Pendant plusieurs années j’ai exercé le métier de télé-conseiller. J’appelais toute la journée des gens pour essayer de leur vendre des trucs.
Je suis sûr que vous avez tous reçu au moins une fois dans votre vie ce genre d’appels. Un opérateur téléphonique, par exemple, qui essaye de vous vendre son forfait mobile.
On ne va pas se mentir, ce genre d’appels, on s’en passerait bien. On a tous eu envie - et moi le premier avant de passer de l’autre côté - d’envoyer bouler le mec ou la nana qui essayait de nous refourguer son offre. Bien souvent, la personne à l’autre bout du fil n’a d’ailleurs même pas le temps de terminer sa phrase d’intro qu’on a déjà raccroché ou qu’on lui a balancé un « ça m’intéresse pas, au revoir. »
Je ne supportais pas ce genre d’appels. Puis un jour, j’ai eu une offre d’emploi pour devenir ce mec qui appellerait des gens toute la journée. Quand j’ai pris mes premiers appels je me suis rendu compte de quelque chose. Beaucoup de personnes n’ont pas l’air d’avoir conscience que c’est un être humain qui les appelle. À croire qu’ils nous prennent pour des robots sans âme, sans cœur, et incapables d’éprouver des émotions. Je fais ce qu’on me dit, je suis la trame d’appel qu’on me donne, je ne décide pas de qui je dois ou non appeler. Du coup, je me suis souvent fait remballer et pas toujours très gentiment. Ce n’est pas le seul coté négatif du métier. C’est répétitif aussi. On rabâche toujours la même chose. Les journées sont souvent longues. Il y a quand même des points positifs. Quand je réussissais à vendre un abonnement quelconque à quelqu’un que je ne connaissais ni d’Adam ni d’Eve, j’avoue que j’étais envahi d’un sentiment de fierté. Ça n’effaçait pas complètement les désagréments mais je m’y étais fait à la longue. J’avais pris mes petites habitudes.
Et puis un jour, un appel a bouleversé ma vie. C’était il y a un environ un an. Cet appel m’a terrorisé. J’en ai perdu le sommeil pendant plusieurs semaines. J’avais déjà eu mon lot de bizarreries en plusieurs années de bons et loyaux services rendus à ma centrale d’appel. Mais là, j’ai flippé grave. À tel point que pour la première fois de ma carrière j’ai dû prendre un arrêt maladie de plusieurs semaines. J’étais traumatisé.
C’était un vendredi, c’était presque la fin de ma journée. Il devait être aux alentours de 19h30. On était en fin de fichier, du coup on avait beaucoup de répondeurs et pas mal d’attente entre les appels. J’attendais depuis trois minutes quand une fiche est enfin apparue. J’ai commencé comme d’habitude :
« Bonjour, Maxime du service commercial... »
L’homme à l’autre bout du téléphone m’a coupé en me disant d’arrêter tout de suite. Jusque là rien d’anormal, ça arrive souvent.
J’ai attendu une petite seconde pour écouter ce qu’il avait à me dire. En général les gens qui disent ça enchaînent en se plaignant soit des appels, soit affirment que cela ne les intéresse pas. Mais lui ne disait rien. J’entendais sa respiration, bruyante. Alors j’ai continué :
« Je vous appelle pour...
- Tais-toi, Maxime. »
L’énervement commençait à me gagner. C’était la fin de la journée, et même si j’avais l’habitude des gens irrespectueux, là, ça me tapait sur les nerfs. Il faut savoir qu’en tant que télé-conseillers nous avons des consignes et notamment celle de ne pas prendre de haut les clients, et que peu importe ce qu’ils nous disent nous devons toujours rester polis et courtois. Du coup, même si j’avais envie d’envoyer bouler ce crétin, je me suis contenté d’un :
« Monsieur, je m’excuse si... »
Il m’a coupé à nouveau.
« T’arrête pas de m’appeler Maxime. J’aime pas ça.
- C’est un logiciel qui vous appelle automatiquement, Monsieur, vous avez peut-être eu l’un de mes collègues.
