Entrée 1
Entrée 2
Entrée 3
Entrée 4
Entrée 5
Entrée 7
Entrée 8
Entrée 9
Entrée 10
Entrée 11
Texte original
Entrées du blog original (le texte est parfois différent de la version présente sur creepypasta.org) :
Miranda Cassette Exchange
Extrait du Cahier #2 : « L’échange de cassettes du Miranda »
[4]
Un matin, E. et moi avons décidé qu’on allait sécher les cours. La plupart du temps on ne faisait pas de choses comme ça. E. était plutôt sérieuse en cours, ce qui contrastait avec sa manière apathique de se comporter avec le monde. On a passé la plupart de la matinée chez moi (mes parents étaient partis à leur 2ème lune de miel à l’époque, alors ce devait être en 1997), on regardait des stupides téléachats et des rediffusions de jeux télé, et on parlait de tout et de rien. Je ne trainais pas vraiment avec E., elle était plus amie avec D., je crois. Mais je voulais lui poser des questions sur ses parents. Au final je ne l’ai pas fait. Je me suis sentie un peu gênée.
Il était déjà midi à peu près quand on a décidé de quitter la maison et de trouver un endroit où manger, E. s’est changée chez moi (elle n’allait pas garder son uniforme), je lui ai donné quelques vêtements qui n’étaient pas tout à fait son style, comme tu peux l’imaginer, mais ça lui allait. On est allées au petit chinois rue ____, celui derrière le Miranda [Note : Miranda est une chaine de supermarché connue ici]. La bouffe craignait, et après E. a dû aller aux toilettes alors on est allées dans le Miranda et je l’ai attendue dehors, en regardant quelques magazines.
Je l’attendais devant la porte des toilettes des filles (je suis pas le genre de fille qui fait genre « hey on va aux toilettes ensemble ? ») et j’ai soudain entendu un son comme si elle essayait d’arracher quelque chose du mur. Je me suis demandé ce qu’elle pouvait bien foutre mais je suis restée silencieuse, parce que E. n'était pas trop du genre à parler. Et soudain elle est arrivée, pratiquement en hyper ventilation et elle parvenait à peine à s'exprimer. Elle a dit quelque chose du style « oh mon dieu, tu ne croiras jamais ce que j’ai trouvé là-bas. Viens, viens maintenant et regarde toi-même ». On aurait dit, en voyant son regard, qu’elle avait vu le Père Noël dans les toilettes, alors j’y suis allée.
La première chose que j'ai remarquée, c'est ce truc en plastique sur le sol. C’était ces gros rouleaux de papier tu sais, ils les mettent dans ces distributeurs en plastique et tu tournes un levier pour sécher tes mains avec, vous voyez de quoi je parle non ? Il pendait sur le mur du fond des toilettes. Bref, là où il était supposé être fixé il y avait un trou. Apparemment E. avait entendu un genre de grattement ou de mouvement derrière le mur, et elle avait décidé, dans un moment de faible jugement, de l’arracher du mur. Derrière il y avait un trou dans le mur par lequel on pouvait voir l’isolation et d’autres trucs. J’ai pensé qu’on l’avait fait accidentellement ou simplement trouvé là et qu’on avait décidé de le recouvrir comme on pouvait. Il y avait autre chose là-dedans, bien sûr. C’était une cassette étiquetée « ÉCHANGE ».
À l’époque tout le monde utilisait encore des cassettes pour tout et n’importe quoi, ce qui était pratique pour nous parce que, comme nous avons pu le découvrir, c’était un support solide. Plus maintenant bien sûr. Maintenant on en est réduits aux vinyles et à l’écriture à la main. Pathétique.
Bref c’était une cassette comme les autres qu'on pouvait acheter partout, avec une étiquette sur laquelle était marqué « ÉCHANGE », écrite simplement au marqueur. E. se demandait ce que c’était. Qui l’avait laissée là ? Je ne savais vraiment pas quoi lui dire. Inutile de dire que c’était très bizarre. Je crois qu’une fille est rentrée dans les toilettes, nous a vues regarder par le trou dans le mur, a tourné les talons et s’est dirigée droit dehors. On a eu de la chance que personne du magasin ne nous ait vues défoncer leurs toilettes.
On ne pouvait pas écouter la cassette ici, comme on avait pas de baladeur. J’étais hésitante sur le fait qu’il faille la prendre ou pas. C’était pas ma première expérience de « merde bizarre », et même si c’était pas particulièrement bizarre, j’avais le sentiment que ça pourrait le devenir très rapidement. Mais E. était déterminée à la prendre et à savoir ce qu’il y avait dedans. La cassette n’avait aucune écriture à part l’étiquette. Alors on l’a prise, en essayant de remettre le distributeur de papier sur le mur, réussissant à moitié (ça tenait sans réel équilibre), et on est retournées chez moi.
De retour à ma maison, qui était vide ces temps-ci, je n’avais pas de radio ou quoi que ce soit pour lire les cassettes. J’ai ressorti mon Walkman mais je n’avais plus de piles et je doute qu’il ait marché de toute façon. On a fini par aller dans la voiture de mon père pour utiliser le lecteur cassette de la radio. C’était une scène plutôt marrante, nous deux assises là dans une attente anxieuse.
