D’après mes psys, la première chose à faire pour exorciser ses démons, c’est d'écrire son histoire. Je n’ai jamais eu envie de le faire mais aujourd'hui je me sens prêt. Hormis des formulaires et de la paperasse administrative, j’ai passé ma vie à éviter d’écrire, j’avais bien trop peur que le stylo fuie et qu’une tache d’encre ne se dresse sur la feuille. Personne ne peut se douter de ce qui peut naître à partir d'une simple tache, personne.
Bon, alors voilà. Même si je suis toujours angoissé, je vais me mettre à écrire mon histoire et peut-être que j’arrêterai de voir des fantômes partout. J’avais quatorze ans quand les faits se sont produits. On venait d’emménager dans une maison que mes parents avaient fait construire. Mon père et ma mère étaient du genre très maniaques. Si la plupart des parents emménagent dans une nouvelle maison pour avoir plus grand, eux, c’était pour avoir plus blanc et plus propre. Ma mère avait toujours un maudit chiffon à poussière à la main, et mon père passait l’aspirateur trois fois par jour quand il ne bossait pas.
Moi, ces murs blancs, ce mobilier laqué, ça me faisait mal aux yeux et cela avait fini par me filer de terribles migraines. L’ophtalmo m’avait prescrit des médocs et des lunettes noires pour les atténuer. Si mes parents ont accepté les médicaments à base de codéine, ils ont refusé les lunettes prescrites sous prétexte que je ne pourrais plus admirer la splendeur de leur étincelante maison ! Qui a pensé que j’avais une famille bizarre ?
On avait aussi un grand jardin impeccablement entretenu par monsieur, madame et par moi aussi (plus par obligation que par goût des plantes vertes). Un jour où je grattais la pelouse avec mon râteau, j’ai accroché un truc dans la haie de thuyas encadrant le jardin. Une tige noire dépassait de la terre. Je me suis baissé, j’ai creusé un peu et j’ai découvert une vieille paire de lunettes noires. J’ai été les nettoyer en cachette avec un produit qui se trouvait sur une étagère du garage et j’ai bien fait attention à ne pas faire tomber le moindre grain de terre sur le sol laqué. Malheureusement pour moi, j’ai dû en oublier quelques-uns et j’ai passé le reste de l’après-midi dans le placard à balais avec quelques bleus au corps (mon père ne me frappait jamais au visage, il n’était pas idiot). Heureusement j’avais réussi à cacher mes lunettes dans une poche de mon jean. Je les essayais juste avant de me coucher. À ma grande joie, les murs blancs sont devenus sombres tout comme mon armoire laquée, mon bureau laqué, mon lit laqué car même si j’éteignais la lampe de ma table de nuit, la lumière crue des lampadaires du jardin passait à travers mes fenêtres sans rideaux. Ainsi mes murs n’étaient pas salis par le noir de l’obscurité ! N’étaient-ils pas vraiment cons mes parents ?
J’étais donc allongé sur mon lit, admirant l’atmosphère sombre de ma chambre. Au début, je n’avais pas remarqué une tache plus claire sur le plafond. C’est quand elle a bougé que je l’ai vue ! Elle a glissé jusqu’à l’arête du plafond, a dévalé le mur jusqu’à mon lit ! D’un réflexe j’ai retiré mes lunettes et heureusement, cette maudite tache avait disparu. Inutile de vous dire que je n’ai pas réessayé ces foutues lunettes ce soir-là mais j’ai tout de même regardé sous mon lit, au cas où… Je n’ai pas super bien dormi et même si les taloches de mon père m’avaient considérablement endurci au cours de ces dernières années, on peut dire que j’avais la trouille. Mais ça, je ne l’avoue que maintenant...
Le lendemain mes parents m’ont dit avoir mal dormi et m’ont demandé si j’avais fait des cauchemars ou si j’avais crié. J’ai dit que non. J’ai d’ailleurs été étonné de cette question, car même si je hurlais mes tripes, ils ne pouvaient pas m’entendre puisque ma chambre avait été aménagée au sous-sol. Leur chambre se situait au-dessus de la mienne et un mètre de béton nous séparait.
Plusieurs fois dans la journée j’ai mis mes lunettes et j’ai regardé le plafond, les murs de ma chambre sans revoir cette tâche. Autre chose a cependant marqué ma journée : les violentes disputes entre mes parents. Il y a toujours eu quelques éclats de voix entre eux, mais jamais avec cette intensité. J’ai bien cru que mon père allait étrangler ma mère ou que ma mère allait égorger mon père. Aucune des deux solutions ne m’aurait déplu, mais bon, de nature solitaire, je pensais qu'il valait mieux vivre avec des maniaco-dépressifs qu’à la DASS avec une troupe d’ados en mal de reconnaissance.
