Salutations. Je vous envoie aujourd'hui un texte datant de 1993 que m'a donné un oncle travaillant dans l'édition aux Etats-Unis. Il l'a traduit de l'anglais , et me l'a envoyé, car il le trouvait intéressant. Officiellement, il provient d'un courrier anonyme affirmant qu'il s'agit d'une lettre tout à fait authentique.
"Je voyageais, avec ma belle-soeur, en Europe de l'Est, cherchant de l'inspiration pour un roman horrifique. En fait, je voulais visiter la région de Vlad l'Empaleur, la région de Dracula. Après donc avoir visité le village d'origine de Vlad von Dracul, Târgoviște, en Valachie, nous arrivâmes à Copșa Mică, réputée ville la plus polluée au monde. Perdue dans les montagnes, cette petite ville, ou plutôt ce gros village, était centré sur l'Usine. Cette Usine, projet de Ceaușescu, fabriquait du noir de carbone pour l'industrie du pneu. Elle faisait vivre le village, tous les habitants travaillant ou étant destinés à y travailler. Elle le faisait vivre, mais elle le faisait mourir aussi. Le village était un mort-vivant. Nous le vîmes depuis une colline adjacente. Il était noir. Les murs et les toits étaient noirs. Les fourneaux étaient noirs. Les draps qui étaient suspendus à l'extérieur des maisons étaient gris. Sur la route, une pellicule de poussière jais se déposait.
En chemin, nous croisâmes deux jeunes bergers et leurs moutons. Leur laine était noire, grise à l'endroit où les jeunes gens les frappaient de leurs bâtons pour les faire avancer. Ceux-ci avaient des cheveux noirs, et leurs visages étaient creusés de fines rides de la même teinte. Ma belle-sœur, qui toujours avait des bonnes idées, décida de prendre en photo l'Usine. Mais le gouvernement roumain interdisait de prendre en photo des sites stratégiques. Et les usines étaient des sites stratégiques. Même si l'état policier technocratique soviétique était mort et enterré depuis les années 90, même si Ceaușescu, l'Architecte des Carpates, reposait dans son cercueil, la réglementation était stricte. L'Usine était la propriété de l'Etat, et on ne photographiait pas la propriété de l'Etat. Surtout si le photographe était étranger. Des gardes armées de mitraillettes nous avaient repérés depuis la ville et arrivaient vers nous en camion noir. Je dis à ma sœur de ranger son appareil photo, mais elle refusa. Elle était toujours ainsi, affirmant avoir du courage. Elle ne s'était juste jamais retrouvée en situation de pure impuissance. Les soldats se rapprochaient. Je partis immédiatement en marche arrière et semai les poursuivants avant qu'ils n'arrivent à notre hauteur.
A New-York, je mangeais avec un ami, grand industriel. Il affirmait que par une campagne de lobbying acharnée, il avait débloqué des avantages d'Etat, et des aides substantielles pour ses projets. L'Etat allait l'aider à amortir les pertes initiales et à casser quelques procès. En sortant du restaurant, lorsqu'il monta dans sa Cadillac chromée, je voyais presque le futur : les monorails aériens amenant les badauds à toute allure d'un bout à l'autre de la ville. La voiture évoquait bien cela. Mais alors que je la regardai, je vis aussi, du coin de l’œil, des ouvriers travailler sur un chantier, dans la nuit. Une eau noire, visqueuse et suintante jaillissait d'un tuyau pour se déverser dans la rivière.
En rentrant chez moi, je passai par Chicago. Il paraissait que le saturnisme faisait des ravages là-bas. Le plomb déversé par certaines industries s'accumulait dans les sols et les eaux, comme d'autres poisons. Les procès contre ces géants aux pieds d'argile renforcés de plomb n'aboutissaient jamais. Le Ministère de la Justice ne les traitait pas. Un médecin m'avait un jour dit que notre culture courait peut-être à sa perte car les individus devenaient trop stupides, notamment à cause du saturnisme. Quand je voyais Chicago, je pensais que ses affirmations portaient une part de vérité. Dans cette ville, on avait de la chance de ne pas se prendre un coup de couteau avant 20 ans, ou, enfant, de ne pas se retrouver en orbite autour de Saturne. Mais ceux qui avaient la protection de l'Etat y échappaient toujours.
Accompagné de ma belle-sœur, je passai près de Buffalo. Sur l'autoroute surélevée, craquelée et pleine de nids-de-poules, je roulai le plus vite possible. Ma belle-sœur me fit remarquer, toujours avec son sourire, les usines en contrebas. Elles étaient toutes fermées, et désaffectées. Les herbes avaient envahi les parkings. Conçus pour abriter des milliers de camions et voitures, seule la carlingue du gardien les occupait. Personne n'y travaillait plus. Peut-être que les moteurs qu'on y fabriquait jadis furent récupérés pour servir d'étagère dans un bicoque quelconque, et que les fils électriques arrachés servaient aujourd'hui à étendre le linge quelque part non loin de là, dans une vallée brumeuse. Elle continuait de déblatérer : "C'est bizarre qu'on ne s'en serve pas pour des décors de cinéma, on pourrait faire exploser tout ça pour rien". Au lieu de répondre par un vague "Oui" grommelé, je rétorquai : "A quoi bon ? Rien d'original ici".