Alors on s’est assises et on l’a écoutée presque en entier. Elle était vraiment de mauvaise qualité, il est possible que vous ne vous rappeliez pas à quel point le sifflement sur les cassettes était agaçant, mais en plus de ça il semblait que la personne qui avait enregistré se tenait loin du microphone ou un truc du genre, comme si c’était un enregistrement d’un enregistrement d’un enregistrement. Mais il n’y avait rien de particulièrement bizarre dessus. C’était juste une compil de musique psyché des sixties. Il y avait des chansons de Kaléidoscope, surtout Tangerine Dream, et il y avait des Beatles, évidemment, et d’autres trucs mais E. et moi n’étions pas trop trop fan de ce genre alors on a pas écouté jusqu'au bout. Plus tard, toute seule, je l'ai écoutée en entier mais il n’y avait rien de spécial sur cette cassette mis à part la qualité de l’enregistrement.
Mais c’est là qu’on s’est rendues compte que, comme la cassette s’appelait « échange », on était supposées laisser quelque chose en retour. Tu sais, laisser quelque chose dans le trou des toilettes, pour la personne qui l’avait mise là. Cette idée nous paraissait bête. Mais à l’époque l’école n’était pas finie et on avait rien d’autre à faire alors, armées d’une de mes nombreuses compils, qui étaient un de mes hobbys à l’époque, on est retournées au Miranda.
On a parlé sur la route et on s’est demandé quel genre de personnes pourrait laisser ces cassettes, et si elle (on s’est dit que c’était une fille, comme c’était dans les toilettes des filles) s’attendait vraiment à ce que quelqu’un trouve ça là. On s’est demandé si c’était une sorte d’expérience sociale d’étudiantes du lycée, en fait c’est ce que j’en ai pensé directement. E. avait sa propre théorie. Elle pensait que c’était une femme désespérée, qui vivait sa vie solitaire à cause de sa famille, qui avait laissé des cassettes cachées dans des endroits publics à travers la ville, et qu’elle vérifiait toutes les semaines, en espérant qu’une âme solitaire trouve une de ses cassettes et donne quelque chose en retour. Je suis à peu près sûre que c’était une projection de sa propre vie.
On est retournées au supermarché et, heureusement, aucune des personnes qui travaillaient là ne semblait nous reconnaitre, Miranda est plutôt en effervescence à cette heure là. On est retournées dans les toilettes. Heureusement, le truc pour donner le papier tenait encore, quoique légèrement pantelant. On l’a retiré en faisant attention et on y a mis ma cassette qui, maintenant que j’y pense, était composée de grunge (mon dieu, c’est gênant), dans le trou. On s’est dit qu’on devrait peut être laisser un message. Alors on a arraché du papier toilette et on a écrit « MERCI », simplement, et on l’a laissé là. On a remis le distributeur à sa place — on avait pris le truc pour le remettre correctement — et on est parties, en rigolant à propos de tout ça. Plus tard, ce jour-là, on est allées trainer avec le groupe mais on ne leur a rien dit, parce que c’est plus marrant si ça reste notre secret.
Le lendemain, E et moi réfléchissions si on devait retourner au Miranda et regarder si il y avait une nouvelle cassette. Je voulais plutôt oublier toute cette histoire, parce que je pensais sincèrement que personne ne regarderait dans ce trou pour quelque chose qui avait été laissé là il y a des années et que la personne qui avait fait ça avait oublié tout ça. E. ne me croyait pas pourtant. Elle était persuadée que la personne qui avait laissé la cassette ici revenait vérifier souvent si quelqu’un l’avait trouvée. J’ai réussi à la convaincre qu’on ne devrait y retourner que le week-end d’après. Parce que même si sa théorie était vraie, je doutais que son hypothétique partenaire musical regardait dans les toilettes tous les jours. Mais encore une fois, qu’en sais-je ? Peut-être que c’était un pervers qui cherchait à rentrer en contact avec des lycéennes.
Le reste de la semaine est passé plutôt lentement. A. était à fond dans ce qu’il faisait à l’époque, je crois que c’était du Muay Thai ou du Valetudo ou je sais plus quoi, un truc d’arts martiaux, alors on l’a pas vu beaucoup. B. et F. faisaient leurs propres trucs, et de toute façon on ne voulait en parler à personne. Alors on trainait juste à la maison (je crois qu’on a juste fini par sécher 3 jours sur 5, c’était terrible). On regardait des films et on parlait.
J’ai fini par apprendre pleins de choses sur E. à l’époque (pour le plus grand plaisir de F. qui était dingue d’elle à l’époque), mais elle est restée silencieuse au sujet de ses parents. Le vendredi, on est retournées au Miranda à la demande de E. Notre correspondante avait certainement été plutôt occupée.
La cassette avait bien été prise. Une nouvelle cassette avait été laissée, l’exact même modèle que la précédente. Elle avait une étiquette très longue et très mal écrite, et on ne pouvait pas du tout la lire sur place, alors on est retournées dans la voiture. On avait pris la voiture de mon père pour anticiper, comme ça on pourrait l’écouter directement sur le chemin du retour. On est rentrées dans la voiture et on a baissé les vitres, E. a allumé une cigarette. Elle a mis la cassette et a lu l’étiquette avec peine :
« Chansons pour une nuit de préparation avant un défi important »
Elle m’a regardé, a haussé les épaules et a appuyé sur play. Cette fois la cassette était une compil de New wave, je me souviens de « Bizarre love triangle » parce que, je ne l’admettrai jamais, mais j’adore cette chanson, et il y avait aussi de la folk très calme. Ça donnait quelque chose du style : New wave grandiloquent -> Folk -> Silence -> Folk -> New wave encore, etc. Elle durait 25 minutes par face à tout casser, et on a fini de l’écouter chez moi, sans être impressionnées.
