Luz

Je m'appelle Arthur Clydwyn. Je suis professeur d'histoire à l'université de Cardiff, au pays de Galles. Je suis également archéologue, spécialisé dans la période des Grandes Découvertes. Étant ami avec le conservateur du National Museum de Cardiff, j'ai quelquefois accès aux "coulisses" des expositions. L'été dernier, le musée a accueilli une exposition dédiée aux Grandes Découvertes, en partenariat avec plusieurs musées espagnols et portugais. Étant un expert en la matière, j'ai été embauché comme consultant et assistant du conservateur. J'ai eu l'occasion de mettre la main sur des petits bijoux, tels des instruments de navigation en état de conservation superbe, des pièces de monnaie en or, des épées, des pièces d'artillerie, et nombre d'autres trésors non exposés.

   Voyant l'intérêt que je portais aux reliques de cette époque, mon ami conservateur m'a mis en contact avec Juan de Anton, le responsable du musée du Prado à Madrid. Là-bas, j'ai eu accès à un nombre incalculable d'archives allant de l'époque romaine à la guerre civile espagnole. J'étais littéralement au paradis. C'est en cherchant dans ces archives des rapports de navigation de grands explorateurs que j'ai trouvé l'objet de ma présence ici.

   En fouillant parmi les documents anciens, j'ai trouvé un parchemin en assez bon état, daté de 1557. C'était un texte qui décrivait un voyage, mais pas un rapport de navigation, dans le sens où le texte avait été écrit après le voyage. L'auteur, un certain Ernesto de Najera envoyé par le nouveau roi d’Espagne Philippe II pour commercer avec l'Inde, y raconte les circonstances dans lesquelles son voyage s'est déroulé. J'ai traduit intégralement le texte à partir du vieux castillan, même si j'ai buté sur quelques mots, que j'ai donc pu mal interpréter. La raison pour laquelle je vous en parle est qu'au cours du texte, De Najera relate avoir découvert une île au Sud-Ouest de l'Afrique du Sud actuelle. Or, il n'existe aucune île telle que celle décrite à l'endroit indiqué. Le récit est constellé de notes, de croquis, et même d'une carte improvisée. Je posterai en même temps des reproductions des croquis qui accompagnent les paragraphes sur les originaux.

Voici le texte traduit :

   Ce matin du septième d'aprilis de l'an 1557 (7 avril 1557), nous prîmes le départ de Palos de la Frontera, à bord de la Pureza, pour aller commercer avec les royaumes orientaux. Avec mes 40 hommes, 120 tonneaux de vin, ...[énumération des marchandises transportées]. Le ciel était clément et le vent favorable. Nous suivîmes les côtes africaines, faisant nombre d'escales pour nous ravitailler. Un mois durant, Dieu nous accorda sa grâce et nous arrivâmes sans encombre à Ribeira Grande [aujourd'hui Cidade Velha, au Cap-Vert], pour y commercer avec les Portugais et nous ravitailler.

   La première fois que notre foi fut mise à l'épreuve, ce fut au large des côtes Nigérianes. Nous fûmes pris dans une tempête qui emporta par le fond quatre de mes vaillants marins. Le ciel déversait sur nous un déluge d'eau, mais il n'y avait point de peur dans mon cœur, car je savais que Dieu m'était alors favorable. Lorsque le calme revint, nul dégât n'avait entamé la coque, et nous reprîmes notre cap plus déterminés que jamais.

   Six mois après notre départ, nous arrivâmes enfin au Cap de Bonne-Espérance. Nous y fîmes escale et en profitâmes pour commercer avec une tribu de nègres appelés "Khoï". Grâce à un interprète portugais, nous arrivâmes à échanger quelques paroles avec les sauvages. C'est alors que l'un d'entre eux me parla d'une légende que son ancien lui avait transmise voilà des âges. Me guidant vers une immense peinture murale, il entreprit un long discours. Il parlait d'une lumière, que l'on pouvait parfois apercevoir en observant l'océan au loin. Il fit mention d'une île, que ses ancêtres auraient atteinte il y a des siècles, et en seraient revenus couverts de trésors.