Au dîner on entendait juste le bruit des couverts et des mastications. On n’avait pas grand-chose à se dire alors pour « meubler » cette fastidieuse réunion familiale on regardait la télévision. Mais ce soir-là c’était silence radio. On s’observait comme des étrangers. Après le dîner, mon père a refusé que je regarde un film pour me détendre et m’a dit d’aller me coucher et de ne pas crier même si je faisais des « putain » de cauchemar ! Énervé, j’ai pris plusieurs cachets de codéine que l’ophtalmo m’avait prescrits pour les migraines. C’est puissant la codéine, c’est un opiacé qui aide aussi à dormir. Assommé, je n’ai pas essayé mes lunettes, et de toute façon, je n’avais aucune envie de revoir cette tache au-dessus de ma tête. Je préférais nettement m’en tenir à une hallucination qui ne se reproduirait plus.
Dans mon cauchemar, des chuchotements m’ont réveillé en sursaut. Ça hurlait « Meurtrier ! Meurtrier ! » Une odeur de pourriture a empli l’air de ma chambre, ma table de nuit vibrait et l’ampoule de la lampe grésillait. Je n’ai pas eu besoin de mes lunettes pour voir la tache au plafond. Elle s’est aussitôt étirée vers moi comme un énorme ver de sang. La pointe s’est affinée pour venir me toucher. J’étais pétrifié, plaqué contre mon lit, impossible de bouger. Pourtant, dans un réflexe pour sauver la paix de mon âme, j’ai mis les lunettes noires et c’est là que je l’ai vu !
Un corps décharné et décapité tendait un bras vers moi. J’ai été si surpris que je me suis jeté hors du lit mais ma tête a heurté le coin de la table de nuit et j’ai vu 36 chandelles. Vautré sur la moquette, il m’était réellement impossible de faire autre chose que de geindre et de regarder le cadavre sans tête se décrocher du plafond et tomber à mes pieds. J’étais au bord de la crise cardiaque, mon cœur cognait dans ma poitrine, ma gorge, mes tympans. Au moment où j’ai cru que le décapité allait se jeter sur moi, il s’est brusquement tourné vers la porte de la chambre qui s’est ouverte toute seule. En claudiquant il a traversé la salle de jeu, a monté les cinq marches menant au rez-de-chaussée ; la porte s’est encore ouverte toute seule. « Meurtrier, meurtrier ! » a retenti dans le salon. Une poignée de secondes plus tard, autre chose a dévalé les escaliers : mon père furieux. J’ai juste eu le temps de cacher mes lunettes et de grimper sur mon lit. Alors que ce salaud me corrigeait, il me hurlait qu’il n’était pas un meurtrier ! J’ai crié que ce n’était pas moi, que c’était la chose du plafond ! Son poing s’est figé net. Il m’a sondé de son regard exorbité avant de tourner tout doucement la tête vers le plafond. Il est resté une bonne minute comme ça, le nez en l'air, le visage grimaçant, la respiration saccadée. Il a marmonné une bouillie de mots, m’a de nouveau regardé, puis il est reparti sans plus rien dire. C’était l’horreur.
Le lendemain matin, avant le petit déjeuner, j’ai eu le droit à un interrogatoire digne de la Gestapo. Toutes les questions portaient sur ce que j’avais vu, entendu, à quelle heure, quand, comment. Malgré les taloches, je ne leur ai rien dit. Ça me faisait plaisir de les voir paniquer, de voir la peur crisper leur visage. Restait à savoir pourquoi, ce qu’ils savaient, ce qu’ils me cachaient.
Mon père a filé au garage. Il est revenu avec une pioche, a traversé le salon puis s’est enfermé dans sa chambre. Des coups sourds ont commencé à faire vibrer le sol. Ma mère l’a rejoint et le suppliait d’arrêter. Cet enfoiré n’écoutait rien et continuait à frapper, à s’acharner sur le parquet. On a sonné à la porte d’entrée. C’était mon meilleur et seul ami. Je suis parti avec lui, heureux de quitter cette baraque de fous.
Didier, le père de mon pote, a téléphoné au mien pour que je déjeune avec eux. Personne n’a répondu alors je suis resté. Bien que je n’eusse absolument pas besoin d’entendre ça à ce moment-là de ma vie, Didier nous a raconté une histoire effrayante pendant que nous déjeunions : cinq ans auparavant, un riche fermier possédant de nombreuses terres dans la région avait disparu sans laisser de trace. Quelques mois après sa disparition, un pêcheur du dimanche dont la ligne s’était prise dans la vase de la rivière, a remonté… une tête dans un état de décomposition avancée. Les analyses génétiques ont confirmé qu’il s’agissait bien de la tête du fermier. Malgré de nombreuses recherches on n'a pas retrouvé son corps. J’ai cru que cette sordide histoire allait en rester là jusqu’à ce que le père de mon pote me susurre à l’oreille, comme s’il voulait que personne d’autre que moi n’entende la terrible conclusion de son récit : dès la confirmation de sa mort, les terres ont été vendues, sa ferme détruite et l’argent âprement disputé entre les héritiers dont l’un était mon père !