Comme la cassette précédente, elle était d’une qualité minable. C’était encore comme un enregistrement d’un enregistrement d’un enregistrement. On pouvait reconnaitre quelques chansons mais on ne connaissait pas la plupart, ou seulement les artistes. Plus tard j’ai demandé à B. ce qu’étaient ces chansons, sans lui dire directement d’où ça venait, et il en a confirmé la plupart. La partie la plus intéressante était les silences.
Entre les sons de Folk, il y avait ces pistes qui étaient composées d’une grande partie de silence et du bruit de fond habituel des cassettes, mais on pouvait entendre des choses bouger autour, et dans l’une d’elles, on pouvait entendre une voix. C’était inaudible, mais je suis à peu près sûre que c’était une voix de fille. Il y avait ces intonations musicales, comme si on entendait un saxo jouer en arrière plan pendant 10 secondes, et qui disparaissait. Je ne sais pas si c’était dans l’enregistrement original ou dans l’enregistrement de l’enregistrement. Et dans un autre passage silencieux, on entendait une voix qui parlait si on se concentrait bien, je dirais que c’était un vieil homme qui avait l’air de répondre à des questions mais la qualité était trop médiocre pour que je comprenne un mot.
E. était très excitée à propos de tout ça, rien que le fait que quelqu’un lui réponde lui semblait exceptionnel. Honnêtement, j’étais surprise aussi. E. a dit que l’échange marchait encore, et qu’on devrait laisser autre chose pour la personne la prochaine fois qu’on irait. On a décidé que la prochaine fois serait demain.
Cette fois on a vraiment réfléchi sur le genre de cassette qu’on allait mettre dans le trou. On a pensé à mettre des genres de musique différents pour avoir des choses différentes en retour. Celle (?) qui effectuait ces échanges investissait beaucoup d’efforts et elle devait aussi écouter nos chansons. J’ai trouvé une cassette d’un groupe que j’aimais, qui n’est jamais devenu célèbre, mais c’est pas comme si la cassette valait quelque chose, elle avait perdu sa valeur sentimentale après un certain incident. J’ai décidé qu’on ferait ça. On était pas très créatives, et on ne considérait pas la cassette comme une « piste », alors on a juste écrit « en voilà une autre » sur l’étiquette. Cool, je sais.
On y est retournées, c’était un samedi matin et on était encore dans la voiture de mon père, même si je sais pas trop pourquoi. On est allées dans les toilettes, on a arraché le distributeur, et à ce moment précis, une fille est sortie d’une cabine. On était incroyablement gênées. Elle nous a regardées bizarrement, s’est lavé les mains et est partie. Elle avait l’air un peu plus vieille que nous, probablement une étudiante, qui portait un jean et un tee-shirt noir. Elle nous a regardées avec dégoût, vraiment. Mais dès qu’elle est partie, on s’est remises au boulot. On a laissé la cassette, on est retournées chez moi et on a encore parlé.
Je pense que je dois le dire ici — je n’en ai pas vraiment envie mais bon — mais E. s’est ouverte à moi et m’a raconté quelques trucs sur ses parents. Apparemment son père devait de l’argent — énormément d’argent — à un gang. D’après elle, son père n’avait rien fait d’illégal, il avait simplement pris ce qui lui revenait de droit, mais les autres membres étaient très en colère et sa famille entière avait été prise dans un tourbillon qui continuait depuis des années. E. était très choquée de ce qui avait été fait à X., parce qu’elle n’avait jamais pensé que les choses en arriveraient là. La théorie de F. à l’époque était que le père de E. était dans la mafia, mais je pense que c’est faux. Quoi que ce soit, son père était dans une grosse merde, et je crois que c’est une des raisons pour lesquelles elle est soudainement partie quelques années plus tard.
E. et moi sommes retournées au supermarché 3 jours plus tard et avons trouvé une autre cassette. Elle s’appelait « Musique pour une nuit de rêves paisibles ». Il y avait beaucoup de Sinatra dedans, ce que je trouvais plutôt sympa, mais c’est pas vraiment le genre de musique avec laquelle on s’endort. La qualité était toujours la même, ce qui donnait une sorte de nostalgie aux chansons, et il y avait un ressenti différent. Il y avait encore ces « pistes silencieuses », et on entendait toujours bouger autour, et dans l'une d’entre elles, on entend un chien aboyer. On était un peu lassées de tout ça et on a décidé de laisser une dernière cassette.
On s’est demandé ce qui ce passerait si on laissait quelque chose de notre propre création pour notre correspondant. Pas que E. ou moi sachions jouer d’un instrument, mais on s’est juste dit qu’on pourrait enregistrer un petit mot ou quelque chose comme ça. Mais on n'avait rien pour enregistrer, le matos était encore chez F. à l’époque, il en avait eu besoin une fois quand il a commencé à entendre des trucs dans le jardin de D., mais c’est une autre histoire. Alors j’ai regardé et j’ai finalement trouvé une vieille cassette qui comportait, sur la première face, une compil de chansons que mon père écoutait dans les années 80, et sur la deuxième, moi qui lisais des histoires. Je pense qu’il devait penser que c’était mignon et l’avait oublié ensuite. On a décidé de mettre ça, alors on y est allées.
Il faisait nuit, et le Miranda était sur le point de fermer, et on s’est faufilées dans les toilettes. Les lumières étaient éteintes, E. a essayé plusieurs fois de les allumer sans résultat, alors on a dû tâtonner dans le noir pour trouver le distributeur de papier. E. l’a retiré en faisant attention. Elle y a mis la cassette et on est parties rapidement.
Maintenant que j’y pense, je crois que j’ai vu cette fille, celle qui nous a vues la dernière fois, celle avec des lunettes, qui regardait dans les rayons à côté des toilettes. Je l’ai regardée mais je pense qu’elle ne m’a pas vue, ou elle a fait semblant de ne pas nous voir. On est juste parties. Le jour d’après on y retournerait pour y trouver le dernier message de notre mystérieux correspondant.