 
Croquis d'un Khoï en position de chasse, détails d'un visage, et un collier tribal : 




   Au cours des six jours que nous passâmes avec les Khoï, mon esprit fut tourmenté par d'innombrables questions. Au-delà de ma mission qui était de relier les Indes pour y commercer, je me demandais ce qu'il se cachait par-delà l'horizon. S'il était vrai que de telles richesses se trouvaient sur une île si proche que l'on pouvait en distinguer les lumières, alors quelqu'un devait la découvrir. Mon désir de gloire personnelle prit le dessus sur ma mission. Je voulais moi aussi faire de grandes découvertes, autant de richesses pour la couronne Espagnole, autant de terres à évangéliser.

   Je pris donc la décision de détourner ma mission, et de mettre au plus tôt le cap vers cette île, non sans prendre le soin de prendre quelques sauvages avec moi. Plusieurs de mes hommes ne voulurent pas prendre la mer avec moi, la peur d'être considérés comme des déserteurs les tenaillant. Je les exhortai donc à faire partie de cette aventure que serait la découverte de cette île, de penser aux innombrables richesses qu'ils en ramèneraient. Mon aumônier refusa toutefois de m'accompagner. Je le laissai alors avec les sauvages, lui et les quelques hommes qui avaient décidé de rester à terre.

   Au moment de rejoindre la Pureza, les nègres refusèrent de me suivre. D'après leurs dires, leur sorcier avait eu des visions, et il nous déconseillait de prendre la mer. Je ne me fiais pas à ces pratiques de sauvages, c'était le Malin qui parlait à leur place, voulant m'empêcher d'accomplir ma destinée. Je forçai donc les nègres à monter dans le canot. Une fois sur la Pureza, ils nous donnèrent le cap à suivre, toujours vers le Sud, et le vent nous porta.

   S'il est vrai que la plupart des nègres furent malades sur la Pureza, celui d'entre eux qui m'avait parlé de cette île résista remarquablement bien aux contraintes de la vie en mer. Trois jours après notre départ, l'air commença à se rafraîchir et la mer à s'agiter. Nul nuage pourtant, mais un ciel blanc s'étendant à perte de vue. Le moral des hommes s'ébranla lorsque la première tempête nous frappa. Arrivée de nulle part, la tourmente nous prit avec elle. Debout sur le pont, j'encourageais mes hommes à redoubler d'efforts et de prières. Les nègres s'étaient regroupés dans la cale, et chantaient des mélodies à l'attention de leurs divinités sauvages.

   Nous ne sortîmes pas indemnes du torrent qui s'était abattu sur nous. La Pureza s'était vue amputée de deux mâts, l'un ayant entraîné l'autre dans sa chute. Le troisième et dernier mât ne comportait plus guère qu'une voile partiellement déchirée et des cordages emmêlés. C'est alors que la rumeur commença à courir sur le bâtiment. Dieu nous avait abandonné quand nous avions écouté et suivi les fausses divinités des nègres. Deux sauvages furent jetés par-dessus bord et deux autres pendus aux restes du troisième mât avant que je ne réussisse à faire revenir le calme. J'exécutai les trois marins responsables de la mutinerie, et les autres reprirent leurs postes.

   La température avait beaucoup baissé, si bien que nos vêtements ne suffisaient plus à nous tenir suffisamment chaud. Les trois derniers nègres moururent du scorbut. Plusieurs hommes en furent aussi atteints, et l'on dut jeter leurs corps à la mer. Les provisions commençant à manquer, l'équipage à se réduire, et n'ayant plus de guide, nous dérivions vers notre trépas. Les hommes avaient cessé de prier, répétant que si l’aumônier n'était pas parti avec nous c'était qu'il savait que ce voyage était perdu d'avance et qu'il ne nous apporterait que souffrance et mort. Je décidai de m'enfermer dans ma cabine et de placer mon destin et celui de mes hommes dans la main de Dieu.

   Le matin du vingtième jour, alors que nous dérivions depuis deux cents nautiques vers l'Ouest, je fus réveillé par le cri d'un de mes hommes. Je montai sur le pont pour m’apercevoir qu'un épais brouillard nous enveloppait. La température était glaciale, et la Pureza était maculée de givre. Je regardai alors dans la direction que mon homme scrutait. Au loin, une lumière perçait l'épaisse brume. J'ordonnai alors de mettre le cap vers elle, me rappelant ensuite que la tempête avait rendu la Pureza inopérante. C'est alors que je m'aperçus que sans l'aide de mon équipage, le bâtiment changeait de cap, semblant être attiré vers la lueur.

