Dans ma famille, on a toujours été attirés par la mer. Cette attirance dépasse de loin le simple intérêt, c’est une vraie passion, une vocation familiale. Vous l’aurez compris, nous sommes des marins. Une profession qu’on hérite de génération en génération. Mes parents sont pêcheurs. Ma sœur, elle, s’est engagée dans la Marine Nationale. Quant à moi, je poursuis mes études afin d’intégrer la marine marchande.
Une nuit, j’étais seul avec mon père à bord de son bateau, nous avions décidé de passer une soirée entre père et fils en pleine mer. Nous avions un peu bu, beaucoup rigolé et nous comptions finalement rentrer chez nous. Mais, lorsque nous nous apprêtions à enfin partir, quelque chose dans la mer attira mon attention. Au début, j’avais du mal à distinguer ce que c’était, mais en me concentrant un peu, je remarquai qu’il s’agissait d’un bâtiment (un navire, pour les non-initiés). Jusque-là, il n’y a rien d’anormal à croiser des bateaux en mer, me direz-vous. Mais ici, le bateau en question disposait de trois grands mâts. En fait, je n’avais aucun doute sur le fait qu’il s’agissait d’une frégate, elle disposait en effet d’une rangée de canons que je pouvais maintenant parfaitement observer. Autre fait troublant, hormis celui qu’un navire de guerre d’un autre temps se trouvait devant mes yeux, une fumée épaisse émanait de la frégate, et j’avais l’étrange pressentiment qu’elle brûlait.
Devant cette scène effrayante, je me retournai vers mon père et l’interpellai. Je lui demandai ainsi de regarder dans la direction où se trouvait le bateau. Il regarda attentivement vers celle-ci, avant de me fixer droit dans les yeux en me rétorquant que j’avais trop bu. Croyez-le ou non, mais la frégate avait disparu. J’étais pourtant certain de ce que j’avais vu, et ce n’était pas l’alcool qui me faisait halluciner. Je lui ai alors décrit ce que j’avais vu au risque de passer pour un fou : un navire de plusieurs siècles qui brûlait.
Son sourire s’est vite effacé, il s’est ensuite assis et m’a invité à le rejoindre. Il m’a expliqué qu’une légende se transmettait de père en fils, de marin en marin : la légende du Masque Rouge. Lorsqu’il m’annonça ça, je laissai transparaître un léger sourire, mais lui paraissait très sérieux. Mon père est un très mauvais menteur, s’il m’avait menti, je l’aurais immédiatement su.
De ce que je compris, un de mes ancêtres aurait fait partie de l’équipage de Pierre Egron, un pirate aux multiples pseudonymes qui aurait sévi dans les Antilles. Pierre Egron, au premier abord, n’était pas destiné à une carrière en tant que pirate. Il était connu comme un homme bon et généreux. On dit qu’il tenait dans sa jeunesse une taverne qui avait rencontré un fort succès, il y avait alors engagé ses deux filles et sa femme pour le service. Mais durant l’une de ses absences, la taverne fut incendiée et la famille Egron retrouvée calcinée. À partir de ce jour, Pierre sombra dans la folie et plus personne n'eut de ses nouvelles.
Quelques années plus tard, dans les eaux antillaises, une certaine frégate fut repérée. Le nom des bâtiments étant indiqué sur le flanc de la coque, celui de ce navire a donc rapidement été identifié : Le Purgatoire. Le Purgatoire et son équipage avaient terrassé plusieurs navires marchands. Le plus inquiétant résidait dans l'équipage, que des rumeurs décrivaient comme monstrueux, mené d'une main de fer par un capitaine portant un intriguant masque rouge. Un simple masque rouge laissant uniquement visibles ses yeux et dissimulant ainsi son nez et sa bouche, lui donnant le surnom de Masque Rouge. Les capitaines souhaitant garder l'anonymat étaient vraiment rares, surtout dans ces temps.
Évidemment, à cette époque la piraterie était courante, mais ce cas-là était un peu plus spécial. Ici, les hommes de Masque Rouge avaient réitéré un même schéma à de nombreuses reprises : après avoir abordé le bateau ciblé et avoir pillé toutes ses richesses, ces derniers décimaient l’ensemble de l’équipage adverse. Tout l’équipage ? Non, car en réalité, d'autres rumeurs circulaient dans les ports. D’après elles, l’équipage du Purgatoire laisserait un choix à une unique personne dans chaque équipage vaincu.