L’esprit plein de doutes je suis rentré en fin d’après-midi. Qui avait bien pu commettre ce meurtre si atroce ? Pourquoi n’étais-je au courant de rien ? Qui était ce membre éloigné de ma famille ? Avec ce qui s’était passé hier soir je me sentais très mal, mon esprit faisait de terribles rapprochements.
Mon malaise s’est amplifié quand j’ai découvert le salon de notre étincelante demeure sens dessus- dessous, la cuisine retournée, de la vaisselle cassée et des meubles pleins de poussière ! Je me suis dit qu’ils avaient dû se battre mais non, mes parents riaient à gorge déployée ! Ils s’en foutaient royalement et dansaient entre les meubles retournés, s’embrassaient sans aucune retenue ! Quand ma mère a enfin croisé mon regard ahuri, elle m’a même demandé si je voulais jouer avec elle ! Je ne comprenais rien de leur brusque changement d’attitude et je ne suis ressorti de ma chambre qu’après m’être enfilé plusieurs cachets de codéine. Au dîner, j’ai aussi halluciné car ma mère adepte de la cuisine équilibrée venait de faire livrer quatre énormes pizzas ! Je n’avais guère d’appétit mais eux se sont goinfrés comme jamais auparavant, buvaient de grands verres de coca en s’en foutant partout, pétaient et rotaient en se marrant comme des gamins. Entre deux bouchées ils me racontaient des morceaux de leur vie que je ne comprenais pas trop, des bribes incompréhensibles dont je me foutais royalement. Parfois ils s’arrêtaient et m’observaient fixement sans rien dire.
Mon malaise est redescendu de plusieurs crans quand mes parents ont été se coucher main dans la main, en train de pouffer, sûrement à l’idée de baiser. C’est la première fois que je les entendais faire l’amour. Plus tard j’ai appris que pousser des grognements de porc n’était pas faire l’amour. N’ayant aucune envie d’aller me coucher et préférant rester loin de ma chambre, j’ai regardé la télé jusqu’à finalement m’endormir.
« Meurtrier, meurtrier » ! Le seul réflexe qu’on peut avoir quand on se réveille en sursaut c’est de se jeter à terre. Les lumières du jardin qui passaient par les baies vitrées s’éteignaient, s’allumaient, ça faisait comme des flashs dans le salon. J’ai entendu la porte du sous-sol grincer et j’ai aussitôt regardé dans sa direction : une forme sombre boitait vers moi ; « Meurtrier, meurtrier ! », grondait-elle d’une voix caverneuse. Je me suis levé d’un bond et j’ai couru jusqu’à la cuisine où j’ai retiré un couteau de boucher du bloc posé sur le comptoir. Je me suis retourné et la forme était déjà là, face à moi ! C’était le corps décapité entrevu l’autre soir. Il restait là, sans bouger, sans m’attaquer. Ça puait le diable. Les flashs s’étaient accélérés, on aurait dit une nuit blindée d’éclairs avec de très brefs moments d’obscurité. C’est à ce moment que j’ai entendu une voix dans ma tête me demander de mettre mes lunettes. J’ai hésité quelques secondes puis je les ai retirées de la poche arrière de mon jean. Je les ai posées sur mon nez avec une certaine appréhension et ce que j’ai vu m'a sidéré : un vieil homme à l’air sympathique ! Toutefois, son corps couvert d’une salopette maculée de boue était un peu étrange, mal proportionné : des bras longs et maigres, un gros bide et des jambes dont l’une était plus courte que l’autre, formaient sa silhouette. Il s’est brusquement retourné et a traversé le salon en boitant jusqu’à la chambre de mes parents. Les flashs donnaient l’impression qu’il avançait par à-coups. J’entendais des chuchotements dans ma tête, des chuchotements me dire « Tes parents sont des monstres, tes parents m’ont tué, viens voir les monstres ! »
C’était effrayant, mais il fallait percer l’abcès, en avoir le cœur net, car l’attitude de mes parents aujourd’hui n’avait pas été normale, à condition bien sûr qu’un jour mes parents aient été normaux ! Mon cœur battait la chamade quand je me suis approché de leur chambre. Le vieil homme a attendu que je sois près de lui pour baisser la poignée de la porte.