   Au fur et à mesure de notre progression, je sentais et entendais des choses buter sur la coque. Prenant le soin de mettre sur moi plusieurs couvertures, je m'approchai de la proue pour constater que tout autour de nous flottaient des morceaux de glace. Je vis aussi que tous mes hommes étaient présents sur le pont, nous n'étions plus que huit sur les vingt partis du Cap de Bonne Espérance.

Lorsque la brume se dissipa, nous vîmes enfin ce que nous cherchions : la terre. À quelques kilomètres devant nous, nous pouvions voir des rivages de sable, des forêts. L'île n'était pas très grande, si bien que l'on pouvait en distinguer les deux extrémités depuis la Pureza. En son centre s'élevait une colline d'où semblait provenir la lumière. Je remerciais Dieu de nous avoir guidés, et mon cœur se remplissait à nouveau de courage. Lorsque nous fûmes assez proches, nous embarquâmes à bord d'un canot, non sans avoir pris le temps de remplir nos arquebuses.

   Je décidai d'appeler cette terre Tierra de Luz
[terre de lumière] en y posant le pied. La température était toujours glaciale, mais notre entrain avait pris le pas sur notre corps. La forêt s'étendait devant nous, et nous entreprîmes de marcher vers la lumière. C'est alors que nous vîmes des silhouettes sortir des bois. De grandes femmes, la peau blanche comme le ciel d'hiver. Alors que nous étions couverts de peaux et de couvertures, elles étaient entièrement nues. Elles nous accueillirent sans crainte, nous observant, tournant autour de nous, riant et chuchotant. 


Croquis d'une de ces femmes, avec à ses côtés un marin, ou peut-être De Najera lui-même ?




   Leurs visages étaient divins, ces femmes étaient des dons de Dieu. Leurs chants résonnaient autour de nous, emplissant nos cœurs de bonheur. Lorsque je les fixais dans les yeux, j'avais l'impression qu'ils changeaient de couleur sans jamais cesser. Là où nos visages étaient bien définis, les leurs semblaient vaciller par moments, comme s'il s'agissait de fumée. Nous les suivîmes, ébahis par tant de beauté, laissant nos armes dans le sable. Nous nous retrouvâmes devant un immense jardin où poussaient de gigantesques arbres auxquels pendaient des fruits inconnus. Des femmes se baignaient dans un cours d'eau, parlant une langue que je n'avais alors jamais entendue. La température était tout à fait agréable, et ces femmes qui nous tournaient autour nous déshabillèrent. Je comprenais qu'il ne pouvait s'agir d'un royaume des Hommes, mais bien d'un royaume Divin.

   Nous fûmes conviés à une grande table où étaient disposés des plats magnifiques sur lesquels nous nous jetâmes, affamés que nous étions. Plusieurs fois j'essayai de parler avec ces êtres angéliques, mais je ne pouvais me faire comprendre d'eux. Le repas se terminant, les quelques hommes qui avaient accosté avec moi se prirent à danser avec ces femmes. Je me rendis compte qu'elles devaient mesurer au moins trois têtes de plus que le plus grand de mes hommes. Chose que je n'avais pas remarquée lors de notre arrivée. J'étais désormais le seul encore à table, tout le monde dansait autour du cours d'eau. 

 


Ici, on peut voir l'île, sûrement vue depuis la Pureza, un visage féminin, ainsi qu'une jarre à côté de laquelle il est écrit "oro", soit "or". En-dessous, on pourrait croire à un fruit, bien que sa forme ne rappelle aucun fruit connu.




   Je me pris à penser à la gloire qu'allait m'apporter cette découverte, la gloire pour la couronne d'Espagne, pour la maison De Najera. Les couverts dans lesquels nous avions mangé étaient d'or et de pierres précieuses, la table semblait être de marbre ou quelque pierre noble. Je voulais savoir d'où provenaient tant de richesses, mais mon idiome ne semblait pas atteindre ces femmes. J'essayai de leur parler de Dieu, de leur faire comprendre qu'il les avait mises sur notre route à dessein, que notre présence n'était pas un hasard. Elles rirent de plus belle, mais cette fois je crus déceler de la moquerie dans leurs éclats. Je voulus alors leur montrer mon chapelet que je portais autour du cou, pour m'apercevoir qu'il n'y était plus.