Ce choix, ce n'était pas le fameux capitaine du Purgatoire qui le posait au prisonnier. Il était généralement posé par un des anciens de l'équipage. Masque Rouge ne parlait jamais, puisqu'un simple regard lui suffisait pour se faire comprendre. Le dilemme reposait sur une simple question, trois mots, que j'ai retournés sans cesse dans mon esprit : « Enfer ou Purgatoire ? ». Dit comme ça, ça ne veut pas dire grand-chose, bien sûr. Mais en réalité, deux options s’offraient au prisonnier : la première proposition n'était pas très avantageuse, car s’il choisissait l’Enfer, on lui réservait un triste sort; il serait brûlé vif jusqu’à sa mort, et son corps calciné serait hissé en haut de l'un des 3 mâts. Ainsi, le choix du Purgatoire était en fait beaucoup plus intéressant, car il permettait au prisonnier de devenir un membre à part entière de l’équipage du Purgatoire.
Je me souviens avoir interrompu mon père à ce moment là.
« Un choix ? », m’étonnais-je.
Cette question n’avait rien d’un choix. Nulle personne censée ne choisirait de brûler vive alors qu’elle pouvait tout simplement survivre en rejoignant un équipage.
Il fronça les sourcils. Je regrettai immédiatement ma question stupide, et il me répondit d’un ton agacé :
« Oui, il y a bien un choix, j’y viens. »
Il reprit donc. Le choix du Purgatoire impliquait une contrainte majeure, car l’homme devait choisir une partie de son corps à sacrifier. Oui, sacrifier est le bon mot. Le membre choisi était alors entièrement brûlé. Ce rituel n'était jamais oublié puisque les marins sadiques du Purgatoire appréciaient de rendre la douleur qu'ils avaient subie auparavant. En fait, c’est ce qui faisait la singularité de l’équipage, chacun d’entre eux était un grand brûlé : parfois une jambe, un bras ou encore le dos d'un marin, qui était consumé par le feu. Mais l'exécution de ce rituel entraînait le plus fréquemment la mort, puisque certains ne se remettaient pas de la blessure, quand d'autres encore devenaient fous. C’était donc ça, le vrai choix imposé par Masque Rouge, la dure décision de la partie de son corps dont on souhaitait se défaire. Masque Rouge ne se lassait jamais de ce genre de spectacles, il n'en perdait pas une miette, même si, encore aujourd'hui, on ne sait toujours pas si c'est l'odeur de la chair brûlée, durablement installée au bord du navire, ou les cris de la victime qui lui plaisait le plus. L'ensemble des marins officiant dans les Antilles était terrifié de croiser un jour le Purgatoire.
Mais, comme je l’ai dit précédemment, mon récit a comme source l'un de mes ancêtres, Edouard. En effet, il eut la malchance de croiser la route de Masque Rouge et de son macabre équipage, mais qui put, malgré tout, nous rapporter beaucoup d'éléments relatifs à ce dernier. Son bateau de pêcheur fut pris pour cible par l'équipage des grands brûlés. Sans surprise, l’ensemble de ses collègues fut exécuté, sauf lui évidemment, puisque Masque Rouge l’avait désigné du doigt comme le prisonnier. On lui proposa alors, comme prévu, l’Enfer ou le Purgatoire. Edouard aurait répondu sans aucune hésitation, le Purgatoire.
Ils placèrent donc son bras au-dessus d’un feu de soufre pendant 30s. Son membre s’embrasa complètement. Lorsque le feu fut enfin calmé, le bras de mon aïeul était méconnaissable. Il resta cloué dans sa couchette pendant plusieurs journées avant d’être opérationnel de nouveau. Cette réaction était, paraît-il, assez commune. Ceux qui avaient surmonté l’épreuve avaient, de ce fait, réussi le rituel d’initiation de Masque Rouge. Il faisait partie intégrante de la troupe d'immolés.
Edouard navigua ainsi pendant des années aux côtés de Masque Rouge, enchaînant les abordages, les pillages et, je n’en doute pas, les meurtres. Ce dernier était toujours isolé, dans sa cabine ou sur la dunette. Masque Rouge était vraiment craint de ses hommes, sa cruauté était réputée sans limite.