Les gonds ont grincé comme un cri sinistre dans la nuit. Des grognements, peut-être des ronflements, se sont mélangés aux voix dans ma tête. « Regarde, regarde ! », me disaient-elles sans cesse. Et j’ai regardé…
Ce que j’ai ressenti cette nuit-là, c’était de la peur mélangée à de la haine. Ces êtres étaient enlacés l’un contre l’autre et grognaient à chaque respiration. Ils me dégoûtaient et m’effrayaient à la fois ! Les flashs me permettaient d’apercevoir leur peau rougeâtre, leurs bras terminés par trois serres et la maigreur de leurs jambes entourées d’une longue crinière noir jusqu’aux talons pointus. J’ai aussitôt retiré mes lunettes, mais cela n’a rien effacé ! Les monstres étaient là, mes parents étaient toujours là ! J’ai hurlé de peur et de rage et ils se sont redressés d’un seul coup ! J’ai alors vu leurs yeux ronds et laiteux, leur visage décharné, figé sur un large sourire percé de dents pointues d’un rouge éclatant !
Celui de gauche s'est levé et m’a demandé ce que je foutais dans sa chambre. C’était la voix de mon père ! C’était lui, il n’y avait plus de doute ! J’ai alors vu le vieil homme se jeter sur lui et le mordre, le frapper si fort que des bouillons de sang ont éclaboussé mon visage et mes vêtements. L’autre a voulu lui porter secours mais il s’est littéralement fait dépecer devant moi, mis en pièce avec je ne sais quel objet tranchant. C’était déjà trop pour moi, ma raison a vacillé et je me suis enfui le plus loin possible de cet enfer…
Je ne sais plus comment j’ai atterri à l’hôpital. Je suis resté plusieurs semaines en observation. Traumatisé, je n’ai retrouvé la parole que très tard mais je ne sais plus trop quand. Devant la porte de ma chambre, un policier assurait constamment ma protection. Sans doute avait-il peur que d’autres montres viennent se venger, me disais-je.
J’ai passé 22 ans en hôpital psychiatrique et j’ai passé 22 ans à clamer mon innocence. Enfin non, 20, car depuis 2 ans j’admets que c’est moi et que je regrette beaucoup beaucoup. Enfin c'était uniquement pour leur faire plaisir à tous ces monstres en blouse blanche, uniquement pour sortir de l'hôpital. Si on a retrouvé l’arme du crime, un couteau de boucher, on n’a jamais retrouvé les lunettes de mon grand-oncle. Ouais, le fermier était le frère de mon grand-père paternel, un vieil homme excentrique brouillé depuis plusieurs décennies avec sa famille. En société, il utilisait un faux nom pour qu’on lui foute la paix ! Je me demande qui a bien pu retrouver sa trace avant qu’on ne retrouve son cadavre décapité dans le ciment du plafond de ma chambre. On l’aurait mis là alors qu’il était déjà mort depuis 5 ans. Enfin ce n’est qu’un détail, vous connaissez la suite, il s’est vengé des monstres…
Bon, alors voilà. Même si je suis toujours angoissé, je vais me mettre à écrire mon histoire et peut-être que j’arrêterai de voir des fantômes partout. J’avais quatorze ans quand les faits se sont produits. On venait d’emménager dans une maison que mes parents avaient fait construire. Mon père et ma mère étaient du genre très maniaques. Si la plupart des parents emménagent dans une nouvelle maison pour avoir plus grand, eux, c’était pour avoir plus blanc et plus propre. Ma mère avait toujours un maudit chiffon à poussière à la main, et mon père passait l’aspirateur trois fois par jour quand il ne bossait pas.
Moi, ces murs blancs, ce mobilier laqué, ça me faisait mal aux yeux et cela avait fini par me filer de terribles migraines. L’ophtalmo m’avait prescrit des médocs et des lunettes noires pour les atténuer. Si mes parents ont accepté les médicaments à base de codéine, ils ont refusé les lunettes prescrites sous prétexte que je ne pourrais plus admirer la splendeur de leur étincelante maison ! Qui a pensé que j’avais une famille bizarre ?
On avait aussi un grand jardin impeccablement entretenu par monsieur, madame et par moi aussi (plus par obligation que par goût des plantes vertes). Un jour où je grattais la pelouse avec mon râteau, j’ai accroché un truc dans la haie de thuyas encadrant le jardin. Une tige noire dépassait de la terre. Je me suis baissé, j’ai creusé un peu et j’ai découvert une vieille paire de lunettes noires. J’ai été les nettoyer en cachette avec un produit qui se trouvait sur une étagère du garage et j’ai bien fait attention à ne pas faire tomber le moindre grain de terre sur le sol laqué. Malheureusement pour moi, j’ai dû en oublier quelques-uns et j’ai passé le reste de l’après-midi dans le placard à balais avec quelques bleus au corps (mon père ne me frappait jamais au visage, il n’était pas idiot). Heureusement j’avais réussi à cacher mes lunettes dans une poche de mon jean. Je les essayais juste avant de me coucher. À ma grande joie, les murs blancs sont devenus sombres tout comme mon armoire laquée, mon bureau laqué, mon lit laqué car même si j’éteignais la lampe de ma table de nuit, la lumière crue des lampadaires du jardin passait à travers mes fenêtres sans rideaux. Ainsi mes murs n’étaient pas salis par le noir de l’obscurité ! N’étaient-ils pas vraiment cons mes parents ?