   Alors que tout le monde dansait, je décidai d'aller voir la source de cette lumière qui nous avait attirés ici. Ce devait être une montagne d'or considérable pour qu'un tel éclat en émane, même le soleil couché. Je m'écartai doucement de cette fête qui battait son plein, et commençai l'ascension de la colline. L'air était doux, agréable, je pouvais pourtant voir les morceaux de glace flotter au loin. La musique se faisait de plus en plus faible à mesure que je gravissais la pente. L'air était maintenant chaud, me rappelant les chaudes journées andalouses. La lumière semblait encore très loin, j'avais mal jugé la hauteur de cette colline.

   La chaleur était maintenant presque insupportable, mon corps nu ruisselait de sueur. J'entendais des échos, comme des voix qui allaient en grandissant plus je montais. J'avais beaucoup mangé, mais dès le moment où j'avais quitté cette assemblée dansante, j'avais ressenti une vive faim. Cette faim me tiraillait désormais les boyaux, à croire que ce repas n'avait été qu'illusion. Je me rapprochais de la lumière qui était maintenant à quelques mètres. J'entendis comme un grésillement, ou un clapotement. Essuyant la sueur qui coulait sur mon visage, je fus alors stupéfait devant le spectacle qui s'offrait à moi. La chaleur insoutenable qui m'entourait et la lumière si apaisante que j'avais vue depuis la Pureza provenaient toutes les deux d'un immense brasier, dans lequel se tordaient de douleur des centaines ou des milliers de pauvres âmes. Je ne pouvais plus bouger, mon corps tout entier était paralysé par la peur.

   J'entendais leurs cris, leurs supplications, et je ne pus retenir mes larmes devant tant de souffrance. Je me retournai pour voir que les lumières qui provenaient de la fête que l'on donnait en bas n'étaient plus. Seule s'étendait la forêt et par-delà l'océan glacial, comme si jamais aucune lumière n'avait brillé ici. En bas de la colline, la gravissant tels des animaux enragés, les femmes hurlaient des paroles inintelligibles. Leurs visages étaient déformés par la colère, la rage les faisait courir à quatre pattes. Leurs yeux avaient cessé de changer de couleur, gardant une teinte rouge noirâtre. J'étais prisonnier entre les flammes et ces monstres que j'avais cru être des anges.

Un éclair me traversa soudain, et Dieu décida que ce n'était pas la fin pour moi. Au bord du brasier, mon chapelet et mes vêtements commençaient à être attaqués par les flammes. Je plongeai alors ma main dans le feu pour attraper l'objet sacré. Je ressentis une vive douleur tandis que le crucifix incandescent brûlait mes chairs. La dernière vision de l'enfer que j’eus avant de m'évanouir fut cette silhouette immense se lever au fond du brasier et avancer lentement vers moi. 

 
On peut distinguer ici très clairement le visage d'une créature, ainsi que le brasier et la silhouette décrite par De Najera.



   Je ne pense pas blasphémer en racontant ceci, mais je vous prie de ne pas me considérer comme un fou, car jusqu'au bout mes actions n'auront été que de servir la couronne. Je puis avoir péché par orgueil et je m'en confesse aujourd'hui, mais jamais je n'ai trahi ma parole envers le Roi.

 

   Le texte était, dans sa version originale, beaucoup plus long ; mais j'en ai "écrémé" une bonne partie. J'ai longuement étudié ce texte, j'ai cherché des informations sur ce navigateur qu'était Ernesto de Najera. Les Najera sont une famille importante de la noblesse Espagnole et ce depuis le Moyen-Âge, mais jamais il n'est fait mention d'un Ernesto dans leurs registres de naissance.

   J'ai toutefois retrouvé des documents où cet homme est mentionné. On a d'abord l'ordre de mission signé de la main du Roi, qui prouve qu'une mission commerciale a bien été envoyée vers l'Inde en 1557. J'ai ensuite un rapport de navigation d'un autre navire espagnol, "El Salvador", qui raconte avoir sauvé un homme qui dérivait sur une planche de bois au large de Cuba, dans les Caraïbes. Cet homme disait s’appeler Ernesto de Najera.

