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mercredi 9 mars 2016

Dora the killer

Quand j'étais petit, nous avions une Wii à la maison, et je me rappelle avoir passé des après-midi entières à y jouer. Il y avait cependant un jeu qui m'a plus marqué que les autres. Un jeu qui en apparence, me semblait inoffensif. Un jeu qui, encore aujourd'hui, hante mes cauchemars. Pour comprendre, il faut remonter à loin, très loin, à l'époque de mes neuf ans.

Ce jour-là, je venais de terminer Super Mario Galaxy 2. Je m'en souviens comme d'un excellent jeu, et si je n'étais pas mécontent de l'avoir achevé, je ressentais surtout un grand vide, le genre de grand vide qui vous pèse sur le cœur quand vous savez que jamais vous ne retomberez sur un chef-d’œuvre pareil. Mais le soir-même, ma mère est rentrée du travail avec une boîte rectangulaire dont la vue a fait s'arquer mes sourcils : c'était un jeu Wii. Elle me l'a présentée, et lorsque j'ai vu la jaquette, j'ai regardé ma génitrice avec un air circonspect.

- Oui Tommy, je sais, ce genre de jeu n'est peut-être plus de ton âge. Mais une de mes collègues au boulot avait ce jeu qui traînait dans ses étagères, et plutôt que de le jeter, elle a préféré me le donner en pensant qu'il pourrait te plaire. Rien ne t'oblige à y jouer, mais tu sais qu'il est là si l'envie t'en prend.

A la fois incrédule et surpris, j'ai saisi « Dora et la princesse des neiges », et ma mère m'a adressé un sourire avant de filer dans la cuisine. J'ai soupiré, et avec un haussement d'épaules, l'ai rangé dans mon étagère à jeux Wii. Après tout, elle avait raison, je ne perdais rien à le garder, ça ajouterait toujours un jeu à ma collection déjà bien étoffée.

Le lendemain, après une matinée épuisante à faire un devoir d'anglais barbant, je suis descendu à la cuisine pour manger, et tout au long du repas, mon œil était curieusement attiré par la pochette blanche qui dépassait légèrement de mon étagère, comme si elle m'appelait. Sur le coup, je n'ai pas percuté que quelque chose d'étrange était potentiellement en train de se produire, et j'ai terminé mon repas avant de courir vers ma console. Mais là encore, j'avais beau me dire que je ferais mieux de refaire certains de mes jeux plutôt que de redescendre au stade de bébé et jouer à « Dora et la princesses des neiges », mon œil revenait irrémédiablement vers la jaquette dépassant légèrement de la rangée lorsqu'il parcourait l'étagère. Avec un soupir, je l'ai saisie, ouverte, et ai inséré le disque dans la console. Après tout, si le jeu était barbant, je le saurais dès la première minute, et en changerais. Ça ne me coûtait rien d'essayer, et si mes attentes inexistantes étaient fondées, et bien tant pis, on ne pourrait rien me reprocher.

L'écran s'est allumé sur Dora souriante, habillée façon esquimau, et j'ai sélectionné « Nouvelle partie ». J'ignorais à l'époque si c'était dû à un bug ou si toutes les versions du jeu commençaient ainsi, mais après ma sélection, il y a eu un fondu au noir sur une vaste étendue de neige, et tout au fond du paysage, devant sur une souche d'arbre, une petite silhouette semblait penchée sur quelque chose, quelque chose dont on aurait dit qu'elle arrachait les morceaux. Mais la cinématique n'a pas duré longtemps, et après un nouveau fondu, Dora est apparue à l'écran. Avec son grand sourire niais, elle a dit « Oh non ! Chipeur le renard a emmené la Princesse des neiges avec lui ! Veux-tu m'aider à la retrouver ? »
Deux options sont alors apparues à l'écran. « Oui » et « Non ». Sur le coup, j'ai trouvé ça amusant de pouvoir choisir « non » dans un jeu aussi enfantin, mais je me doutais que peu importe mon choix, je serais forcé d'aider Dora à aller sauver la princesse. Curieux, j'ai donc appuyé sur « Non ».
Aussitôt, l'écran s'est assombri, et Dora a fermé les yeux. A nouveau, sa voix s'est fait entendre.

« Tu ne veux donc pas m'aider à sauver mon amie de Chipeur... Il va lui faire du mal, tu sais ? Mais bon, d'accord. C'est toi qui choisis. »

Je n'en croyais pas mes oreilles. C'était bien la première fois que Dora l'exploratrice abandonnait l'une des ses missions, aussi niaises soient-elles. Agréablement surpris, j'ai appuyé sur « A » pour avoir la suite du dialogue. L'écran a retrouvé sa teinte originale, et Dora, rouvrant les yeux, a de nouveau parlé.

« Nous allons donc rentrer chez moi ! Pourrais-tu m'indiquer ma maison, s'il te plaît ? »

Une flèche bleue est alors apparue à l'écran, devant le paysage enneigé où la maison de la jeune fille était bien visible. Avant de cliquer, j'ai tout de même voulu faire ce que n'importe quel enfant de mon âge aurait fait devant un épisode de Dora ou un jeu tel que celui-ci, amusé par le fait que les développeurs de ce jeu, tout comme les réalisateurs du dessin animé, semblaient prendre leur public pour des imbéciles.

- Derrière toi, connasse !

Sans attendre de réponse particulière, j'ai alors tenté de bouger la flèche bleue, mais elle était comme bloquée. Peu à peu, de la glace l'a recouverte, la figeant sur l'écran. A nouveau, l'écran s'est assombri, et Dora a fermé les yeux. Elle a parlé. Mais avec une autre voix, caverneuse, sombre, éraillée... et terrifiante.