La dernière fois que nous sommes retournées au Miranda, c’était un jour d’école, qu’on avait décidé de sécher. C’était devenu une habitude alarmante et nos amis ont commencé à se demander ce qu’on faisait. Je crois qu’on était un peu obsédées par tout ça, même si on s’en rendait pas compte.
On est rentrées dans le Miranda, une heure après l’ouverture, les caissiers nous ont regardées bizarrement. On est juste passé devant eux et on a foncé jusqu’aux toilettes des filles, ce qui devait sembler étrange. On a ouvert la porte et on est allées directement au distributeur, non sans avoir vérifié s'il y avait quelqu’un dans les toilettes, au cas où.
Le trou dans le mur était grouillant d’araignées et de fourmis et plusieurs cafards. Quelques-uns sont tombés sur le sol, avec une cassette, et il y en avait encore une douzaine dans le trou. E et moi avions du nous agripper l’une à l’autre pour éviter de crier. On s’est reculées de trois grands pas, E. tenait encore le distributeur de papier. Je lui ai murmuré qu’on devrait sortir de cet endroit. Elle fixait la cassette et après s’être armée de courage, s’en est saisie. On a littéralement couru pour sortir du magasin sans même s’embêter à remettre le distributeur à sa place.
Les autres gens nous ont regardées bizarrement, probablement parce qu’ils nous avaient entendues dans les toilettes. On s’en foutait complètement et on a couru jusqu'à la voiture de mon père. E. tenait la cassette par un coin, en couvrant ses mains avec les manches de sa chemise. Je me suis demandé par quel miracle le trou avait été rempli de bestioles en une seule nuit, même si je pense qu’il y avait plusieurs explications plausibles pour ça. Elle a eu du mal à lire l’écriture sur l’étiquette. Franchement, c’était pratiquement illisible, et encore aujourd’hui on ne sait pas exactement ce qui était écrit, mais on pense encore que c’était :
« Chansons pour une cellule cancéreuse qui naît au centre de ton cerveau »
On est restées silencieuses pendant un petit moment. Puis j’ai plaisanté en disant qu’elle n’avait pas dû aimer notre dernière cassette et E. m’a demandé si on devait l’écouter. J’ai dit non, parce que la cassette avait été couverte de bestioles, et de toutes façons je ne voulais pas vraiment l’écouter, l’étiquette m’avait quelque peu refroidie.
C’était la fin de l’échange de cassettes de Miranda. On est jamais retournées dans ces toilettes pour vérifier si quelqu’un laissait encore des cassettes dans le trou. D’après le frère de A., qui s’est arrêté dans le supermarché quelques jours plus tard pour des raisons sans lien avec tout ça, les toilettes avaient été fermées pour des raisons sanitaires, et apparemment tout l’endroit devait être désinfesté. Je ne sais pas du tout à quoi tout ça rime.
Si tu te demandes ce que sont devenues les trois cassettes de l’échange, ben, des fois j’écoute la première, celle pour se préparer à un défi. Je me suis dit que je l’écouterais en révisant, je l’ai testée pour les partiels. C’est plutôt sympa. Enfin, je pense. Ça t’aide à te concentrer. J’ai fini par donner la deuxième cassette à une amie qui avait du mal à dormir, sans lui dire d’où elle venait. Elle a dit que ça l’avait aidée, aussi bizarre que ça puisse sembler.
Je n’ai personnellement jamais écouté la troisième et dernière cassette. E. l’a ramenée chez elle ce jour-là. Des semaines plus tard, on avait laissé tout ça derrière nous, mais je lui ai demandé si elle avait eu le courage de l’écouter. Elle a dit que oui. Elle a dit que c’était simplement « trente minutes de bruit » et que t’avais l’impression d’être dans un égout.
Elle a emporté la cassette avec elle quand elle est partie.
[FIN]
Il y a certainement un Miranda à l’endroit spécifié. Je ne sais pas s'il y a déjà eu une désinfestation là-bas, et je n’ai jamais entendu une seule histoire sur les toilettes là-bas autre que les histoires de cul habituelles, etc. Mais c’est valable pour toutes les toilettes de certains quartiers de la ville de toutes manières.
Entrée 2
Entrée 3
Entrée 4
Entrée 5
Entrée 7
Entrée 8
Entrée 9
Entrée 10
Entrée 11
Texte original
Entrées du blog original (le texte est parfois différent de la version présente sur creepypasta.org) :
Miranda Cassette Exchange
Extrait du Cahier #2 : « L’échange de cassettes du Miranda »
[4]
Un matin, E. et moi avons décidé qu’on allait sécher les cours. La plupart du temps on ne faisait pas de choses comme ça. E. était plutôt sérieuse en cours, ce qui contrastait avec sa manière apathique de se comporter avec le monde. On a passé la plupart de la matinée chez moi (mes parents étaient partis à leur 2ème lune de miel à l’époque, alors ce devait être en 1997), on regardait des stupides téléachats et des rediffusions de jeux télé, et on parlait de tout et de rien. Je ne trainais pas vraiment avec E., elle était plus amie avec D., je crois. Mais je voulais lui poser des questions sur ses parents. Au final je ne l’ai pas fait. Je me suis sentie un peu gênée.