   J'ai retrouvé des traces du passage de la Pureza au Cap Vert, comme écrit dans le récit de Najera, donc il est prouvé qu'il est bien passé par l'Afrique, et qu'à aucun moment il n'a pu se rendre aux Caraïbes. Surtout que Najera a été retrouvé au large de Cuba seulement un mois après être parti du Cap de Bonne Espérance, trajet impossible à faire en si peu de temps avec des navires de l'époque.

   Toujours est-il qu'à son retour en Espagne, il a été emprisonné pour désertion et piraterie. En effet, d'après les registres de l'inquisition qui a mené le jugement de Najera, il aurait déserté aux Caraïbes pour y entrer dans la piraterie avec un navire appartenant à la couronne d'Espagne. C'est donc en prison qu'il a écrit son texte relatant ce qui (pour lui) se serait vraiment passé.

J'ai regroupé les informations que le texte nous donne. Selon Najera, il aurait, en partant de l'Afrique du Sud, voyagé trois jours avec des conditions favorables. Il a donc pu parcourir environ 600 nautiques, soit 200 nautiques par jours. Il a ensuite dérivé de 200 nautiques vers l'Ouest. Ce qui nous donne donc 1110 kilomètres vers le Sud, puis 370 kilomètres vers l'Ouest. Sa carte n'étant pas à l'échelle, j'ai donc retranscrit les vraies distances en pointant sur la carte la zone où devrait normalement se trouver Tierra de Luz.


Voici la carte de Najera.


Et voici ma carte.



Or, il n'y a rien dans cette zone. Les îles les plus proches sont les îles Sandwich du Sud, et en aucun cas on ne trouve d'icebergs ou de glace flottant dans cette région du globe, même au XVIe siècle.

Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça. Le texte peut être remis en cause, il a été écrit après coup par quelqu'un qui voulait se justifier. Mais pourquoi quelqu'un de haute lignée risquerait-il d'attirer la honte sur sa famille en inventant une histoire pareille ? Le dernier endroit où la Pureza est mentionnée dans d'autres textes est dans les registres du Cap Vert. Admettons donc que Najera ait vraiment déserté et mis le cap aux Caraïbes depuis cet endroit, comment aurait-il pu couvrir une telle distance en si peu de temps ?

Toujours est-il qu'il fut exécuté, et apparemment déshérité et dépouillé de sa noblesse, étant donné qu'il n'apparaît nulle part dans les registres de la famille De Najera.

Je tenais à partager ceci avec vous, parce que je pense qu'il y a des tas d'incohérences qui pourraient étayer les dires de Najera, mais il y a aussi pas mal de faits qui pourraient aller contre sa version. En attendant, je n'en sais pas plus sur cette histoire. J'ai pourtant épluché un tas d'archives durant mon voyage à Madrid, mais je n'ai rien vu qui se rapproche
de cette histoire, de près ou de loin. Alors si vous avez des infos, si vous avez mené vos propres recherches, faites-le moi savoir à l'adresse suivante : ClydwynA@cardiff.ac.uk



mardi 6 octobre 2015

Le carnet de monsieur Fergunson

Lundi 22 Mars.

Reprise du boulot. Jacob n’a pas été là aujourd’hui. Apparemment, il avait la grippe pendant le weekend. J’ai dû m’occuper du dossier Lombardi à sa place. Rosalina a téléphoné au bureau. Elle m’a prévenu que mon rendez-vous avec le PDG de Clisson avait été annulé. Je ne suis pas allé au ciné cette fois. Pas de films intéressants.

Je suis allé diner au restaurant de la rue Saint Martin. Pas très bon. Bref, une plutôt mauvaise journée.

J’ai rêvé de mon enfance à Neuilly. Je tombais par la fenêtre et ma mère me rattrapait en volant, telle superman. Je pleurais beaucoup, mais elle me souriait et je me calmais. Puis elle me faisait une ratatouille.



 

Mardi 23 mars.

Jacob est revenu au bureau. C’est vrai qu’il a l’air plutôt mal en point. Il a repris le dossier Lombardi. Monsieur Maurel m’a convoqué à midi. Il m’a demandé de m’occuper d’un autre dossier. J’ai d’abord poliment refusé, mais il s’est montré persuasif. Super.