Petit à petit, les agissements du capitaine, sa cruauté et tous les sévices qu’il avait pu infliger à son équipage ont participé à une accumulation de rancœur, et l’idée d’une potentielle vengeance avait vite émergé. Un jour, l’inévitable se produisit, et toute la haine de l’équipage envers son capitaine éclata lors d’une mutinerie. Beaucoup reprochaient à Masque Rouge d’être le seul à ne pas avoir été confronté à son supplice, et tout l’équipage était bien décidé à y remédier.
L’équipage s’était ainsi rassemblé sur le pont principal, faisant maintenant face à la cabine de Masque Rouge, qui lui était, comme à son habitude, seul dans la cabine supérieure. Elle surplombait la totalité du pont principal. Masque Rouge était un homme intimidant, peu de membres de son équipage, même les plus robustes, voulaient réellement s’engager dans le long escalier menant au capitaine.
Alors que l’un des estropiés allait être désigné par défaut par la troupe de mutilés, Masque Rouge sortit de sa cabine, accompagné de son fidèle masque écarlate, dévisageant son équipage pendant un long moment, toujours calme, sans dire un mot.
En voyant Masque Rouge sortir de sa cabine, Edouard prit l'une des décisions les plus importantes de sa vie. Il s’engagea dans l'effrayant escalier en bois grinçant, tout en fixant le capitaine droit dans les yeux. Chaque marche franchie le rapprochait de ce dernier, la tête de Masque Rouge devenant de plus en plus nette, et il pouvait maintenant parfaitement observer une peau fripée, complètement écarlate : une peau déformée par la brûlure. On ne pouvait même plus distinguer ses lèvres, seuls ses yeux bleus étaient intacts. Edouard racontait qu'il avait senti son cœur s'arrêter, et qu'il aurait préféré mourir plutôt que de franchir l'une des dernières marches le séparant de Masque Rouge.
En voyant son mutin se décomposer de terreur, Masque Rouge sourit, laissant paraître des dents anormalement jaunes. L’horreur s’était installée parmi l’équipage, encore spectateur de la scène. Personne ne s’était douté qu’il puisse s’agir de son vrai visage, et non pas d’un masque.
Maintenant, tout le monde connaissait le choix du capitaine, il n’avait pas choisi de se brûler un bras ou une jambe. Non. Il avait choisi de se détruire le visage.
La mutinerie prit immédiatement fin.
Masque Rouge n’avait pas dû supporter la mutinerie, puisque pendant la nuit suivant la tentative, il mit le feu aux barils de poudre dans la cale, déclenchant alors un immense incendie.
Je ne connais pas le nombre exact de morts lors de ce drame, mais il paraît qu’il n’y eut pas plus de dix survivants. D’ailleurs, personne ne sait ce qu’il est advenu de Masque Rouge. Son corps n'a jamais été retrouvé.
Pierre Egron est l’hypothèse la plus probable quant à l’identité de Masque Rouge, son vécu et toutes les dates coïncident parfaitement entre elles.
Cette histoire a donc donné vie à une légende connue seulement de rares marins, dont ma famille. Car si l’on voit au large une frégate en feu, il s’agit du Purgatoire de Masque Rouge. Et elle serait le présage d’une très mauvaise nouvelle, celle d’un incendie qui toucherait celui l'ayant vue.
Un long silence se fit entendre après qu’il ait prononcé les derniers mots de la légende. Je me sentais mal. Mon père avait toujours été superstitieux mais il s’efforçait de rester rationnel. Nous finîmes par rentrer, toujours dans un silence pesant. Je me rassurai comme je le pouvais, ce n’était qu’une légende après tout.
Pourtant, en rentrant chez nous, aucun de nous deux ne fut surpris de retrouver notre immeuble en feu. Je ne suis pas superstitieux, mais je ne crois pas aux coïncidences non plus.