Il était déjà midi à peu près quand on a décidé de quitter la maison et de trouver un endroit où manger, E. s’est changée chez moi (elle n’allait pas garder son uniforme), je lui ai donné quelques vêtements qui n’étaient pas tout à fait son style, comme tu peux l’imaginer, mais ça lui allait. On est allées au petit chinois rue ____, celui derrière le Miranda [Note : Miranda est une chaine de supermarché connue ici]. La bouffe craignait, et après E. a dû aller aux toilettes alors on est allées dans le Miranda et je l’ai attendue dehors, en regardant quelques magazines.
Je l’attendais devant la porte des toilettes des filles (je suis pas le genre de fille qui fait genre « hey on va aux toilettes ensemble ? ») et j’ai soudain entendu un son comme si elle essayait d’arracher quelque chose du mur. Je me suis demandé ce qu’elle pouvait bien foutre mais je suis restée silencieuse, parce que E. n'était pas trop du genre à parler. Et soudain elle est arrivée, pratiquement en hyper ventilation et elle parvenait à peine à s'exprimer. Elle a dit quelque chose du style « oh mon dieu, tu ne croiras jamais ce que j’ai trouvé là-bas. Viens, viens maintenant et regarde toi-même ». On aurait dit, en voyant son regard, qu’elle avait vu le Père Noël dans les toilettes, alors j’y suis allée.
La première chose que j'ai remarquée, c'est ce truc en plastique sur le sol. C’était ces gros rouleaux de papier tu sais, ils les mettent dans ces distributeurs en plastique et tu tournes un levier pour sécher tes mains avec, vous voyez de quoi je parle non ? Il pendait sur le mur du fond des toilettes. Bref, là où il était supposé être fixé il y avait un trou. Apparemment E. avait entendu un genre de grattement ou de mouvement derrière le mur, et elle avait décidé, dans un moment de faible jugement, de l’arracher du mur. Derrière il y avait un trou dans le mur par lequel on pouvait voir l’isolation et d’autres trucs. J’ai pensé qu’on l’avait fait accidentellement ou simplement trouvé là et qu’on avait décidé de le recouvrir comme on pouvait. Il y avait autre chose là-dedans, bien sûr. C’était une cassette étiquetée « ÉCHANGE ».
À l’époque tout le monde utilisait encore des cassettes pour tout et n’importe quoi, ce qui était pratique pour nous parce que, comme nous avons pu le découvrir, c’était un support solide. Plus maintenant bien sûr. Maintenant on en est réduits aux vinyles et à l’écriture à la main. Pathétique.
Bref c’était une cassette comme les autres qu'on pouvait acheter partout, avec une étiquette sur laquelle était marqué « ÉCHANGE », écrite simplement au marqueur. E. se demandait ce que c’était. Qui l’avait laissée là ? Je ne savais vraiment pas quoi lui dire. Inutile de dire que c’était très bizarre. Je crois qu’une fille est rentrée dans les toilettes, nous a vues regarder par le trou dans le mur, a tourné les talons et s’est dirigée droit dehors. On a eu de la chance que personne du magasin ne nous ait vues défoncer leurs toilettes.
On ne pouvait pas écouter la cassette ici, comme on avait pas de baladeur. J’étais hésitante sur le fait qu’il faille la prendre ou pas. C’était pas ma première expérience de « merde bizarre », et même si c’était pas particulièrement bizarre, j’avais le sentiment que ça pourrait le devenir très rapidement. Mais E. était déterminée à la prendre et à savoir ce qu’il y avait dedans. La cassette n’avait aucune écriture à part l’étiquette. Alors on l’a prise, en essayant de remettre le distributeur de papier sur le mur, réussissant à moitié (ça tenait sans réel équilibre), et on est retournées chez moi.
De retour à ma maison, qui était vide ces temps-ci, je n’avais pas de radio ou quoi que ce soit pour lire les cassettes. J’ai ressorti mon Walkman mais je n’avais plus de piles et je doute qu’il ait marché de toute façon. On a fini par aller dans la voiture de mon père pour utiliser le lecteur cassette de la radio. C’était une scène plutôt marrante, nous deux assises là dans une attente anxieuse.
Alors on s’est assises et on l’a écoutée presque en entier. Elle était vraiment de mauvaise qualité, il est possible que vous ne vous rappeliez pas à quel point le sifflement sur les cassettes était agaçant, mais en plus de ça il semblait que la personne qui avait enregistré se tenait loin du microphone ou un truc du genre, comme si c’était un enregistrement d’un enregistrement d’un enregistrement. Mais il n’y avait rien de particulièrement bizarre dessus. C’était juste une compil de musique psyché des sixties. Il y avait des chansons de Kaléidoscope, surtout Tangerine Dream, et il y avait des Beatles, évidemment, et d’autres trucs mais E. et moi n’étions pas trop trop fan de ce genre alors on a pas écouté jusqu'au bout. Plus tard, toute seule, je l'ai écoutée en entier mais il n’y avait rien de spécial sur cette cassette mis à part la qualité de l’enregistrement.
Mais c’est là qu’on s’est rendues compte que, comme la cassette s’appelait « échange », on était supposées laisser quelque chose en retour. Tu sais, laisser quelque chose dans le trou des toilettes, pour la personne qui l’avait mise là. Cette idée nous paraissait bête. Mais à l’époque l’école n’était pas finie et on avait rien d’autre à faire alors, armées d’une de mes nombreuses compils, qui étaient un de mes hobbys à l’époque, on est retournées au Miranda.