Je suis retourné manger au restaurant de Quentin. J’ai pris de la ratatouille. Peut-être que mon rêve m’en avait donné envie ! Comme tous les mardis, le cinéma était fermé.

J’ai rêvé que je visitais une grande maison, puis que les murs s’effondraient sur moi. Je me suis réveillé en sursaut.



 

Mercredi 24 Mars.

Journée calme au bureau. Le nouveau dossier n’est pas si compliqué que ça, et Jacob bosse bien. Le soir, Jacob, Antoine et moi, nous sommes descendus au bar d’en face pour boire un coup. Je me suis fait une côte de porc saignante, un régal.

J’ai regardé d’un œil distrait Fort Boyard. Il n’y avait rien d’autre. Je sens que je vais bien dormir, bien que la journée ait été calme, je tombe de fatigue.

Je n’ai pas fait de rêve.





Jeudi 25 Mars.

Je me suis réveillé à 9 heures. Je savais que je serais arrivé en retard au bureau. Alors j’ai dit que j’étais malade moi aussi. Je sais que c’est mal, mais bon, j’ai bien mérité une petite pause. Je suis terrassé par la fatigue.

Journée télé à la maison, il pleuvait.

Je me faisais poursuivre par un cyclope dans un labyrinthe pendant ce qui m’a semblé durer des heures. Il finissait par m’attraper et me disait quelque chose comme : « Tu n’es pas prêt pour ce qui va suivre » ; mais le rêve se terminait.



Vendredi 26 Mars.

Je suis revenu au bureau aujourd’hui. Le dossier Lombardi était revenu à Elisa. Elle a fait du plutôt bon boulot. Antoine a eu un problème d’ordinateur. On pense qu’on va le remplacer. En attendant, il est bien avancé !

On était content que la journée soit terminée. Antoine m’a invité chez lui Dimanche. J’ai accepté. On est allé au même bar que mercredi. Jacob n’a rien pris. Il se sent toujours malade je crois.

Mon rêve a commencé là où il s’était terminé. Le cyclope m’observait longtemps sans rien dire, puis me relâchait. Je tombais, tombais et atterrissais sur mon lit. Ce rêve était en noir et blanc. J’étais sur mon lit, mais j’étais dans la chambre de ma maison de vacances. Je descendais l’escalier, sans trop savoir pourquoi, dans le silence de la nuit. Plus j’avançais, plus j’entendais un bruit régulier. Arrivé devant la porte, je compris que quelqu’un y frappait. Je distinguais des silhouettes à travers le carreau sale de la porte. J’ouvrais. Et je vis quatre « personnes » si je peux les qualifier ainsi. Tous en costume, l’un avait une tête de chien, un autre, de cochon, et les deux derniers, une tête de grenouille et de singe. Les quatre me regardaient, immobiles. Je voulais leur parler, mais les mots ne sortaient pas de ma bouche.

-Alors tu as fini par ouvrir, fit une voix féminine venant de la grenouille.

-Il le fallait, répondit le cochon.

Je trouvais enfin la force de parler :

-Qui êtes-vous ? 

Je ne voyais pas quoi dire d’autre. Je voulais rentrer, fermer la porte, me réveiller. Mais ce n’était pas encore fini.

-Es-tu prêt ?, dit le singe, en penchant la tête vers la gauche.

Je ne trouvais pas la force de répondre.

Le chien secoua la tête. La grenouille l’imita.


 


Samedi 27 Mars.

Je suis resté longtemps dans mon lit, à fixer le plafond. Lorsque j’ai trouvé la force de me lever, je me suis empressé d’écrire mon rêve, pour ne rien oublier. Je réfléchirais plus tard. Je pense que je vais aller voir le Woody Allen qu'il y a au cinéma du quartier.

Le film était pas mal, bien qu’un peu long. Je vais finir la journée en regardant la télé.

Une fois n’est pas coutume, j’ai regardé le journal télévisé. Toujours aussi positif : la guerre un peu partout, les attentats, les accidents... Il n'est que 21 h 20, mais je pense que je vais déjà me coucher.

J’assistais à un « spectacle » dans une salle bondée. Un homme vert marchait bizarrement, faisant le tour de la scène. Des rires fusaient très régulièrement du public, comme des rires préenregistrés. Et l’homme continuait de marcher. Il me regarda soudainement, s’arrêtant. Les rires s’arrêtèrent. Je sentais le public me fixer. Je ne sais pas pourquoi, mais je me mis à pleurer. Les rires recommencèrent. Je me tournai vers mon voisin. Et vis l’homme à tête de chien. Il m’observait. Il retroussa les babines, comme si il se moquait de moi. Et les rires continuaient. 