Il y a quelques années, je visitai la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Sur le Danube, le plus long fleuve d'Europe, on avait toujours une forêt sombre digne de ce nom. On pouvait presque entendre les bruits de la lime romaine, et les bruissements des barbares de l'autre côté du fleuve, dans cette forêt germaine, où la furor se déchaînait. D'un côté, la civilisation, de l'autre, la barbarie. Et ce fleuve, traversant tous les pays d'Europe, seul véritable facteur d'unité. Les Hongrois et les Tchécoslovaques avaient un projet de barrage, le Barrage de Gabčíkovo. Ce projet, héritier d'une ère totalitaire, était en train de se concrétiser. La Hongrie aurait une source d'électricité de plus, et le détournement du Danube devait servir les intérêts de la Tchécoslovaquie. La douve noire qui devait tenir lieu de Danube après sa construction serait décalée de plusieurs dizaines de kilomètres. Des Hongrois qui vivaient auparavant en Tchécoslovaquie, au nord de ce fleuve rugissant, vivraient désormais au sud d'une langue noire et suintante. De là, ils rejoindraient vite la Hongrie. Le vieux rêve de démagyarisation, dont l'accomplissement commençait à la Deuxième Guerre Mondiale, se terminait.
(Ndlr : Magyarisation : nom donné à la politique d'assimilation culturelle et linguistique au XIXè et au début du XXè siècle des peuples non-hongrois du Royaume de Hongrie au sein de l'Autriche-Hongrie)
En Chine, les morts servaient sous les drapeaux de la guerre économique. Le trafic d'organes battait son plein, et le pays serait bientôt parmi les premiers fournisseurs. Mêmes les étudiants rebelles, enfermés dans des prisons obscures, participeraient à cet enrichissement national. Lors d'un voyage à Shangaï, j'aperçus des respirateurs dans certaines rues. Certaines personnes y faisaient même la queue. Des mendiants mouraient de faim et d'asthme ici, tous les ans. Les habitants pourrissaient sur place, leurs poumons transformés en ergots noirâtres par les fumées des Usines d'Etat. Des flaques noires parsemaient certaines rues, des moisissures noires s'accumulaient sur des murs gris de poussière. La ville pourrissait, comme une charogne. Je me demandais quels vautours allaient bien pouvoir en vouloir.
A Copșa Mică, la mortalité était énorme. Non que les conditions de vie fussent déplorables. Tout le monde avait à manger, une cuisine, un logis, un chaleureux foyer, de beaux enfants. On y mourait de la bronchite, et des atteintes aux poumons. La mortalité infantile était énorme. Des lignes de tableaux étaient accrochés dans certaines maisons, représentants des nourrissons, morts, mais habillés et placés comme s'ils dormaient, bloqués dans ces cadres. La ville était vivante, elle bougeait, travaillait, fournissait. Mais elle était aussi morte. Elle était et morte et vivante, suçant la vie hors de ses habitants.
Dans la deuxième moitié de l'année 1992, ma mère et mon père moururent tous deux du cancer. Mes frères restèrent à leur chevet des après-midis durant, au cours de leur agonie. Un jour, alors que je veillais auprès de mon père, il releva sa tête d'un coup sec et dit simplement "Calico !" Il reposa ensuite ses mains derrière sa tête, comme il le faisait avant et s'endormit. Il était mort. Le crabe l'avait pris. Ma mère, quant à elle, résista quelques mois de plus. Avant son enterrement, son cadavre fut habillé de sa plus belle robe, celle qu'elle préférait, et quelques-uns de ses gâteaux préférés furent déposés dans le cercueil. Avant que la boîte ne soit refermée, je me penchai pour la voir une dernière fois. Une légère poussière blanche parsemait ses cheveux. Un voile opaque et translucide passait sur ses yeux ouverts, et sa bouche, ouverte, formait un trou béant dans son visage. Alors que j'étais penché, un croque-mort souleva le bout du cercueil, pour l'emmener. Une boue noirâtre à odeur de sang sortit de la bouche de la morte. "Attention ! La robe, la robe !" entendis-je. Et le pharmacien de m'écarter : "Allons donc, avez-vous peur ?"