- Non, je sais que c’est toi qui m’appelles tout le temps, Maxime. »
Tout en parlant et en l’écoutant je regardais l’historique des appels. J’ai commencé à me sentir mal à l’aise. Il avait raison, c’est moi qui l’appelais tout le temps. Dans l’historique c’était toujours mon nom et je l’avais toujours classé en répondeur. Donc il n’avait jamais répondu, c’était la première fois. Pour vous, ça ne vous paraît peut-être pas étrange tout ça. Mais je vous assure que c’était pas normal que ce soit toujours moi qui tombe sur ce type. Sur une plateforme d’appels, nous sommes plusieurs équipes. Dans la mienne on était presque une vingtaine. Les appels sont distribués aléatoirement par le logiciel aux télé-conseillers qui sont disponibles pour les prendre. Donc logiquement, il n’aurait pas dû y avoir que mon nom dans l’historique. Le logiciel l’avait déjà appelé huit fois ce mois-ci et c’était toujours moi qui l’avais eu. Pas une fois un de mes collègues l’avait eu.
J’ai essayé de me rassurer en me disant que c’était peut-être le logiciel qui avait un problème, ça n'aurait pas été la première fois. Le fait que mon nom apparaissait systématiquement, ça devait être un bug. Et puis le mec n’avait aucun moyen de savoir ça. Il voyait toujours le même numéro qui l’appelait, ça le saoulait. Il ne me visait pas spécialement.
« Si on vous contacte, c’est parce que... »
Il m’a de nouveau coupé :
« Je t’ai dit de te taire, Thomas. »
Là j’ai flippé. Maxime c’est un pseudo que j’utilise parmi plein d’autres, mon vrai prénom c’est Thomas. Comment il pouvait savoir ça ?
« Je suis Maxime, Monsieur... »
J’essayais de contrôler ma voix, je ne voulais pas laisser transparaître mon trouble.
« Non, tu es Thomas, et t’arrêtes pas de m’appeler. J’aime pas ça. Je vais m’assurer que ça n’arrive plus. »
J’étais pas très sûr de comprendre sa phrase, si c’était bien des menaces qu’il était en train de me faire. Mes yeux étaient rivés sur son nom, j’essayais de me souvenir si je le connaissais de quelque part, si c’était pas une mauvaise blague de la part d’un pote qui aurait reconnu ma voix. Mais j’avais beau chercher, son nom m’était complètement inconnu.
Il a continué :
« Je sais que tu m’appelles d’une centrale d’appels dans le nord de la France. »
C’était vrai aussi, mais je me rassurais comme je pouvais en me disant que le nord de la France c’était vague, et qu’à ma connaissance il y avait plusieurs entreprises différentes qui travaillaient dans le démarchage téléphonique.
Sauf qu’ensuite il m’a donné la ville exacte, et le nom de l’entreprise où je travaillais. Il m’a même détaillé mes horaires. J’étais en repos le jeudi d’après et il m’a dit qu’il me trouverait à ce moment-là.
J’avais qu’une envie, c’était de raccrocher. Sauf qu’on n’a pas le droit de raccrocher au nez d’un client. Aujourd’hui je me dis que si j’avais raccroché, on m’aurait rien reproché, c’était un cas exceptionnel. Mais à la place, je suis resté comme un con les yeux scotchés à l’ordinateur à continuer de l’écouter :
« Je vais te passer l’envie d’harceler les gens, ton écharpe bleu marine me sera bien utile pour te fermer ta grande gueule. »
Là, il a raccroché. J’étais tétanisé. Inutile de vous dire que j’avais bien une écharpe bleu marine.
Je suis resté sans rien faire pendant cinq bonnes minutes, les mains tremblantes. Mes collègues ont remarqué que ça n’allait pas et ils m’ont demandé ce qu'il se passait.
Les appels étant enregistrés, mon supérieur a écouté la conversation. J’espérais encore que c’était une blague, que mon supérieur allait me dire « C’est rien, t’inquiète pas ». Mais à la place, je l’ai vu se décomposer à mesure que l’enregistrement avançait. La police a été contactée. J’ai été interrogé, pour savoir si c’était bien sûr que je ne connaissais pas mon interlocuteur.