 

Dimanche 28 Mars.

Lorsque je me suis réveillé, les rires résonnaient encore dans ma tête. Au moment où j’écris ces lignes, j’ai toujours l’impression de les entendre dans un coin de mon crâne. Je vais me préparer pour aller chez Antoine.

Antoine et sa femme ont été très gentils. C’était la première fois que je voyais leur nouvelle maison. Très sympa. Le repas aussi était très bon. C’était vraiment très bien. Je viens de rentrer, il est 6 heures. Je ne sais pas quoi faire, je pense que je vais aller me balader dans le quartier, histoire de trouver un nouveau restaurant.

Ai testé le restaurant « Les recettes de ma mère ». Plutôt bon ! Demain, lundi. Déjà ! J’espère qu’Antoine réussira à régler son problème d’ordinateur. Et j’espère ne pas refaire de cauchemars. Je sais que je ne devrais pas y prêter attention à mon âge, mais, je ne sais trop pourquoi, ils me terrifient.

Celui-là aussi était terrifiant. J’étais dans mon lit, dans ma chambre, comme si je venais de me réveiller, et une personne portant un masque de bébé se roulait par terre en hurlant. Je lui disais d’arrêter, lui criais dessus, mais il continuait de hurler et de se rouler en boule, mettant la chambre sens dessus dessous. Il finissait par sauter sur mon lit, me regardant en riant.



Lundi 29 Mars.

Je me suis réveillé en sursaut, en ayant l’impression de voir la personne au masque de bébé devant moi, sur mon lit. Mais ce n’était qu’un rêve. Je suis parti au boulot en avance, pressé de quitter ma maison. Lorsque je me suis éloigné, j’ai eu l’impression que les cris reprenaient dans ma chambre, comme si « il » avait attendu que je m’en aille. Terrifiant.

Antoine a toujours des problèmes avec son ordi. Il va faire venir un technicien demain. Là, on vient de manger chez Quentin, avec Jacob, qui va beaucoup mieux.

Bon, le dossier Lombardi a été donné à Elisa, et moi j’en hérite d’un troisième. Heureusement que c’est plutôt simple, car j’ai l’impression qu’à chaque nouveau dossier qu’on reçoit, c’est à moi qu’on le donne.

Il pleut toujours. J’ai encore regardé ma cassette de « chantons sous la pluie ». Toujours aussi bien.
Je          je n’ai pas envie de me coucher.      Je sais que ce ne sont que des rêves mais        non je vais me coucher.

J’avance à tâtons dans un couloir sombre. Il fait froid. Je marche ainsi pendant... 20 minutes. Un bruit sourd gagne petit à petit en puissance. Au bout d’un moment, le bruit devient assourdissant. La source de ce vacarme est derrière moi. Je n’ose pas me retourner, alors je continue à marcher dans ce couloir sans en voir la fin. Le bruit se rapproche. Je panique. Je cours. Je cours sans m’arrêter. Le bruit me suit. Le bruit va me rattraper. Je cours toujours. Le couloir se finit, faisant face à une unique porte. Je l’ouvre. Et je vois l’homme singe. Derrière lui, de la couleur, de la joie, du silence. Mais il me barre le passage. Je sens la rage, mêlée à de la peur, monter en moi.

-LAISSEZ-MOI PASSER !

Il ne me répond pas. Je n’ose pas insister. De près, sa tête de singe est encore plus horrible. Ses yeux orange m’observent.

Il me repousse et referme la porte. Le bruit est près. Très près. Je reste là, à fixer la porte. Je n’ose pas me retourner, voir ce que je fuis. Le bruit est derrière moi, il m’a rattrapé. Il me frappe comme une vague. Le bruit est en moi. 



Mardi 30 Mars.

Je me suis réveillé avec une énorme migraine. En allant au boulot, j’avais toujours ce bruit dans ma tête. Là, ça s’est calmé. Rosalina m’a dit que le RDV avec le PDG de Clisson avait été fixé à Jeudi. Une bonne nouvelle.