On a parlé sur la route et on s’est demandé quel genre de personnes pourrait laisser ces cassettes, et si elle (on s’est dit que c’était une fille, comme c’était dans les toilettes des filles) s’attendait vraiment à ce que quelqu’un trouve ça là. On s’est demandé si c’était une sorte d’expérience sociale d’étudiantes du lycée, en fait c’est ce que j’en ai pensé directement. E. avait sa propre théorie. Elle pensait que c’était une femme désespérée, qui vivait sa vie solitaire à cause de sa famille, qui avait laissé des cassettes cachées dans des endroits publics à travers la ville, et qu’elle vérifiait toutes les semaines, en espérant qu’une âme solitaire trouve une de ses cassettes et donne quelque chose en retour. Je suis à peu près sûre que c’était une projection de sa propre vie.
On est retournées au supermarché et, heureusement, aucune des personnes qui travaillaient là ne semblait nous reconnaitre, Miranda est plutôt en effervescence à cette heure là. On est retournées dans les toilettes. Heureusement, le truc pour donner le papier tenait encore, quoique légèrement pantelant. On l’a retiré en faisant attention et on y a mis ma cassette qui, maintenant que j’y pense, était composée de grunge (mon dieu, c’est gênant), dans le trou. On s’est dit qu’on devrait peut être laisser un message. Alors on a arraché du papier toilette et on a écrit « MERCI », simplement, et on l’a laissé là. On a remis le distributeur à sa place — on avait pris le truc pour le remettre correctement — et on est parties, en rigolant à propos de tout ça. Plus tard, ce jour-là, on est allées trainer avec le groupe mais on ne leur a rien dit, parce que c’est plus marrant si ça reste notre secret.
Le lendemain, E et moi réfléchissions si on devait retourner au Miranda et regarder si il y avait une nouvelle cassette. Je voulais plutôt oublier toute cette histoire, parce que je pensais sincèrement que personne ne regarderait dans ce trou pour quelque chose qui avait été laissé là il y a des années et que la personne qui avait fait ça avait oublié tout ça. E. ne me croyait pas pourtant. Elle était persuadée que la personne qui avait laissé la cassette ici revenait vérifier souvent si quelqu’un l’avait trouvée. J’ai réussi à la convaincre qu’on ne devrait y retourner que le week-end d’après. Parce que même si sa théorie était vraie, je doutais que son hypothétique partenaire musical regardait dans les toilettes tous les jours. Mais encore une fois, qu’en sais-je ? Peut-être que c’était un pervers qui cherchait à rentrer en contact avec des lycéennes.
Le reste de la semaine est passé plutôt lentement. A. était à fond dans ce qu’il faisait à l’époque, je crois que c’était du Muay Thai ou du Valetudo ou je sais plus quoi, un truc d’arts martiaux, alors on l’a pas vu beaucoup. B. et F. faisaient leurs propres trucs, et de toute façon on ne voulait en parler à personne. Alors on trainait juste à la maison (je crois qu’on a juste fini par sécher 3 jours sur 5, c’était terrible). On regardait des films et on parlait.
J’ai fini par apprendre pleins de choses sur E. à l’époque (pour le plus grand plaisir de F. qui était dingue d’elle à l’époque), mais elle est restée silencieuse au sujet de ses parents. Le vendredi, on est retournées au Miranda à la demande de E. Notre correspondante avait certainement été plutôt occupée.
La cassette avait bien été prise. Une nouvelle cassette avait été laissée, l’exact même modèle que la précédente. Elle avait une étiquette très longue et très mal écrite, et on ne pouvait pas du tout la lire sur place, alors on est retournées dans la voiture. On avait pris la voiture de mon père pour anticiper, comme ça on pourrait l’écouter directement sur le chemin du retour. On est rentrées dans la voiture et on a baissé les vitres, E. a allumé une cigarette. Elle a mis la cassette et a lu l’étiquette avec peine :
« Chansons pour une nuit de préparation avant un défi important »
Elle m’a regardé, a haussé les épaules et a appuyé sur play. Cette fois la cassette était une compil de New wave, je me souviens de « Bizarre love triangle » parce que, je ne l’admettrai jamais, mais j’adore cette chanson, et il y avait aussi de la folk très calme. Ça donnait quelque chose du style : New wave grandiloquent -> Folk -> Silence -> Folk -> New wave encore, etc. Elle durait 25 minutes par face à tout casser, et on a fini de l’écouter chez moi, sans être impressionnées.
Comme la cassette précédente, elle était d’une qualité minable. C’était encore comme un enregistrement d’un enregistrement d’un enregistrement. On pouvait reconnaitre quelques chansons mais on ne connaissait pas la plupart, ou seulement les artistes. Plus tard j’ai demandé à B. ce qu’étaient ces chansons, sans lui dire directement d’où ça venait, et il en a confirmé la plupart. La partie la plus intéressante était les silences.
Entre les sons de Folk, il y avait ces pistes qui étaient composées d’une grande partie de silence et du bruit de fond habituel des cassettes, mais on pouvait entendre des choses bouger autour, et dans l’une d’elles, on pouvait entendre une voix. C’était inaudible, mais je suis à peu près sûre que c’était une voix de fille. Il y avait ces intonations musicales, comme si on entendait un saxo jouer en arrière plan pendant 10 secondes, et qui disparaissait. Je ne sais pas si c’était dans l’enregistrement original ou dans l’enregistrement de l’enregistrement. Et dans un autre passage silencieux, on entendait une voix qui parlait si on se concentrait bien, je dirais que c’était un vieil homme qui avait l’air de répondre à des questions mais la qualité était trop médiocre pour que je comprenne un mot.
E. était très excitée à propos de tout ça, rien que le fait que quelqu’un lui réponde lui semblait exceptionnel. Honnêtement, j’étais surprise aussi. E. a dit que l’échange marchait encore, et qu’on devrait laisser autre chose pour la personne la prochaine fois qu’on irait. On a décidé que la prochaine fois serait demain.