J’étais donc allongé sur mon lit, admirant l’atmosphère sombre de ma chambre. Au début, je n’avais pas remarqué une tache plus claire sur le plafond. C’est quand elle a bougé que je l’ai vue ! Elle a glissé jusqu’à l’arête du plafond, a dévalé le mur jusqu’à mon lit ! D’un réflexe j’ai retiré mes lunettes et heureusement, cette maudite tache avait disparu. Inutile de vous dire que je n’ai pas réessayé ces foutues lunettes ce soir-là mais j’ai tout de même regardé sous mon lit, au cas où… Je n’ai pas super bien dormi et même si les taloches de mon père m’avaient considérablement endurci au cours de ces dernières années, on peut dire que j’avais la trouille. Mais ça, je ne l’avoue que maintenant...
Le lendemain mes parents m’ont dit avoir mal dormi et m’ont demandé si j’avais fait des cauchemars ou si j’avais crié. J’ai dit que non. J’ai d’ailleurs été étonné de cette question, car même si je hurlais mes tripes, ils ne pouvaient pas m’entendre puisque ma chambre avait été aménagée au sous-sol. Leur chambre se situait au-dessus de la mienne et un mètre de béton nous séparait.
Plusieurs fois dans la journée j’ai mis mes lunettes et j’ai regardé le plafond, les murs de ma chambre sans revoir cette tâche. Autre chose a cependant marqué ma journée : les violentes disputes entre mes parents. Il y a toujours eu quelques éclats de voix entre eux, mais jamais avec cette intensité. J’ai bien cru que mon père allait étrangler ma mère ou que ma mère allait égorger mon père. Aucune des deux solutions ne m’aurait déplu, mais bon, de nature solitaire, je pensais qu'il valait mieux vivre avec des maniaco-dépressifs qu’à la DASS avec une troupe d’ados en mal de reconnaissance.
Au dîner on entendait juste le bruit des couverts et des mastications. On n’avait pas grand-chose à se dire alors pour « meubler » cette fastidieuse réunion familiale on regardait la télévision. Mais ce soir-là c’était silence radio. On s’observait comme des étrangers. Après le dîner, mon père a refusé que je regarde un film pour me détendre et m’a dit d’aller me coucher et de ne pas crier même si je faisais des « putain » de cauchemar ! Énervé, j’ai pris plusieurs cachets de codéine que l’ophtalmo m’avait prescrits pour les migraines. C’est puissant la codéine, c’est un opiacé qui aide aussi à dormir. Assommé, je n’ai pas essayé mes lunettes, et de toute façon, je n’avais aucune envie de revoir cette tache au-dessus de ma tête. Je préférais nettement m’en tenir à une hallucination qui ne se reproduirait plus.
Dans mon cauchemar, des chuchotements m’ont réveillé en sursaut. Ça hurlait « Meurtrier ! Meurtrier ! » Une odeur de pourriture a empli l’air de ma chambre, ma table de nuit vibrait et l’ampoule de la lampe grésillait. Je n’ai pas eu besoin de mes lunettes pour voir la tache au plafond. Elle s’est aussitôt étirée vers moi comme un énorme ver de sang. La pointe s’est affinée pour venir me toucher. J’étais pétrifié, plaqué contre mon lit, impossible de bouger. Pourtant, dans un réflexe pour sauver la paix de mon âme, j’ai mis les lunettes noires et c’est là que je l’ai vu !
Un corps décharné et décapité tendait un bras vers moi. J’ai été si surpris que je me suis jeté hors du lit mais ma tête a heurté le coin de la table de nuit et j’ai vu 36 chandelles. Vautré sur la moquette, il m’était réellement impossible de faire autre chose que de geindre et de regarder le cadavre sans tête se décrocher du plafond et tomber à mes pieds. J’étais au bord de la crise cardiaque, mon cœur cognait dans ma poitrine, ma gorge, mes tympans. Au moment où j’ai cru que le décapité allait se jeter sur moi, il s’est brusquement tourné vers la porte de la chambre qui s’est ouverte toute seule. En claudiquant il a traversé la salle de jeu, a monté les cinq marches menant au rez-de-chaussée ; la porte s’est encore ouverte toute seule. « Meurtrier, meurtrier ! » a retenti dans le salon. Une poignée de secondes plus tard, autre chose a dévalé les escaliers : mon père furieux. J’ai juste eu le temps de cacher mes lunettes et de grimper sur mon lit. Alors que ce salaud me corrigeait, il me hurlait qu’il n’était pas un meurtrier ! J’ai crié que ce n’était pas moi, que c’était la chose du plafond ! Son poing s’est figé net. Il m’a sondé de son regard exorbité avant de tourner tout doucement la tête vers le plafond. Il est resté une bonne minute comme ça, le nez en l'air, le visage grimaçant, la respiration saccadée. Il a marmonné une bouillie de mots, m’a de nouveau regardé, puis il est reparti sans plus rien dire. C’était l’horreur.
