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lundi 29 août 2022

Déchronologies Estivales : Les Cœurs de la Jeunesse


Temps approximatif de lecture : 7 minutes. 

Il y a certains moments de ma vie dont je me souviens plus particulièrement ; je veux dire des détails vraiment très précis. Je ne sais pas si on peut dire qu'il s'agit d’une bénédiction, ou même d’une malédiction, puisqu’il y en a certains que j’aimerais voir passer aux oubliettes. Le plus significatif d’entre eux était sans doute cette pièce de théâtre.

Je reste plutôt vague quand je dis « cette » pièce, étant donné que j’ai assisté à de nombreuses représentations théâtrales dans ma vie. Les films m’ont souvent ennuyés, et puis il y avait quelque chose sur scène qui rendait l’expérience différente. Les acteurs (pour peu qu’ils soient bons) rendaient l’expérience tellement plus réelle à mes yeux, et depuis que j’ai assisté à ma première représentation - quand je n’étais encore qu’un jeune garçon – je suis accro. 

J’ai fini par déménager en ville, et j’ai assisté à des pièces autant de fois que j’ai pu. Certaines peuvent être assez coûteuses mais l’argent n’a jamais été un obstacle entre moi et mes loisirs. Toutefois, j’ai été particulièrement intéressé quand j’ai vu l’affiche pour « Les Cœurs de la Jeunesse ». J’avais vu cette affiche dans la rue, pas loin du théâtre populaire de la ville. A vrai dire, ce qui a le plus attiré les spectateurs était la gratuité de la représentation. Evidemment, cela semblait être synonyme d’une pièce pas terrible, mais qui refuserait du divertissement gratuit ? 

Le spectacle était présenté par la Troupe des Masqués de Minuit, dont je n’avais jamais entendu parler. J’ai fait quelques recherches sur eux en amont de la représentation, mais je n’ai absolument rien trouvé, ce qui m'a fait supposer qu’il devait s’agir d’une jeune troupe.

Avant de continuer, je dois spécifier que les affiches pour « Les Cœurs de la Jeunesse » devenaient de plus en plus nombreuses. Au fur et à mesure que le soir du spectacle approchait, j’avais l’impression de ne pas pouvoir passer dans une rue sans voir une affiche disant « Les Cœurs de la Jeunesse ! Spectacle gratuit ! Ce samedi ! ». Je sais que toute troupe a besoin de se faire connaître, mais cette fois, ça me semblait quelque peu ridicule. Il y avait des affiches placardées sur les voitures, des tracts dans chaque boîte aux lettres, et même des posters sur les propriétés privées. Ça commençait à en déranger certains, et ce jusqu’au soir fatidique.

Les affiches ont eu un effet certain, puisque tout le monde était au courant qu’il y avait une représentation. En dépit du fait que cette dernière avait commencé en retard, le théâtre était plutôt rempli. Peut-être pas autant que pour d’autres pièces, mais certainement plus que la moyenne. Etant donné que la soirée était gratuite, la troupe n’avait eu aucun mal à attirer la foule. Toutefois, je ne m’attendais pas à une qualité de production des plus grandioses. 

Il était 22h30 lorsque les lumières se sont affaiblies dans la salle. En principe, on nous propose une sorte d’introduction à ce moment, mais ça n'a pas été le cas pour ce spectacle. En effet, le rideau s'est levé immédiatement, révélant une scène lumineuse.

Cet acte mettait en scène une femme assise sur une chaise au centre des planches. Elle portait une robe jaune clair, des gants blancs ainsi que des talons hauts. Tout cela aurait eu l’air normal si elle ne portait ce masque rose, lequel représentait un visage de femme qui aurait étalé sur celui-ci une quantité repoussante de maquillage. Le masque n’avait pas l’air d’avoir été fait par un professionnel, puisque les détails n’étaient pas très soignés. On aurait dit qu'il avait été fait en 5 minutes. L’actrice est restée assise pendant environ 10 secondes, observant l’audience, puis a commencé à sangloter légèrement.