Il y a eu une enquête et j’ai refusé d’aller travailler par la suite. Mon médecin m’a mis en arrêt. J’étais sous surveillance policière, notamment le fameux jeudi où l’homme m’a dit qu’il me trouverait.
Il ne s’est rien passé ce jour-là. Ni les autres jours. L’enquête n’a abouti à rien, ils n’ont jamais réussi à retrouver le type. Le numéro que j’avais appelé n’était plus attribué, et le nom ne correspondait à aucun client ou ancien client de l’opérateur pour lequel je travaillais. Encore aujourd’hui, je n’ai aucune idée de qui était cet homme. J’ai dû prendre des médocs pour me calmer tellement j’étais stressé. J’étais obligé de prendre des somnifères pour pouvoir dormir. Je faisais toujours le même cauchemar : le gars débarquait chez moi pour me tuer.
Plusieurs semaines plus tard, j’ai remonté la pente et j’ai repris le travail. J’aurais pu changer, j’aurais peut-être même dû changer à ce moment-là. Mais je n’ai pas de diplôme, et je ne savais vraiment pas dans quoi d’autre je pourrais travailler.
Le premier jour et la première semaine se sont déroulés à peu près normalement. J’étais toujours angoissé, mais à un degré moindre que lors de mon arrêt maladie. Et puis, après plusieurs semaines, je m’étais à peu près remis de cette mauvaise expérience. Deux mois plus tard, j’ai changé de plateau, ce qui signifiait que j’allais travailler pour un autre opérateur. Avec d’autres collègues, on a eu quelques jours de formation et on s’est ensuite lancés pour les appels.
Deux semaines après ça, le cauchemar a recommencé. Vers 18h, une fiche m’est apparue. C’était le nom d’une femme.
J’ai commencé mon speech, cette fois je me faisais appeler Alexis.
On a soupiré à l’autre bout du téléphone. Rien d’anormal, c’est le genre de choses qui arrivent encore une fois très souvent. J’ai continué et j’ai présenté l’objet de mon appel, la fibre avait été installée dans sa ville.
« C’est encore toi, Thomas. »
C’était la même voix que l’autre fois. J’étais pétrifié, incapable de faire un geste ou de dire un mot. Comment se faisait-il que je retombais sur ce taré ? Ce n’était pas le même nom, j’en étais certain. J’avais été assez traumatisé pour ne pas l’oublier. Il a continué :
« J’ai raté notre rendez-vous, tu étais trop entouré. J’ai pensé un court instant à être clément. Mais ça fait six fois que tu me rappelles, Thomas. Je ne vais pas laisser passer ça. À bientôt. »
Il a raccroché. J’ai consulté l’historique des appels, et encore une fois, il avait raison. Je l’avais appelé cinq fois avant aujourd’hui et je l’avais toujours classé en répondeur. Le cauchemar se répétait.
J’ai de nouveau prévenu ma hiérarchie, il y a eu encore une enquête et sans surprise cela n’a rien donné. Impossible de retrouver cet homme.
J’ai pris la décision de démissionner ce jour-là. Je n’ai plus jamais remis les pieds dans une centrale d’appels.
Les semaines et les mois sont passés, j’avais trouvé du boulot dans une boutique comme vendeur. Je croyais en avoir fini avec tout ça quand un jour, un numéro masqué m’a appelé sur mon portable. J’ai décroché machinalement.
« Tu crois quand même pas que je t’ai oublié, Thomas ? Sympa ta veste en cuir. »
C’était lui. J’ai raccroché immédiatement. Il n’a pas essayé de me rappeler. J’ai cru que j’allais m’évanouir tellement j’étais terrorisé.
Comment avait-il eu mon numéro de portable ? Le plus terrifiant, c'est que j'avais effectivement une veste en cuir. Il était là, quelque part, et il me voyait. J'ai regardé autour de moi. Il y avait du monde, j'étais dans un centre commercial. Mais personne ne semblait me fixer ou m'observer.