Une nuit, j’étais seul avec mon père à bord de son bateau, nous avions décidé de passer une soirée entre père et fils en pleine mer. Nous avions un peu bu, beaucoup rigolé et nous comptions finalement rentrer chez nous. Mais, lorsque nous nous apprêtions à enfin partir, quelque chose dans la mer attira mon attention. Au début, j’avais du mal à distinguer ce que c’était, mais en me concentrant un peu, je remarquai qu’il s’agissait d’un bâtiment (un navire, pour les non-initiés). Jusque-là, il n’y a rien d’anormal à croiser des bateaux en mer, me direz-vous. Mais ici, le bateau en question disposait de trois grands mâts. En fait, je n’avais aucun doute sur le fait qu’il s’agissait d’une frégate, elle disposait en effet d’une rangée de canons que je pouvais maintenant parfaitement observer. Autre fait troublant, hormis celui qu’un navire de guerre d’un autre temps se trouvait devant mes yeux, une fumée épaisse émanait de la frégate, et j’avais l’étrange pressentiment qu’elle brûlait.
Devant cette scène effrayante, je me retournai vers mon père et l’interpellai. Je lui demandai ainsi de regarder dans la direction où se trouvait le bateau. Il regarda attentivement vers celle-ci, avant de me fixer droit dans les yeux en me rétorquant que j’avais trop bu. Croyez-le ou non, mais la frégate avait disparu. J’étais pourtant certain de ce que j’avais vu, et ce n’était pas l’alcool qui me faisait halluciner. Je lui ai alors décrit ce que j’avais vu au risque de passer pour un fou : un navire de plusieurs siècles qui brûlait.
Son sourire s’est vite effacé, il s’est ensuite assis et m’a invité à le rejoindre. Il m’a expliqué qu’une légende se transmettait de père en fils, de marin en marin : la légende du Masque Rouge. Lorsqu’il m’annonça ça, je laissai transparaître un léger sourire, mais lui paraissait très sérieux. Mon père est un très mauvais menteur, s’il m’avait menti, je l’aurais immédiatement su.
De ce que je compris, un de mes ancêtres aurait fait partie de l’équipage de Pierre Egron, un pirate aux multiples pseudonymes qui aurait sévi dans les Antilles. Pierre Egron, au premier abord, n’était pas destiné à une carrière en tant que pirate. Il était connu comme un homme bon et généreux. On dit qu’il tenait dans sa jeunesse une taverne qui avait rencontré un fort succès, il y avait alors engagé ses deux filles et sa femme pour le service. Mais durant l’une de ses absences, la taverne fut incendiée et la famille Egron retrouvée calcinée. À partir de ce jour, Pierre sombra dans la folie et plus personne n'eut de ses nouvelles.
Quelques années plus tard, dans les eaux antillaises, une certaine frégate fut repérée. Le nom des bâtiments étant indiqué sur le flanc de la coque, celui de ce navire a donc rapidement été identifié : Le Purgatoire. Le Purgatoire et son équipage avaient terrassé plusieurs navires marchands. Le plus inquiétant résidait dans l'équipage, que des rumeurs décrivaient comme monstrueux, mené d'une main de fer par un capitaine portant un intriguant masque rouge. Un simple masque rouge laissant uniquement visibles ses yeux et dissimulant ainsi son nez et sa bouche, lui donnant le surnom de Masque Rouge. Les capitaines souhaitant garder l'anonymat étaient vraiment rares, surtout dans ces temps.
Évidemment, à cette époque la piraterie était courante, mais ce cas-là était un peu plus spécial. Ici, les hommes de Masque Rouge avaient réitéré un même schéma à de nombreuses reprises : après avoir abordé le bateau ciblé et avoir pillé toutes ses richesses, ces derniers décimaient l’ensemble de l’équipage adverse. Tout l’équipage ? Non, car en réalité, d'autres rumeurs circulaient dans les ports. D’après elles, l’équipage du Purgatoire laisserait un choix à une unique personne dans chaque équipage vaincu.
Ce choix, ce n'était pas le fameux capitaine du Purgatoire qui le posait au prisonnier. Il était généralement posé par un des anciens de l'équipage. Masque Rouge ne parlait jamais, puisqu'un simple regard lui suffisait pour se faire comprendre. Le dilemme reposait sur une simple question, trois mots, que j'ai retournés sans cesse dans mon esprit : « Enfer ou Purgatoire ? ». Dit comme ça, ça ne veut pas dire grand-chose, bien sûr. Mais en réalité, deux options s’offraient au prisonnier : la première proposition n'était pas très avantageuse, car s’il choisissait l’Enfer, on lui réservait un triste sort; il serait brûlé vif jusqu’à sa mort, et son corps calciné serait hissé en haut de l'un des 3 mâts. Ainsi, le choix du Purgatoire était en fait beaucoup plus intéressant, car il permettait au prisonnier de devenir un membre à part entière de l’équipage du Purgatoire.