Jacob a dégotté un troquet sympa, on y a mangé avec Antoine et Elisa. Là, je suis en train de me faire une purée pour le diner. Ça fait longtemps que je ne suis pas allé au cinéma.
Le bruit est revenu dans ma tête.

Je ne veux pas me coucher         Je ne peux pas me coucher.

Je regardais la télé. Il arrivait par la fenêtre. Il me regardait. Il m’observait. Sa tête avait l’air d’être en plastique. Il me regardait. Il me fixait. Rien d’autre. Que pouvais-je faire ? Je restais là, à prier pour qu’il s’en aille, pour qu'il ne me fasse rien de mal. Et il continuait de me fixer. Je me mettais à pleurer. Puis il éclatait de rire.



Mercredi 31 Mars.

J’ai entendu son rire. Je ne dormais pas. Mais j’ai entendu son rire. J’étais réveillé. Je pleurais vraiment. Et j’ai entendu son rire.


Je viens de me relire. Évidemment, ce n’était qu’une illusion. Je me surprends à vraiment paniquer des fois. Je vais aller au boulot.

Antoine a eu un nouvel ordi. J’avoue que j’étais un peu jaloux. Il a eu un énorme Mac pro. Monsieur Maurel a dit qu’il nous en achèterait d’autres, mais, franchement, je ne le crois pas. Bref , bientôt 19:30 , le temps de finir d’écrire et je me remets en route.

Je    je ne veux pas rentrer chez moi       Je ne veux pas être seul       les rêves, j’ai l’impression qu’ils              m’attendent


J’étais dans la chambre de la maison d’Anna, mon ex-femme. Elle dormait à côté de moi. Enfin un rêve calme. Je l’appelai. Elle se retourna, au bout de trois interminables secondes. Elle n’avait pas de tête de cochon, pas de tête en plastique, pas de masque. Elle était juste... là. Une présence amoureuse, calme, rassurante. Enfin. Elle me sourit.

-Qu’y a-t-il ?

-Rien, je voulais juste te voir. 

Et je lui rendis son sourire.

-Tu ne me verras plus, tu le sais ça ?

Elle semblait mélancolique.

-Je sais.

Un silence. Je pris une longue inspiration avant de continuer.

-Où es-tu, Anna ?

Son ton se durcit.

-Nous voilà au cœur de la question. Tu étais trop occupé par ton travail. M’as-tu prêté attention quand je t’ai fait part de mes inquiétudes vis à vis de mes rêves ?

-Ce n’était que des songes.

-Comme maintenant.

Et je fus ramené à la réalité. Tout était faux. La couleur des murs, la robe d’Anna, le parfum, la position de la porte, les photos floues, le silence... l’amour, le calme. Faux. « Ce n’était que des songes. »

On toqua à la porte.

-Tiens, ils sont là, dit-elle.

-Qui, « ils » ? Pitié Anna , explique moi.

Le rêve devenait plus flou. Ma tête me tournait.

Elle ouvrit la porte.

Des rires retentirent.

Une tête de chien, une tête de cochon, une tête de grenouille, une tête de singe.

Anna avait disparu.

«Tu es prêt. »

Et j’entendis mon réveil sonner.






Jeudi 1er avril.

Pourquoi Anna a-t-elle disparu de ma vie ? Pourquoi ces rêves ? Qui sont-ils ?

Je ne vais pas aller au travail. Je dois réfléchir. Bien que les rires me déconcentrent un peu, il est vrai. Je vais continuer d’écrire. Je ne sais même plus pourquoi le docteur Bauer m’avait dit d’écrire mes journées et mes rêves. À vrai dire, je m’en fous. Qu'il aille se faire voir, lui et ses pilules.

Je crois qu’ils m’observent depuis les fenêtres. Je ne sais pas si je rêve en fait. Bien sûr, les hommes à tête de singe n’existent pas dans la vraie vie hein ? Hein ?

Non. Voilà ! Ce ne sont que des rêves, s’ils se contentent de m’observer par les fenêtres après tout ! Si je pouvais faire taire les rires aussi !
Je ne suis plus dans un rêve. J’en suis sûr. Gfx Ils sont réels. Ils sont la réalité.
Ltrêvzl
Je suis prêt à te rejoindre Anna.
On toque à la porte. Ma vraie porte.