Je me suis mêlé à la foule et, une fois hors du centre commercial, j'ai couru vers le commissariat le plus proche. Je me disais que si je courais assez vite, peu importe où ce mec était, j'arriverais à le semer. Une fois de plus, la police ne m'a été d'aucune aide. Impossible de tracer l’appel. Évidemment.
Suite à ça, j’ai changé de numéro et j’ai même déménagé dans une autre région, espérant que cela suffise pour échapper à ce cinglé. J’ai des crises d’angoisse quand mon téléphone sonne. J’ai même pensé un temps à ne plus avoir du tout de portable.
Cela fait cinq mois depuis ce dernier appel. Il ne s’est rien passé. J’essaye de me convaincre que c’est juste une blague de très mauvais goût. En ayant changé de numéro et déménagé, je me dis qu’il n’y a aucun moyen pour que ce type me retrouve.
Pourtant, si j’écris tout ça aujourd’hui, c'est parce que j'ai besoin d'aide. Depuis deux heures mon téléphone portable n’arrête pas de sonner. C’est un numéro masqué et j’ai beaucoup trop peur pour décrocher. On est en pleine nuit, et j'ose pas sortir de chez moi. Je suis sûr que c'est lui et qu'il m'observe de quelque part.
Je suis sûr que vous avez tous reçu au moins une fois dans votre vie ce genre d’appels. Un opérateur téléphonique, par exemple, qui essaye de vous vendre son forfait mobile.
On ne va pas se mentir, ce genre d’appels, on s’en passerait bien. On a tous eu envie - et moi le premier avant de passer de l’autre côté - d’envoyer bouler le mec ou la nana qui essayait de nous refourguer son offre. Bien souvent, la personne à l’autre bout du fil n’a d’ailleurs même pas le temps de terminer sa phrase d’intro qu’on a déjà raccroché ou qu’on lui a balancé un « ça m’intéresse pas, au revoir. »
Je ne supportais pas ce genre d’appels. Puis un jour, j’ai eu une offre d’emploi pour devenir ce mec qui appellerait des gens toute la journée. Quand j’ai pris mes premiers appels je me suis rendu compte de quelque chose. Beaucoup de personnes n’ont pas l’air d’avoir conscience que c’est un être humain qui les appelle. À croire qu’ils nous prennent pour des robots sans âme, sans cœur, et incapables d’éprouver des émotions. Je fais ce qu’on me dit, je suis la trame d’appel qu’on me donne, je ne décide pas de qui je dois ou non appeler. Du coup, je me suis souvent fait remballer et pas toujours très gentiment. Ce n’est pas le seul coté négatif du métier. C’est répétitif aussi. On rabâche toujours la même chose. Les journées sont souvent longues. Il y a quand même des points positifs. Quand je réussissais à vendre un abonnement quelconque à quelqu’un que je ne connaissais ni d’Adam ni d’Eve, j’avoue que j’étais envahi d’un sentiment de fierté. Ça n’effaçait pas complètement les désagréments mais je m’y étais fait à la longue. J’avais pris mes petites habitudes.
Et puis un jour, un appel a bouleversé ma vie. C’était il y a un environ un an. Cet appel m’a terrorisé. J’en ai perdu le sommeil pendant plusieurs semaines. J’avais déjà eu mon lot de bizarreries en plusieurs années de bons et loyaux services rendus à ma centrale d’appel. Mais là, j’ai flippé grave. À tel point que pour la première fois de ma carrière j’ai dû prendre un arrêt maladie de plusieurs semaines. J’étais traumatisé.
C’était un vendredi, c’était presque la fin de ma journée. Il devait être aux alentours de 19h30. On était en fin de fichier, du coup on avait beaucoup de répondeurs et pas mal d’attente entre les appels. J’attendais depuis trois minutes quand une fiche est enfin apparue. J’ai commencé comme d’habitude :
« Bonjour, Maxime du service commercial... »
L’homme à l’autre bout du téléphone m’a coupé en me disant d’arrêter tout de suite. Jusque là rien d’anormal, ça arrive souvent.