Le lendemain matin, avant le petit déjeuner, j’ai eu le droit à un interrogatoire digne de la Gestapo. Toutes les questions portaient sur ce que j’avais vu, entendu, à quelle heure, quand, comment. Malgré les taloches, je ne leur ai rien dit. Ça me faisait plaisir de les voir paniquer, de voir la peur crisper leur visage. Restait à savoir pourquoi, ce qu’ils savaient, ce qu’ils me cachaient.
Mon père a filé au garage. Il est revenu avec une pioche, a traversé le salon puis s’est enfermé dans sa chambre. Des coups sourds ont commencé à faire vibrer le sol. Ma mère l’a rejoint et le suppliait d’arrêter. Cet enfoiré n’écoutait rien et continuait à frapper, à s’acharner sur le parquet. On a sonné à la porte d’entrée. C’était mon meilleur et seul ami. Je suis parti avec lui, heureux de quitter cette baraque de fous.
Didier, le père de mon pote, a téléphoné au mien pour que je déjeune avec eux. Personne n’a répondu alors je suis resté. Bien que je n’eusse absolument pas besoin d’entendre ça à ce moment-là de ma vie, Didier nous a raconté une histoire effrayante pendant que nous déjeunions : cinq ans auparavant, un riche fermier possédant de nombreuses terres dans la région avait disparu sans laisser de trace. Quelques mois après sa disparition, un pêcheur du dimanche dont la ligne s’était prise dans la vase de la rivière, a remonté… une tête dans un état de décomposition avancée. Les analyses génétiques ont confirmé qu’il s’agissait bien de la tête du fermier. Malgré de nombreuses recherches on n'a pas retrouvé son corps. J’ai cru que cette sordide histoire allait en rester là jusqu’à ce que le père de mon pote me susurre à l’oreille, comme s’il voulait que personne d’autre que moi n’entende la terrible conclusion de son récit : dès la confirmation de sa mort, les terres ont été vendues, sa ferme détruite et l’argent âprement disputé entre les héritiers dont l’un était mon père !
L’esprit plein de doutes je suis rentré en fin d’après-midi. Qui avait bien pu commettre ce meurtre si atroce ? Pourquoi n’étais-je au courant de rien ? Qui était ce membre éloigné de ma famille ? Avec ce qui s’était passé hier soir je me sentais très mal, mon esprit faisait de terribles rapprochements.
Mon malaise s’est amplifié quand j’ai découvert le salon de notre étincelante demeure sens dessus- dessous, la cuisine retournée, de la vaisselle cassée et des meubles pleins de poussière ! Je me suis dit qu’ils avaient dû se battre mais non, mes parents riaient à gorge déployée ! Ils s’en foutaient royalement et dansaient entre les meubles retournés, s’embrassaient sans aucune retenue ! Quand ma mère a enfin croisé mon regard ahuri, elle m’a même demandé si je voulais jouer avec elle ! Je ne comprenais rien de leur brusque changement d’attitude et je ne suis ressorti de ma chambre qu’après m’être enfilé plusieurs cachets de codéine. Au dîner, j’ai aussi halluciné car ma mère adepte de la cuisine équilibrée venait de faire livrer quatre énormes pizzas ! Je n’avais guère d’appétit mais eux se sont goinfrés comme jamais auparavant, buvaient de grands verres de coca en s’en foutant partout, pétaient et rotaient en se marrant comme des gamins. Entre deux bouchées ils me racontaient des morceaux de leur vie que je ne comprenais pas trop, des bribes incompréhensibles dont je me foutais royalement. Parfois ils s’arrêtaient et m’observaient fixement sans rien dire.
Mon malaise est redescendu de plusieurs crans quand mes parents ont été se coucher main dans la main, en train de pouffer, sûrement à l’idée de baiser. C’est la première fois que je les entendais faire l’amour. Plus tard j’ai appris que pousser des grognements de porc n’était pas faire l’amour. N’ayant aucune envie d’aller me coucher et préférant rester loin de ma chambre, j’ai regardé la télé jusqu’à finalement m’endormir.