Tout au long de l'acte, la femme semblait jeter de rapides coups d’œil à sa gauche, vers les coulisses. Elle semblait regarder quelque chose (ou quelqu’un). Visiblement, ça n'était pas dans le script, puisqu’elle se retournait systématiquement vers les spectateurs comme si elle avait fait quelque chose de mal. Tout ceci a duré au moins 30 secondes, les sanglots devenant de plus en plus forts, à intervalles réguliers. J’étais sur le point de m’en aller, lorsque les rideaux se sont refermés brusquement, laissant place à l’acte suivant. 

L’audience regardait autour d’elle, confuse. Il était clair qu’il allait s’agir d’une pièce de piètre qualité, mais au moins aussi étrange. C’est ce qui a d'ailleurs captivé l’attention de la plupart du public. Une part de moi me disait de ne pas perdre mon temps ici, mais d'un autre côté, je pensais qu'en restant, je pourrais voir ce que cette production avait d’autre à proposer.

Les rideaux se sont à nouveau ouverts, révélant une scène très similaire à la précédente. La même femme masquée était assise sur sa chaise, et pleurait. Il y avait néanmoins un autre acteur, qui semblait être un homme, donc je m’y référerai en tant que tel. Il était vêtu d’un costume noir, avec une cravate rouge et jaune qui semblait sortir du contexte de sa tenue. Il était lui aussi masqué, mais portait un grand masque à gaz . Il se tenait simplement derrière elle, les bras devant lui. A cause du masque, l’on ne pouvait évidemment pas apercevoir son visage, mais je pouvais décerner une sorte d’expression se dessiner en dessous de celui-ci. J’avais l’impression qu’il anticipait quelque chose, étant donné qu'il regardait de temps en temps la femme avec insistance. L’acte dura 20 secondes, puis le rideau s’est abaissé une nouvelle fois.

A ce moment, je me suis dit que j’en avais assez vu. La pièce était différente de ce que j'avais pu voir jusqu'à présent, c’était évident, mais j’avais mieux à faire que de perdre mon temps. Je me frayais un chemin vers la sortie quand le rideau s'est encore une fois levé, laissant apparaître une scène complètement différente des deux précédentes. Le changement de décor m’a semblé trop rapide, étant donné que le rideau était resté fermé pendant seulement quelques secondes. 

En voyant la scène, tout le monde dans la salle a dégluti. La même femme était sur les planches, toujours assise sur sa chaise. Sauf qu’elle ne pleurait plus. Elle criait.

Sa robe était déchirée, et des coupures étaient bien visibles sur ses jambes et son torse. Elle était attachée à la chaise, et ses cris semblaient étouffés, comme si quelque chose lui couvrait la bouche derrière son masque. Autour d’elle, il y avait beaucoup plus d’acteurs et d’actrices que précédemment : 11 au total, mais il était difficile d’affirmer lesquels étaient des hommes et lesquels étaient des femmes. Ils portaient tous la même tenue, similaire à celle de l’homme au masque à gaz. Ce dernier était quant à lui assis devant un piano sur le côté gauche de la scène.

Les autres personnages, debouts autour de la fille, portaient eux aussi des masques, allant de l’étrange au hideux. La meilleure façon de les décrire serait de dire que leurs visages étaient grandement défigurés. Pas déchirés mais plutôt arrangés de façon inconcevable. Certains avaient un nez sur le front, avec de grands yeux injectés de sang placés là ou une bouche devrait être présente. D’autres n’avaient même pas de traits du tout, seulement des bouches ou des yeux un peu partout. Leurs têtes étaient toutes tournées vers la fille sur la chaise, avec un air que j'aurais qualifié de désireux. 

Le comédien au masque à gaz a alors regardé chacun des hommes et femmes autour de la fille, et s'est tourné vers l’audience. Il s'est alors mis à jouer du piano. Sa mélodie était trop rapide, et désagréable. Je n’avais jamais entendu cet air de ma vie, mais celui-ci m’a semblé proche d’une sorte de musique de Noël ennuyeuse qui passerait tout le temps à la radio. J’entendais encore la musique de façon distincte tandis que les rideaux se sont baissés, quelques secondes plus tard.