J’ai attendu une petite seconde pour écouter ce qu’il avait à me dire. En général les gens qui disent ça enchaînent en se plaignant soit des appels, soit affirment que cela ne les intéresse pas. Mais lui ne disait rien. J’entendais sa respiration, bruyante. Alors j’ai continué :
« Je vous appelle pour...
- Tais-toi, Maxime. »
L’énervement commençait à me gagner. C’était la fin de la journée, et même si j’avais l’habitude des gens irrespectueux, là, ça me tapait sur les nerfs. Il faut savoir qu’en tant que télé-conseillers nous avons des consignes et notamment celle de ne pas prendre de haut les clients, et que peu importe ce qu’ils nous disent nous devons toujours rester polis et courtois. Du coup, même si j’avais envie d’envoyer bouler ce crétin, je me suis contenté d’un :
« Monsieur, je m’excuse si... »
Il m’a coupé à nouveau.
« T’arrête pas de m’appeler Maxime. J’aime pas ça.
- C’est un logiciel qui vous appelle automatiquement, Monsieur, vous avez peut-être eu l’un de mes collègues.
- Non, je sais que c’est toi qui m’appelles tout le temps, Maxime. »
Tout en parlant et en l’écoutant je regardais l’historique des appels. J’ai commencé à me sentir mal à l’aise. Il avait raison, c’est moi qui l’appelais tout le temps. Dans l’historique c’était toujours mon nom et je l’avais toujours classé en répondeur. Donc il n’avait jamais répondu, c’était la première fois. Pour vous, ça ne vous paraît peut-être pas étrange tout ça. Mais je vous assure que c’était pas normal que ce soit toujours moi qui tombe sur ce type. Sur une plateforme d’appels, nous sommes plusieurs équipes. Dans la mienne on était presque une vingtaine. Les appels sont distribués aléatoirement par le logiciel aux télé-conseillers qui sont disponibles pour les prendre. Donc logiquement, il n’aurait pas dû y avoir que mon nom dans l’historique. Le logiciel l’avait déjà appelé huit fois ce mois-ci et c’était toujours moi qui l’avais eu. Pas une fois un de mes collègues l’avait eu.
J’ai essayé de me rassurer en me disant que c’était peut-être le logiciel qui avait un problème, ça n'aurait pas été la première fois. Le fait que mon nom apparaissait systématiquement, ça devait être un bug. Et puis le mec n’avait aucun moyen de savoir ça. Il voyait toujours le même numéro qui l’appelait, ça le saoulait. Il ne me visait pas spécialement.
« Si on vous contacte, c’est parce que... »
Il m’a de nouveau coupé :
« Je t’ai dit de te taire, Thomas. »
Là j’ai flippé. Maxime c’est un pseudo que j’utilise parmi plein d’autres, mon vrai prénom c’est Thomas. Comment il pouvait savoir ça ?
« Je suis Maxime, Monsieur... »
J’essayais de contrôler ma voix, je ne voulais pas laisser transparaître mon trouble.
« Non, tu es Thomas, et t’arrêtes pas de m’appeler. J’aime pas ça. Je vais m’assurer que ça n’arrive plus. »
J’étais pas très sûr de comprendre sa phrase, si c’était bien des menaces qu’il était en train de me faire. Mes yeux étaient rivés sur son nom, j’essayais de me souvenir si je le connaissais de quelque part, si c’était pas une mauvaise blague de la part d’un pote qui aurait reconnu ma voix. Mais j’avais beau chercher, son nom m’était complètement inconnu.
Il a continué :
« Je sais que tu m’appelles d’une centrale d’appels dans le nord de la France. »
C’était vrai aussi, mais je me rassurais comme je pouvais en me disant que le nord de la France c’était vague, et qu’à ma connaissance il y avait plusieurs entreprises différentes qui travaillaient dans le démarchage téléphonique.
Sauf qu’ensuite il m’a donné la ville exacte, et le nom de l’entreprise où je travaillais. Il m’a même détaillé mes horaires. J’étais en repos le jeudi d’après et il m’a dit qu’il me trouverait à ce moment-là.