Cette fois on a vraiment réfléchi sur le genre de cassette qu’on allait mettre dans le trou. On a pensé à mettre des genres de musique différents pour avoir des choses différentes en retour. Celle (?) qui effectuait ces échanges investissait beaucoup d’efforts et elle devait aussi écouter nos chansons. J’ai trouvé une cassette d’un groupe que j’aimais, qui n’est jamais devenu célèbre, mais c’est pas comme si la cassette valait quelque chose, elle avait perdu sa valeur sentimentale après un certain incident. J’ai décidé qu’on ferait ça. On était pas très créatives, et on ne considérait pas la cassette comme une « piste », alors on a juste écrit « en voilà une autre » sur l’étiquette. Cool, je sais.
On y est retournées, c’était un samedi matin et on était encore dans la voiture de mon père, même si je sais pas trop pourquoi. On est allées dans les toilettes, on a arraché le distributeur, et à ce moment précis, une fille est sortie d’une cabine. On était incroyablement gênées. Elle nous a regardées bizarrement, s’est lavé les mains et est partie. Elle avait l’air un peu plus vieille que nous, probablement une étudiante, qui portait un jean et un tee-shirt noir. Elle nous a regardées avec dégoût, vraiment. Mais dès qu’elle est partie, on s’est remises au boulot. On a laissé la cassette, on est retournées chez moi et on a encore parlé.
Je pense que je dois le dire ici — je n’en ai pas vraiment envie mais bon — mais E. s’est ouverte à moi et m’a raconté quelques trucs sur ses parents. Apparemment son père devait de l’argent — énormément d’argent — à un gang. D’après elle, son père n’avait rien fait d’illégal, il avait simplement pris ce qui lui revenait de droit, mais les autres membres étaient très en colère et sa famille entière avait été prise dans un tourbillon qui continuait depuis des années. E. était très choquée de ce qui avait été fait à X., parce qu’elle n’avait jamais pensé que les choses en arriveraient là. La théorie de F. à l’époque était que le père de E. était dans la mafia, mais je pense que c’est faux. Quoi que ce soit, son père était dans une grosse merde, et je crois que c’est une des raisons pour lesquelles elle est soudainement partie quelques années plus tard.
E. et moi sommes retournées au supermarché 3 jours plus tard et avons trouvé une autre cassette. Elle s’appelait « Musique pour une nuit de rêves paisibles ». Il y avait beaucoup de Sinatra dedans, ce que je trouvais plutôt sympa, mais c’est pas vraiment le genre de musique avec laquelle on s’endort. La qualité était toujours la même, ce qui donnait une sorte de nostalgie aux chansons, et il y avait un ressenti différent. Il y avait encore ces « pistes silencieuses », et on entendait toujours bouger autour, et dans l'une d’entre elles, on entend un chien aboyer. On était un peu lassées de tout ça et on a décidé de laisser une dernière cassette.
On s’est demandé ce qui ce passerait si on laissait quelque chose de notre propre création pour notre correspondant. Pas que E. ou moi sachions jouer d’un instrument, mais on s’est juste dit qu’on pourrait enregistrer un petit mot ou quelque chose comme ça. Mais on n'avait rien pour enregistrer, le matos était encore chez F. à l’époque, il en avait eu besoin une fois quand il a commencé à entendre des trucs dans le jardin de D., mais c’est une autre histoire. Alors j’ai regardé et j’ai finalement trouvé une vieille cassette qui comportait, sur la première face, une compil de chansons que mon père écoutait dans les années 80, et sur la deuxième, moi qui lisais des histoires. Je pense qu’il devait penser que c’était mignon et l’avait oublié ensuite. On a décidé de mettre ça, alors on y est allées.
Il faisait nuit, et le Miranda était sur le point de fermer, et on s’est faufilées dans les toilettes. Les lumières étaient éteintes, E. a essayé plusieurs fois de les allumer sans résultat, alors on a dû tâtonner dans le noir pour trouver le distributeur de papier. E. l’a retiré en faisant attention. Elle y a mis la cassette et on est parties rapidement.
Maintenant que j’y pense, je crois que j’ai vu cette fille, celle qui nous a vues la dernière fois, celle avec des lunettes, qui regardait dans les rayons à côté des toilettes. Je l’ai regardée mais je pense qu’elle ne m’a pas vue, ou elle a fait semblant de ne pas nous voir. On est juste parties. Le jour d’après on y retournerait pour y trouver le dernier message de notre mystérieux correspondant.
La dernière fois que nous sommes retournées au Miranda, c’était un jour d’école, qu’on avait décidé de sécher. C’était devenu une habitude alarmante et nos amis ont commencé à se demander ce qu’on faisait. Je crois qu’on était un peu obsédées par tout ça, même si on s’en rendait pas compte.
On est rentrées dans le Miranda, une heure après l’ouverture, les caissiers nous ont regardées bizarrement. On est juste passé devant eux et on a foncé jusqu’aux toilettes des filles, ce qui devait sembler étrange. On a ouvert la porte et on est allées directement au distributeur, non sans avoir vérifié s'il y avait quelqu’un dans les toilettes, au cas où.
Le trou dans le mur était grouillant d’araignées et de fourmis et plusieurs cafards. Quelques-uns sont tombés sur le sol, avec une cassette, et il y en avait encore une douzaine dans le trou. E et moi avions du nous agripper l’une à l’autre pour éviter de crier. On s’est reculées de trois grands pas, E. tenait encore le distributeur de papier. Je lui ai murmuré qu’on devrait sortir de cet endroit. Elle fixait la cassette et après s’être armée de courage, s’en est saisie. On a littéralement couru pour sortir du magasin sans même s’embêter à remettre le distributeur à sa place.