Je me souviens avoir interrompu mon père à ce moment là.
« Un choix ? », m’étonnais-je.
Cette question n’avait rien d’un choix. Nulle personne censée ne choisirait de brûler vive alors qu’elle pouvait tout simplement survivre en rejoignant un équipage.
Il fronça les sourcils. Je regrettai immédiatement ma question stupide, et il me répondit d’un ton agacé :
« Oui, il y a bien un choix, j’y viens. »
Il reprit donc. Le choix du Purgatoire impliquait une contrainte majeure, car l’homme devait choisir une partie de son corps à sacrifier. Oui, sacrifier est le bon mot. Le membre choisi était alors entièrement brûlé. Ce rituel n'était jamais oublié puisque les marins sadiques du Purgatoire appréciaient de rendre la douleur qu'ils avaient subie auparavant. En fait, c’est ce qui faisait la singularité de l’équipage, chacun d’entre eux était un grand brûlé : parfois une jambe, un bras ou encore le dos d'un marin, qui était consumé par le feu. Mais l'exécution de ce rituel entraînait le plus fréquemment la mort, puisque certains ne se remettaient pas de la blessure, quand d'autres encore devenaient fous. C’était donc ça, le vrai choix imposé par Masque Rouge, la dure décision de la partie de son corps dont on souhaitait se défaire. Masque Rouge ne se lassait jamais de ce genre de spectacles, il n'en perdait pas une miette, même si, encore aujourd'hui, on ne sait toujours pas si c'est l'odeur de la chair brûlée, durablement installée au bord du navire, ou les cris de la victime qui lui plaisait le plus. L'ensemble des marins officiant dans les Antilles était terrifié de croiser un jour le Purgatoire.
Mais, comme je l’ai dit précédemment, mon récit a comme source l'un de mes ancêtres, Edouard. En effet, il eut la malchance de croiser la route de Masque Rouge et de son macabre équipage, mais qui put, malgré tout, nous rapporter beaucoup d'éléments relatifs à ce dernier. Son bateau de pêcheur fut pris pour cible par l'équipage des grands brûlés. Sans surprise, l’ensemble de ses collègues fut exécuté, sauf lui évidemment, puisque Masque Rouge l’avait désigné du doigt comme le prisonnier. On lui proposa alors, comme prévu, l’Enfer ou le Purgatoire. Edouard aurait répondu sans aucune hésitation, le Purgatoire.
Ils placèrent donc son bras au-dessus d’un feu de soufre pendant 30s. Son membre s’embrasa complètement. Lorsque le feu fut enfin calmé, le bras de mon aïeul était méconnaissable. Il resta cloué dans sa couchette pendant plusieurs journées avant d’être opérationnel de nouveau. Cette réaction était, paraît-il, assez commune. Ceux qui avaient surmonté l’épreuve avaient, de ce fait, réussi le rituel d’initiation de Masque Rouge. Il faisait partie intégrante de la troupe d'immolés.
Edouard navigua ainsi pendant des années aux côtés de Masque Rouge, enchaînant les abordages, les pillages et, je n’en doute pas, les meurtres. Ce dernier était toujours isolé, dans sa cabine ou sur la dunette. Masque Rouge était vraiment craint de ses hommes, sa cruauté était réputée sans limite.
Petit à petit, les agissements du capitaine, sa cruauté et tous les sévices qu’il avait pu infliger à son équipage ont participé à une accumulation de rancœur, et l’idée d’une potentielle vengeance avait vite émergé. Un jour, l’inévitable se produisit, et toute la haine de l’équipage envers son capitaine éclata lors d’une mutinerie. Beaucoup reprochaient à Masque Rouge d’être le seul à ne pas avoir été confronté à son supplice, et tout l’équipage était bien décidé à y remédier.
L’équipage s’était ainsi rassemblé sur le pont principal, faisant maintenant face à la cabine de Masque Rouge, qui lui était, comme à son habitude, seul dans la cabine supérieure. Elle surplombait la totalité du pont principal. Masque Rouge était un homme intimidant, peu de membres de son équipage, même les plus robustes, voulaient réellement s’engager dans le long escalier menant au capitaine.