J’avais qu’une envie, c’était de raccrocher. Sauf qu’on n’a pas le droit de raccrocher au nez d’un client. Aujourd’hui je me dis que si j’avais raccroché, on m’aurait rien reproché, c’était un cas exceptionnel. Mais à la place, je suis resté comme un con les yeux scotchés à l’ordinateur à continuer de l’écouter :
« Je vais te passer l’envie d’harceler les gens, ton écharpe bleu marine me sera bien utile pour te fermer ta grande gueule. »
Là, il a raccroché. J’étais tétanisé. Inutile de vous dire que j’avais bien une écharpe bleu marine.
Je suis resté sans rien faire pendant cinq bonnes minutes, les mains tremblantes. Mes collègues ont remarqué que ça n’allait pas et ils m’ont demandé ce qu'il se passait.
Les appels étant enregistrés, mon supérieur a écouté la conversation. J’espérais encore que c’était une blague, que mon supérieur allait me dire « C’est rien, t’inquiète pas ». Mais à la place, je l’ai vu se décomposer à mesure que l’enregistrement avançait. La police a été contactée. J’ai été interrogé, pour savoir si c’était bien sûr que je ne connaissais pas mon interlocuteur.
Il y a eu une enquête et j’ai refusé d’aller travailler par la suite. Mon médecin m’a mis en arrêt. J’étais sous surveillance policière, notamment le fameux jeudi où l’homme m’a dit qu’il me trouverait.
Il ne s’est rien passé ce jour-là. Ni les autres jours. L’enquête n’a abouti à rien, ils n’ont jamais réussi à retrouver le type. Le numéro que j’avais appelé n’était plus attribué, et le nom ne correspondait à aucun client ou ancien client de l’opérateur pour lequel je travaillais. Encore aujourd’hui, je n’ai aucune idée de qui était cet homme. J’ai dû prendre des médocs pour me calmer tellement j’étais stressé. J’étais obligé de prendre des somnifères pour pouvoir dormir. Je faisais toujours le même cauchemar : le gars débarquait chez moi pour me tuer.
Plusieurs semaines plus tard, j’ai remonté la pente et j’ai repris le travail. J’aurais pu changer, j’aurais peut-être même dû changer à ce moment-là. Mais je n’ai pas de diplôme, et je ne savais vraiment pas dans quoi d’autre je pourrais travailler.
Le premier jour et la première semaine se sont déroulés à peu près normalement. J’étais toujours angoissé, mais à un degré moindre que lors de mon arrêt maladie. Et puis, après plusieurs semaines, je m’étais à peu près remis de cette mauvaise expérience. Deux mois plus tard, j’ai changé de plateau, ce qui signifiait que j’allais travailler pour un autre opérateur. Avec d’autres collègues, on a eu quelques jours de formation et on s’est ensuite lancés pour les appels.
Deux semaines après ça, le cauchemar a recommencé. Vers 18h, une fiche m’est apparue. C’était le nom d’une femme.
J’ai commencé mon speech, cette fois je me faisais appeler Alexis.
On a soupiré à l’autre bout du téléphone. Rien d’anormal, c’est le genre de choses qui arrivent encore une fois très souvent. J’ai continué et j’ai présenté l’objet de mon appel, la fibre avait été installée dans sa ville.
« C’est encore toi, Thomas. »
C’était la même voix que l’autre fois. J’étais pétrifié, incapable de faire un geste ou de dire un mot. Comment se faisait-il que je retombais sur ce taré ? Ce n’était pas le même nom, j’en étais certain. J’avais été assez traumatisé pour ne pas l’oublier. Il a continué :
« J’ai raté notre rendez-vous, tu étais trop entouré. J’ai pensé un court instant à être clément. Mais ça fait six fois que tu me rappelles, Thomas. Je ne vais pas laisser passer ça. À bientôt. »
Il a raccroché. J’ai consulté l’historique des appels, et encore une fois, il avait raison. Je l’avais appelé cinq fois avant aujourd’hui et je l’avais toujours classé en répondeur. Le cauchemar se répétait.
J’ai de nouveau prévenu ma hiérarchie, il y a eu encore une enquête et sans surprise cela n’a rien donné. Impossible de retrouver cet homme.