« Meurtrier, meurtrier » ! Le seul réflexe qu’on peut avoir quand on se réveille en sursaut c’est de se jeter à terre. Les lumières du jardin qui passaient par les baies vitrées s’éteignaient, s’allumaient, ça faisait comme des flashs dans le salon. J’ai entendu la porte du sous-sol grincer et j’ai aussitôt regardé dans sa direction : une forme sombre boitait vers moi ; « Meurtrier, meurtrier ! », grondait-elle d’une voix caverneuse. Je me suis levé d’un bond et j’ai couru jusqu’à la cuisine où j’ai retiré un couteau de boucher du bloc posé sur le comptoir. Je me suis retourné et la forme était déjà là, face à moi ! C’était le corps décapité entrevu l’autre soir. Il restait là, sans bouger, sans m’attaquer. Ça puait le diable. Les flashs s’étaient accélérés, on aurait dit une nuit blindée d’éclairs avec de très brefs moments d’obscurité. C’est à ce moment que j’ai entendu une voix dans ma tête me demander de mettre mes lunettes. J’ai hésité quelques secondes puis je les ai retirées de la poche arrière de mon jean. Je les ai posées sur mon nez avec une certaine appréhension et ce que j’ai vu m'a sidéré : un vieil homme à l’air sympathique ! Toutefois, son corps couvert d’une salopette maculée de boue était un peu étrange, mal proportionné : des bras longs et maigres, un gros bide et des jambes dont l’une était plus courte que l’autre, formaient sa silhouette. Il s’est brusquement retourné et a traversé le salon en boitant jusqu’à la chambre de mes parents. Les flashs donnaient l’impression qu’il avançait par à-coups. J’entendais des chuchotements dans ma tête, des chuchotements me dire « Tes parents sont des monstres, tes parents m’ont tué, viens voir les monstres ! »
C’était effrayant, mais il fallait percer l’abcès, en avoir le cœur net, car l’attitude de mes parents aujourd’hui n’avait pas été normale, à condition bien sûr qu’un jour mes parents aient été normaux ! Mon cœur battait la chamade quand je me suis approché de leur chambre. Le vieil homme a attendu que je sois près de lui pour baisser la poignée de la porte.
Les gonds ont grincé comme un cri sinistre dans la nuit. Des grognements, peut-être des ronflements, se sont mélangés aux voix dans ma tête. « Regarde, regarde ! », me disaient-elles sans cesse. Et j’ai regardé…
Ce que j’ai ressenti cette nuit-là, c’était de la peur mélangée à de la haine. Ces êtres étaient enlacés l’un contre l’autre et grognaient à chaque respiration. Ils me dégoûtaient et m’effrayaient à la fois ! Les flashs me permettaient d’apercevoir leur peau rougeâtre, leurs bras terminés par trois serres et la maigreur de leurs jambes entourées d’une longue crinière noir jusqu’aux talons pointus. J’ai aussitôt retiré mes lunettes, mais cela n’a rien effacé ! Les monstres étaient là, mes parents étaient toujours là ! J’ai hurlé de peur et de rage et ils se sont redressés d’un seul coup ! J’ai alors vu leurs yeux ronds et laiteux, leur visage décharné, figé sur un large sourire percé de dents pointues d’un rouge éclatant !
Celui de gauche s'est levé et m’a demandé ce que je foutais dans sa chambre. C’était la voix de mon père ! C’était lui, il n’y avait plus de doute ! J’ai alors vu le vieil homme se jeter sur lui et le mordre, le frapper si fort que des bouillons de sang ont éclaboussé mon visage et mes vêtements. L’autre a voulu lui porter secours mais il s’est littéralement fait dépecer devant moi, mis en pièce avec je ne sais quel objet tranchant. C’était déjà trop pour moi, ma raison a vacillé et je me suis enfui le plus loin possible de cet enfer…
Je ne sais plus comment j’ai atterri à l’hôpital. Je suis resté plusieurs semaines en observation. Traumatisé, je n’ai retrouvé la parole que très tard mais je ne sais plus trop quand. Devant la porte de ma chambre, un policier assurait constamment ma protection. Sans doute avait-il peur que d’autres montres viennent se venger, me disais-je.
J’ai passé 22 ans en hôpital psychiatrique et j’ai passé 22 ans à clamer mon innocence. Enfin non, 20, car depuis 2 ans j’admets que c’est moi et que je regrette beaucoup beaucoup. Enfin c'était uniquement pour leur faire plaisir à tous ces monstres en blouse blanche, uniquement pour sortir de l'hôpital. Si on a retrouvé l’arme du crime, un couteau de boucher, on n’a jamais retrouvé les lunettes de mon grand-oncle. Ouais, le fermier était le frère de mon grand-père paternel, un vieil homme excentrique brouillé depuis plusieurs décennies avec sa famille. En société, il utilisait un faux nom pour qu’on lui foute la paix ! Je me demande qui a bien pu retrouver sa trace avant qu’on ne retrouve son cadavre décapité dans le ciment du plafond de ma chambre. On l’aurait mis là alors qu’il était déjà mort depuis 5 ans. Enfin ce n’est qu’un détail, vous connaissez la suite, il s’est vengé des monstres…
C était sympa je trouve, ensuite j'en suis qu à mon 7eme Creepypasta sur ce site...