Alors que l’un des estropiés allait être désigné par défaut par la troupe de mutilés, Masque Rouge sortit de sa cabine, accompagné de son fidèle masque écarlate, dévisageant son équipage pendant un long moment, toujours calme, sans dire un mot.
En voyant Masque Rouge sortir de sa cabine, Edouard prit l'une des décisions les plus importantes de sa vie. Il s’engagea dans l'effrayant escalier en bois grinçant, tout en fixant le capitaine droit dans les yeux. Chaque marche franchie le rapprochait de ce dernier, la tête de Masque Rouge devenant de plus en plus nette, et il pouvait maintenant parfaitement observer une peau fripée, complètement écarlate : une peau déformée par la brûlure. On ne pouvait même plus distinguer ses lèvres, seuls ses yeux bleus étaient intacts. Edouard racontait qu'il avait senti son cœur s'arrêter, et qu'il aurait préféré mourir plutôt que de franchir l'une des dernières marches le séparant de Masque Rouge.
En voyant son mutin se décomposer de terreur, Masque Rouge sourit, laissant paraître des dents anormalement jaunes. L’horreur s’était installée parmi l’équipage, encore spectateur de la scène. Personne ne s’était douté qu’il puisse s’agir de son vrai visage, et non pas d’un masque.
Maintenant, tout le monde connaissait le choix du capitaine, il n’avait pas choisi de se brûler un bras ou une jambe. Non. Il avait choisi de se détruire le visage.
La mutinerie prit immédiatement fin.
Masque Rouge n’avait pas dû supporter la mutinerie, puisque pendant la nuit suivant la tentative, il mit le feu aux barils de poudre dans la cale, déclenchant alors un immense incendie.
Je ne connais pas le nombre exact de morts lors de ce drame, mais il paraît qu’il n’y eut pas plus de dix survivants. D’ailleurs, personne ne sait ce qu’il est advenu de Masque Rouge. Son corps n'a jamais été retrouvé.
Pierre Egron est l’hypothèse la plus probable quant à l’identité de Masque Rouge, son vécu et toutes les dates coïncident parfaitement entre elles.
Cette histoire a donc donné vie à une légende connue seulement de rares marins, dont ma famille. Car si l’on voit au large une frégate en feu, il s’agit du Purgatoire de Masque Rouge. Et elle serait le présage d’une très mauvaise nouvelle, celle d’un incendie qui toucherait celui l'ayant vue.
Un long silence se fit entendre après qu’il ait prononcé les derniers mots de la légende. Je me sentais mal. Mon père avait toujours été superstitieux mais il s’efforçait de rester rationnel. Nous finîmes par rentrer, toujours dans un silence pesant. Je me rassurai comme je le pouvais, ce n’était qu’une légende après tout.
Pourtant, en rentrant chez nous, aucun de nous deux ne fut surpris de retrouver notre immeuble en feu. Je ne suis pas superstitieux, mais je ne crois pas aux coïncidences non plus.
Bonne pasta, j’ai bien aimé ce côté légende/histoire.
RépondreSupprimerIl est arrivé la même chose à un ami le mois dernier. Il était parti en vacances et a aperçu une frégate en feu au large. Quand il est revenu, sa maison avait pris feu. Pauvre Quasimodo.
RépondreSupprimerC'est la première fois que je lis une pasta sur les pirates, c'était passionnant. Mes compliments à l'auteur.
RépondreSupprimerC'était génial.
RépondreSupprimerFranchement, elle est très efficace cette pasta et très bien écrite, j'dis bravo à l'auteur.
RépondreSupprimerVraiment cool, la structure est bien trouvée, l'orthographe ne brûle pas les yeux et on aborde un thème peu commun pour les Creepypastas (il me semble).
RépondreSupprimerDu très bon travail donc, bien joué!
Excellente pasta, bien écrite et qui garde en haleine jusqu'à la fin !
RépondreSupprimerJe suis la seule à trouver que ça ferait un super film ? :D
Cz fait très Pirate des Caraïbes, mais j'ai bien aimé. Par contre, pourquoi tous les personnages de l'histoire sont les ancêtres du narrateur ?
RépondreSupprimerLe masque/peau était prévisible, la malédiction de ceux qui le voient aussi et tout le blabla, peut-etre certains passages trop rapides mais sinon très bonne pasta ;)
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