J’ai pris la décision de démissionner ce jour-là. Je n’ai plus jamais remis les pieds dans une centrale d’appels.
Les semaines et les mois sont passés, j’avais trouvé du boulot dans une boutique comme vendeur. Je croyais en avoir fini avec tout ça quand un jour, un numéro masqué m’a appelé sur mon portable. J’ai décroché machinalement.
« Tu crois quand même pas que je t’ai oublié, Thomas ? Sympa ta veste en cuir. »
C’était lui. J’ai raccroché immédiatement. Il n’a pas essayé de me rappeler. J’ai cru que j’allais m’évanouir tellement j’étais terrorisé.
Comment avait-il eu mon numéro de portable ? Le plus terrifiant, c'est que j'avais effectivement une veste en cuir. Il était là, quelque part, et il me voyait. J'ai regardé autour de moi. Il y avait du monde, j'étais dans un centre commercial. Mais personne ne semblait me fixer ou m'observer.
Je me suis mêlé à la foule et, une fois hors du centre commercial, j'ai couru vers le commissariat le plus proche. Je me disais que si je courais assez vite, peu importe où ce mec était, j'arriverais à le semer. Une fois de plus, la police ne m'a été d'aucune aide. Impossible de tracer l’appel. Évidemment.
Suite à ça, j’ai changé de numéro et j’ai même déménagé dans une autre région, espérant que cela suffise pour échapper à ce cinglé. J’ai des crises d’angoisse quand mon téléphone sonne. J’ai même pensé un temps à ne plus avoir du tout de portable.
Cela fait cinq mois depuis ce dernier appel. Il ne s’est rien passé. J’essaye de me convaincre que c’est juste une blague de très mauvais goût. En ayant changé de numéro et déménagé, je me dis qu’il n’y a aucun moyen pour que ce type me retrouve.
Pourtant, si j’écris tout ça aujourd’hui, c'est parce que j'ai besoin d'aide. Depuis deux heures mon téléphone portable n’arrête pas de sonner. C’est un numéro masqué et j’ai beaucoup trop peur pour décrocher. On est en pleine nuit, et j'ose pas sortir de chez moi. Je suis sûr que c'est lui et qu'il m'observe de quelque part.
Le patch anti First ça fait toujours plaisir. Sinon bonne pasta .
RépondreSupprimerC'est bien trouvé comme thème
RépondreSupprimerSuper sympa, surtout que je suis du Nord de la France... merci les mecs.
RépondreSupprimerMoi aussi je viens du Nord xD
SupprimerMoi aussi #RIP
SupprimerIdem Guys xD
SupprimerParis ça compte comme le nord ? xD
Supprimerj'ai addorer le theme ayant des paelles théléphonique a l'ongeur de temps chez moi !Bonne pasta bravo à l'auteur.
RépondreSupprimerC'est peut-être pour te donner des cours de français.
SupprimerEt si c'est le cas décroche.
Oh putain il a osé mdrrrr j'en peux plus
SupprimerOu peut-être est-il dyslexique et ce n'est pas de sa faute ?
SupprimerRrahh'l'bâtard !!!
SupprimerAnonyme du 2 mars...
SupprimerRespect...
Tu m'a tuée putain !!!:)
(Bon après c'est sûr que s'il est dyslexique... ça change tout)
Maintenant quand y aura des vendeur qui me appellerons je leur dirait de faire attention XD
SupprimerSuper pasta on ressent bien le stress du perso. Bravo et merci pour la pasta ^^
RépondreSupprimerBonne pasta!
RépondreSupprimerSuper pasta réaliste et c'est ça qui fait plaisir ;)
RépondreSupprimerAhah, moi aussi il y a un numéro masqué qui m'a appelé plusieurs fois d'affilés... Quand j'ai enfin décroché... j'ai entendu du JUL à l'autre bout du fil
RépondreSupprimerÇa c'est vraiment flippant xD
SupprimerÇa c'est vraiment flippant xD
SupprimerCelui qui a fait ça est un MONSTRE !!!