RépondreSupprimerHey! C'était MON first (anonyme de 16H11)
SupprimerIl est de mon devoir d'arrêter la propagation de first ^^,
SupprimerMerci le grand le magnifique le beau le super le meilleur des commentaires le plus rapide de tous les firsteurs
SupprimerTu nous a sauvé des personnes de la Team "FIRST"
merci respect infiniment
Malheureusement, elle reviendra toujours...
SupprimerEt J'ai l'honneur d'annoncer MON FIRST FIRST! dsl il râlait que je le face. Sinon la fin est un peu rapide je sais pas, J'ai l'impression qu'il manque quelque chose
RépondreSupprimerJ'ai l'honneur de t'annoncer qu'on s'en bat les prunes :3
SupprimerCrazy Sweet Gaming Tu t'en bat les prune de quoi mon first ou mon avis
SupprimerSympa malgres que vers la fin je la trouve un peu brouillon, sa aurait été mieux qu'elle soit plus longue pour éviter les confusions
RépondreSupprimerIssou
SupprimerFIVE ! ouai eu pour la premiere fois depuit que je suis sur se forum eu
RépondreSupprimer... j'ai pas compri ,quelqun peu m'éxpliquer le délire ?
T'es pas sur le forum t'es sur le site l'ami.
SupprimerÇa a l'air d'un troll
SupprimerJ'ai pas super bien compris la fin quelqu'un peut m'expliquer ? SVP ?
RépondreSupprimersinon bueno pasta
En gros, d'après ce que moi je comprend, il a halluciné et a tué ses parents après l'histoire du père de son ami.
SupprimerOkééé merci
SupprimerLe fantôme du grand-oncle a tué les parents et après 20 ans à l'hopital psychatrique, il leur dit qu'il est le coupable car il veut sortir même si ce n'est pas lui.
SupprimerÇa va c'est cool.
RépondreSupprimerET VOILA COMME D'HA BITE UDE c'est trop court ;) comme ma bite.
RépondreSupprimerC'est charmant comme jeu de mot.
SupprimerJe m'attendais à une trollpasta... Et au final c'est peut être la creepypasta la plus wtf que j'ai jamais lut.
RépondreSupprimerJe suis absolument d'accord xD
SupprimerJe m'attendais à une trollpasta... Et au final c'est peut être la creepypasta la plus wtf que j'ai jamais lut.
RépondreSupprimerPour éclaircir la chose, j'ai voulu jouer sur l'irrationalité du narrateur, en me disant soit il est fou, soit il dit la vérité. J'espère que cela éclaircira la chose...
SupprimerIl y avait du potentiel, mais c'est devenu du n'importe quoi. Vraiment. Trop c'est trop x)
RépondreSupprimerSympa... dommage que ça part en cacahuète avec cette histoire de monstre.
RépondreSupprimerWow.
RépondreSupprimerJe fréquente ce site depuis maintenant 4 ans et c'est sûrement la creepypasta la plus WTF que j'ai jamais lu. Pour ceux qui n'aurait pas compris le narrateur avait des hallucinations et c'est lui qui a tué ses parents et non le "vieil homme" (ce dernier sortant de l'imagination débordante de notre jeune garçon).Et sinon cette creepypasta est bien écrite mais vraiment trop tirée en longueur, les descriptions ne s'arrêtent jamais et ont tendances à embrouiller le lecteur ce qui est fort dommage. Bonne creepy cela dit.
Aftersmill
Pas mal
RépondreSupprimerDésolé mais... J'ai déjà lu cette pasta dans un autre blog!!! x')
RépondreSupprimerC'est un peu le but des pastas d'être propagées.
SupprimerPas trop accrochée mais il y avait du potentiel, bien joué à l'auteur quand même.
RépondreSupprimerC'est vraiment géniale, ça faisait longtemps qu'une "bonne" creepy n'étais pas sortie (ce n'est que monous point de vue 😊 )
RépondreSupprimerCette creepy était bien écrit, mais je n'ai ressenti en la lissant, une bonne imagination et je ne pas dire le contraire. Mais il manque quelque chose je trouve.
RépondreSupprimerEcrite.*
SupprimerRien.*
RépondreSupprimerJ'ai problème mdrr.
Pourquoi le gars regrette d'avoir tué ses parents? Moi, des connards pareils je les aurais tués direct.
RépondreSupprimerÀ part ça, la creepy était géniale.
SupprimerMais qui a-t-il vraiment tué ?
SupprimerJ'ai vraiment aimé cette pasta que je trouve très bien racontée !
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