Les autres gens nous ont regardées bizarrement, probablement parce qu’ils nous avaient entendues dans les toilettes. On s’en foutait complètement et on a couru jusqu'à la voiture de mon père. E. tenait la cassette par un coin, en couvrant ses mains avec les manches de sa chemise. Je me suis demandé par quel miracle le trou avait été rempli de bestioles en une seule nuit, même si je pense qu’il y avait plusieurs explications plausibles pour ça. Elle a eu du mal à lire l’écriture sur l’étiquette. Franchement, c’était pratiquement illisible, et encore aujourd’hui on ne sait pas exactement ce qui était écrit, mais on pense encore que c’était :
« Chansons pour une cellule cancéreuse qui naît au centre de ton cerveau »
On est restées silencieuses pendant un petit moment. Puis j’ai plaisanté en disant qu’elle n’avait pas dû aimer notre dernière cassette et E. m’a demandé si on devait l’écouter. J’ai dit non, parce que la cassette avait été couverte de bestioles, et de toutes façons je ne voulais pas vraiment l’écouter, l’étiquette m’avait quelque peu refroidie.
C’était la fin de l’échange de cassettes de Miranda. On est jamais retournées dans ces toilettes pour vérifier si quelqu’un laissait encore des cassettes dans le trou. D’après le frère de A., qui s’est arrêté dans le supermarché quelques jours plus tard pour des raisons sans lien avec tout ça, les toilettes avaient été fermées pour des raisons sanitaires, et apparemment tout l’endroit devait être désinfesté. Je ne sais pas du tout à quoi tout ça rime.
Si tu te demandes ce que sont devenues les trois cassettes de l’échange, ben, des fois j’écoute la première, celle pour se préparer à un défi. Je me suis dit que je l’écouterais en révisant, je l’ai testée pour les partiels. C’est plutôt sympa. Enfin, je pense. Ça t’aide à te concentrer. J’ai fini par donner la deuxième cassette à une amie qui avait du mal à dormir, sans lui dire d’où elle venait. Elle a dit que ça l’avait aidée, aussi bizarre que ça puisse sembler.
Je n’ai personnellement jamais écouté la troisième et dernière cassette. E. l’a ramenée chez elle ce jour-là. Des semaines plus tard, on avait laissé tout ça derrière nous, mais je lui ai demandé si elle avait eu le courage de l’écouter. Elle a dit que oui. Elle a dit que c’était simplement « trente minutes de bruit » et que t’avais l’impression d’être dans un égout.
Elle a emporté la cassette avec elle quand elle est partie.
[FIN]
Il y a certainement un Miranda à l’endroit spécifié. Je ne sais pas s'il y a déjà eu une désinfestation là-bas, et je n’ai jamais entendu une seule histoire sur les toilettes là-bas autre que les histoires de cul habituelles, etc. Mais c’est valable pour toutes les toilettes de certains quartiers de la ville de toutes manières.
Superbe creepy, j'attends la suite avec impatience o/
RépondreSupprimercette entrée est ma préférée.
Toujours aussi cool et réaliste
RépondreSupprimerCette longue pasta entre dans mes préférées, merci encore aux traducteurs
Quelqu'un aurait la motiv' de re-situer tous les personnages via leur lettre et ce qu'on sait d'eux, vite fait ? Je perd un peu le fil vu que la pasta est publiée progressivement :)
En tous cas c'est génial:)
Bon si j'ai bien compris depuis le début c'est un groupe d'amis qui vit dans une ville chelou et qui vivent chacun des expériences surnaturel ? Ou alors c'est peut être une secte ?
RépondreSupprimerNon c'est le premier
SupprimerCette creepypasta est vraiment bizarre, mais j'adore ! Je la trouve assez dérangeante haha
RépondreSupprimerSalut les gars. Ça doit faire deux ans que je lis des creepypastas et j'adore ça. Cependants j'arrive pas à trouver de livre qui arrive à me donner la même sensation que me donnent les creepy (angoisse, peur, malaise). Si vous avez des bouquins à me conseiller je suis preneur :). Desolé pour le hors sujet car je sais pas trop où poster ça et pous le double post si il y en a (je crois que j'ai eu à faire à un bug)
RépondreSupprimerEssaye Lovecraft ;) si tu ne sais pas quel bouquin prendre, il y a une anthologie qui est sortie il y a genre 2 ans je crois, qui est titrée "Cthulu - Le Mythe "
SupprimerJe m'étais pas interessé à Lovecraft et après avoir lu quelques résumés c'est effectivement le style que je cherchais. Merci :)
SupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
SupprimerEssaye The Midnight Library, cest sympa ! :)
SupprimerOù il y a Stephen King aussi (Simetière, ect...) '^^
SupprimerYan B, si t'as un niveau de lecture assez élevé tu peux lire les Hitchcock ou les Stephen King, après si tu préfère les écritures plus simples la collection midnight library est pas mal non plus, je lisais ça plus jeune mais les histoires sont assez effrayantes, voilà voilà
SupprimerJ'approuve Lovecraft c'est exactement ce qu'il faut. Je pensais pas que ça irait jusque là mais une fois j'en ai vraiment mal dormi d'avoir lu ça, et pourtant c'est tout à fait génial. Essaie par exemple "Le Cauchemar d'Innsmouth", c'est... Perturbant. Et flippant, très flippant pour un récit de cette époque.
SupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerWhat a wonderful pasta !
RépondreSupprimer