SupprimerSuper pasta ! Je pense qu'on a déjà tous eu envie de foutre une bonne trouille à ces em****eurs qui nous appellent à longueur de temps pour nous demander si on n'aurait pas besoin de volets roulants ou d'économies sur notre facture de gaz...
RépondreSupprimerTrès bonne pasta, j'etais à fond dedans aha
RépondreSupprimerSérieusement bravo à l'auteur parce que je trouve que cette pasta est assez stressante et bien écrite !
Je bosse sur une plateforme téléphonique . Dans le nord de la France ... sauf que je ne vends rien \o/ et mes clients sont plutôt sympathiques .
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerC'est plutôt cool d'avoir une pasta sur le thème de la téléphonie. :) Ce n'est certes pas nouveau dans le genre de l'horreur, mais l'auteur a fait du bon travail. J'ai dévoré le texte en deux temps, trois mouvements ; j'étais bien prise par l'histoire, l'atmosphère. Le récit n'est ni trop long, ni trop court. Puis, la chute est également bien trouvée ! ^^
RépondreSupprimerTrès bonne pasta ! Je suis agréablement surprise surtout que je pensais avoir déjà compris le dénouement mais au final je me suis trompée, bravo à l'auteur.
RépondreSupprimerÇa me rappelle quand un connard de type racaille avait trouvé mon numéro"par terre dans la rue"et me harcelait par téléphone.
RépondreSupprimerComme il cachait son numéro,je ne décrochais pas.
Et comme il avait oublié de cacher son numéro plusieurs fois,j'ai refilé le-dit numéro à plusieurs qui l'ont emmerdé en retour.
GG
SupprimerPour une fois je suis content que le protagoniste soit dans la merde, bien fait ahah
RépondreSupprimerBahf, je trouve pas cette pasta géniale, et j'ai la flemme de chercher des arguments
RépondreSupprimerbah ferme la
Supprimerlaisse le il a juste donné son avis
Supprimerc'était super constructif.
SupprimerBah ! Ferme ta gueule !
Supprimertu rages parce que t'es une victime? c'est triste
SupprimerPutain cet pasta est tellement génial que j'ai du mal à trouver d'argument...
RépondreSupprimerRespiciunt in statera!
RépondreSupprimerJ'ai toujours flipper des appels inconnus ou masqués surtout la nuit 🙈🙉🙊
RépondreSupprimerTrop bien cette pasta !! Bravo à l'auteur ! ;)
RépondreSupprimerBonjour à tous,
RépondreSupprimerIl y a eu, dernièrement, un bon nombre de creepypastas très simpa, généralement originales et d'une longueur qui permet de bien s'immerger dedans, qui ont été publiées.
Merci au staff pour votre investissement de temps.
ça fait bien plaisir de découvrir de nouvelles creepy, et de qualité !
Creepy bien sympa et qui me fait penser à un événement qui m'est arrivé :appel sur mon fixe, numéro ressemblant à ceux des plateformes téléphoniques. J'ai décroché, car je n'ai pas de répondeurs et étant à la recherche d'un stage, j'ai toujours le folle espoir que ce soit un(e) tuteur/tutrice potentielle. Bref. À l'autre bout du fil, personne n'a parlé. Mais j'ai entendu le son d'une boîte à musique.
RépondreSupprimerVoilà voilà.
Wo wo wo wo wooooooo.... Tu es tombée sur un cas rare xD
SupprimerJuste, bravo à l'auteur :D
RépondreSupprimerCette pasta est vraiment bien !
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerVraiment sympa, bravo :)
RépondreSupprimerWow. Alors la tension est là.
RépondreSupprimerBravo.
J'espère qu'il s'en est sorti...
Hanw, l'idée est vraiment sympa ! Je trouve cette pasta très bonne ; fluide, partant d'une idée originale et vraiment COOL. En plus, je vais pouvoir la faire lire à une amie qui travaille dans la téléprospection hinhin :3
RépondreSupprimerTrès bien racontée ! Je verrai bien cette pasta dans un episode de serie !
RépondreSupprimerCool ! Le mec au bout du fil fait bien bien flipper. Je verrai bien une suite à cette pasta
RépondreSupprimer