Les rideaux fermés, la musique continuait de jouer, mais a vite été interrompue par de lourds bruits de pas… puis par des bruits de lutte. Il y a eu un mélange confus d'une myriade de phonèmes en peu de temps, donc désolé si je ne suis pas très précis, mais les cris de la fille étaient plus forts que jamais. Il y a eu des bruits de chaise brisée, puis ceux d’une foule qui se bouscule. L’audience poussait des cris de surprise chaque fois que l'on entendait de faibles sons de déchirures, de quelque chose qu’on ronge, ou parfois même un grognement agressif de la part de quelqu’un de l’autre côté du rideau. Les hurlements de la fille ont cessé au bout d’une minute seulement, peut-être même un peu moins.

Tout le monde dans le théâtre était complètement silencieux. Personne ne savait quoi penser de l’objectif de cette représentation théâtrale, certains se demandant même s’il s’agissait vraiment d’une pièce de théâtre. J’espérais seulement qu’il ne s’agisse là que d’un genre de farce ou d’un spectacle étonnant centré sur le sadisme. 

L’air de piano jouait toujours avant la scène suivante, ou plutôt, ce qu’il en restait. Le rideau s'est levé et a laissé apparaître une scène vide, à l'exception de l’homme au masque à gaz qui jouait toujours du piano. Il y avait des morceaux de chaise ensanglantés au centre de la scène, accompagnés de traces rouges étalées sur le sol tout autour. Près de ce qui semblait être du sang, il ne paraissait plus avoir aucun signe de la fille qui était assise là auparavant. Lorsque l'homme au masque a eu fini de jouer, il s’est avancé vers le centre de la scène. Il s'est alors tourné vers un public médusé, s’est incliné de façon formelle, et est enfin sorti de scène par la droite. Le rideau s'est alors baissé une dernière fois, alors que dans la salle, tout le monde restait silencieux.

Je suppose que tout le monde espérait, comme moi, voir une sorte de conclusion à ce « spectacle » ; mais il n’y en avait pas. Dès le moment où l’homme masqué avait quitté la scène, c’était terminé. Le théâtre s’est empli de chuchotements paniqués et d’appels aux familles, ainsi qu’à la police. Cette dernière est rapidement arrivée, et a procédé à une rapide enquête avant de faire évacuer la salle, qui a été fermée un peu plus d’un mois après l’incident. De toute manière je n’avais aucune intention d’y retourner voir quelque spectacle que ce soit avant un moment. 

La nuit suivant la pièce, j’ai évidemment fait des cauchemars, tout comme j’imaginais le reste du public en faire aussi. Je continuais à m’accrocher à l’hypothèse qu’il s’agissait d’une blague visant à effrayer de la façon la plus réaliste possible. J’y avais presque totalement cru, avant que les autorités ne finissent par publier un rapport.

La femme qui pleurait et criait, celle sur la chaise, n’était pas une actrice. Elle avait été déclarée portée disparue peu avant la représentation, depuis seulement quelques heures, d’où le fait qu’il n’y ai eu pas eu l’alerte de sa disparition. Personne n'avait été en mesure de l’identifier à cause du masque qu’elle portait sur scène et de sa voix étouffée à cause d’un probable bâillon. Quant au sang qui baignait la scène, il s'agissait bien du sien.

Les « comédiens » n’ont jamais été retrouvés ou même identifiés. Lorsque la police a fouillé les coulisses après la représentation, elle n'a trouvé aucune trace des criminels ; seulement un mot placé à l’entrée : 

« Les cœurs de la jeunesse ont toujours meilleur goût » 

Cette creepypasta vous est offerte grâce au travail de Emeryy, qui a assuré la compilation des éléments nécessaires à sa rédaction, de FantaJoy qui a assuré sa traduction de l'anglais vers le français à partir de l'originale que vous pouvez trouver sur Creepypasta.com, de Lalya et Dr.Lama qui ont participé au processus d'analyse et de sélection conformément à la ligne éditoriale, et de Gordjack qui s'est chargé de la correction et la mise en forme. L'équipe de Creepypasta from the Crypt n'affirme ni ne dément la véracité du présent article et invite les lecteurs à se faire leur propre avis sur la question. L'équipe décline également toute responsabilité en cas de disparition ou de mort, douloureuse ou non, s'ensuivant des éventuelles recherches menées à cet effet. 

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