« Pourquoi personne ne me prend jamais au sérieux ? Pourquoi je suis toujours condamnée à ça, la petite fille gentille, débile ? Babouche... Véra... Mes « amis »... Ils ont tous payé le prix de leur irrespect... et toi... »

D'un coup, les yeux de Dora se sont rouverts, et un frisson de terreur m'a parcouru le corps. Ses pupilles étaient devenues deux billes noires dans ses orbites, et sa peau blanchissait à vue d’œil. Quant au sourire qu'elle affichait, il s'agrandissait de seconde en seconde en deux taillades horizontales et écarlates, partant de ses commissures jusqu'à ses joues, lui offrant un sourire de l'ange qui encore aujourd'hui revient me hanter dès que je ferme les yeux. Elle a penché la tête sur le côté, et sa voix distordue s'est fait entendre de nouveau.

« Viens nous rejoindre, viens, viens... Toi aussi, tu finiras comme eux... »

D'un coup, l'écran a changé. J'étais en vue à la première personne, dans une pièce aux murs de pierre, entouré de cachots. Effrayé, j'ai malgré tout tourné mon personnage vers celui de droite. Mal m'en a pris. A l'intérieur, un renard qu'on avait bâillonné avec son propre bandeau bleu, et dont les bras et jambes, cloués sur le mur, formaient une croix parfaite avec le reste de son corps. Ses tripes étaient répandues sur le sol, et je pouvais malgré tout l'entendre répéter d'une voix étouffée derrière son entrave, encore et encore : « Vous ne m'attraperez jamais, vous ne m'attraperez jamais, jamais, jamais, jamais... Oh mince, vous m'avez attrapé... »

Dégoûté, j'ai tourné la vision de mon personnage du côté opposé, mais ce que j'y ai vu dépassait toute l'horreur de la scène à laquelle je venais d'être témoin. La Princesse des neiges était là, nue, derrière les barreaux, en train de se masturber frénétiquement avec l'un de ses yeux arrachés, qu'elle enfonçait par-a-coups dans la cavité tuméfiée et bordée d'engelures qu'elle avait entre les cuisses. En relevant les yeux, j'ai également constaté que sa mâchoire inférieure avait été arrachée, et que sa langue pendait mollement, faisant dégouliner des filets de bave sur son ventre décharné. A ce moment-là, j'aurais dû poser la manette. Poser la manette, et détruire ce jeu maudit. Mais je ne pouvais pas. Quelque chose m'incitait à continuer, quelque chose de plus puissant que moi. Alors, je me suis retourné en réprimant un haut-le-cœur, et j'ai constaté que si tout à l'heure, il n'y avait rien sur le mur en face de moi, il s'y trouvait maintenant une large porte en bois. J'ai avancé vers celle-ci et elle s'est ouverte d'elle même, révélant une petite pièce aux murs couverts d'une substance verte. Dora était là, penchée sur une enclume en face d'une cheminée, en train de faire des mouvements frénétiques, à la manière de ce que j'avais vu dans la scène d'introduction. Je me suis approché, et j'ai constaté avec horreur que c'était Babouche qui se tenait sur l'enclume, les yeux arrachés et les lèvres cousues. Dora était en train de le démembrer morceau par morceau avec une joie folle, et le petit singe, plutôt que de hurler de douleur, semblait presque jubiler, poussant de petits cris qui, quand j'y repense aujourd'hui, s'apparentaient à des jouissements profonds.

Après quelques secondes, Dora s'est arrêtée, et s'est tournée vers moi, le regard fou et le sourire maladif. Elle avait un couteau dans la main droite. Quand elle a ouvert la bouche, je savais que ce ne serait pas pour me demander si je voyais les flammes derrière elle.
« Tu sais depuis combien de temps j'existe ? Depuis combien de temps j'aurais dû grandir ? Depuis combien de temps je devrais être considérée comme une adulte ? Je veux qu'on me respecte. Je veux travailler, je veux aller faire mes courses, je veux me faire baiser. Eux, ils ne s'en rendent pas compte, de ça. Alors je fais en sorte qu'ils ressentent enfin ce qu'ils devraient ressentir, qu'ils sachent qu'autre chose existe, en-dehors de ce paradis artificiel et enfantin. »

A ce mots, Dora s'est retournée vers Babouche, a brandi son couteau, et l'a enfoncé dans l'orifice anal de son « ami. » Aussitôt, il a hurlé de plaisir et de douleur mêlés, et la jeune fille a entamé des va-et-vient, dont l'intensité a augmenté à mesure que les cris du petit singe diminuaient. Finalement, il s'est tu à jamais, et Dora a levé son couteau ensanglanté vers moi.
« Rejoins-nous, Tommy. Rejoins-nous dans la jouissance éternelle, et la mort. Peux-tu m'indiquer où est le couteau ? Where is the knife, Tommy ? »

Pris d'une soudaine lubie, j'ai envoyé ma manette en plein sur l'écran, pile là où se situait le couteau, et dès que l'objet a touché la télévision, les plombs ont sauté. Suite à cet événement, j'ai brûlé ce jeu maudit, et je n'ai plus jamais touché à ma console.

Nonobstant les cauchemars, je pensais en avoir terminé avec cette histoire, vous voyez. Je pensais que c'était derrière moi. Mais si je vous parle de tout ça aujourd'hui, c'est parce qu'hier, le facteur m'a remis un colis que je n'attendais pas. Un colis qui contenait une pochette de jeu à la jaquette bien trop familière, sur laquelle quelqu'un avait marqué au feutre noir « Where is the knife, Tommy ? ».



2 commentaires:

  1. Est ce que cela sera disponible en format podcast ?

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  2. La série basée sur les creepypasta "channel zero" en a fait son thème principal pour leur quatrième saison il me semble, pour ceux que ça intéresserait.

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