Je constatai durant mes voyages que les vivants n'étaient plus libres nulle part, à aucune époque de leur vie. Si un vivant ne connaît pas la liberté, pourquoi la connaîtrait-il à la mort ? Et si un mort n'est pas libre de partir, où irait-t-il ? J'entends déjà ma femme monter les escaliers, accompagnée de mes deux très chers enfants. Ils vont me rejoindre. J'ai fermé la porte à clef, elle devrait tenir le temps que je termine mon texte. Un accident de voiture, ce n'est rien, n'est-ce pas ? On peut y survivre. Et même, trois victimes, ce n'est rien, n'est-ce pas ? Juste trois lignes dans le journal local. Ils ont déjà eu ma belle-sœur. La pauvre, elle se rendit sûrement compte durant ses derniers instants qu'elle n'était pas si courageuse qu'elle voulait bien le croire. Je les revois encore, eux et leur peau blanchâtre, leurs yeux vitreux, leur bouche dégoulinant de sang noir, enfoncer la porte de son appartement,. Elle ne comprit pas au premier coup d’œil, moi si. Je partis en courant, la laissant seule, tandis qu'elle leur demandait ce qu'ils avaient, s'ils allaient bien. Je me demande ce que cela lui fit de sentir des mains froides la saisir et des dents ébréchées se planter dans son bras. Depuis des mois, je fuis. Ils me poursuivent, où que j'aille. J'ai déjà essayé de fuir, mais ils marchent. Et en marchant en continu, on peut arriver n'importe où très vite. J'ai essayé d'en parler, mais on me traita toujours de fou: les morts ne se relèvent pas. Ceux qui me croient et tentent de m'aider sont dévorés. Alors j'ai décidé, avant de ne plus avoir la force de le faire, de revenir une dernière fois chez nous. Cette fois-ci, c'est fini, je n'ai plus la force de continuer. Je les entends tambouriner à la porte. Elle commence déjà à craquer. Sur ce, je crois que je peux vous dire : Adieu."
Selon l'expéditeur, cette lettre a été retrouvée dans la maison d'un écrivain aux Etats-Unis, près de Newark. La porte de la chambre était défoncée et des tâches d'un liquide noirâtre, identifié comme du sang mêlé à diverses substances, ont été retrouvées sur le présent texte et dans l'ensemble de la chambre. L'hypothèse la plus probable est que l'auteur du texte ait été tué après un braquage de sa maison, même si la piste du suicide n'est pas à écarter, sa femme et ses enfants étant morts dans un accident de voiture un mois plus tôt. Des témoins ont rapporté l'avoir vu en plusieurs zones de la région, l'air hagard et effrayé, ne restant jamais plus d'un jour au même endroit, et tenant un discours incompréhensible. Le patron d'un motel a affirmé lui avoir donné une chambre qu'il a payée cash pour deux nuits, mais a laissée le soir venu, partant en hurlant de l'établissement. La belle-sœur dont il est question ici demeure introuvable.
"Je voyageais, avec ma belle-soeur, en Europe de l'Est, cherchant de l'inspiration pour un roman horrifique. En fait, je voulais visiter la région de Vlad l'Empaleur, la région de Dracula. Après donc avoir visité le village d'origine de Vlad von Dracul, Târgoviște, en Valachie, nous arrivâmes à Copșa Mică, réputée ville la plus polluée au monde. Perdue dans les montagnes, cette petite ville, ou plutôt ce gros village, était centré sur l'Usine. Cette Usine, projet de Ceaușescu, fabriquait du noir de carbone pour l'industrie du pneu. Elle faisait vivre le village, tous les habitants travaillant ou étant destinés à y travailler. Elle le faisait vivre, mais elle le faisait mourir aussi. Le village était un mort-vivant. Nous le vîmes depuis une colline adjacente. Il était noir. Les murs et les toits étaient noirs. Les fourneaux étaient noirs. Les draps qui étaient suspendus à l'extérieur des maisons étaient gris. Sur la route, une pellicule de poussière jais se déposait.
En chemin, nous croisâmes deux jeunes bergers et leurs moutons. Leur laine était noire, grise à l'endroit où les jeunes gens les frappaient de leurs bâtons pour les faire avancer. Ceux-ci avaient des cheveux noirs, et leurs visages étaient creusés de fines rides de la même teinte. Ma belle-sœur, qui toujours avait des bonnes idées, décida de prendre en photo l'Usine. Mais le gouvernement roumain interdisait de prendre en photo des sites stratégiques. Et les usines étaient des sites stratégiques. Même si l'état policier technocratique soviétique était mort et enterré depuis les années 90, même si Ceaușescu, l'Architecte des Carpates, reposait dans son cercueil, la réglementation était stricte. L'Usine était la propriété de l'Etat, et on ne photographiait pas la propriété de l'Etat. Surtout si le photographe était étranger. Des gardes armées de mitraillettes nous avaient repérés depuis la ville et arrivaient vers nous en camion noir. Je dis à ma sœur de ranger son appareil photo, mais elle refusa. Elle était toujours ainsi, affirmant avoir du courage. Elle ne s'était juste jamais retrouvée en situation de pure impuissance. Les soldats se rapprochaient. Je partis immédiatement en marche arrière et semai les poursuivants avant qu'ils n'arrivent à notre hauteur.
A New-York, je mangeais avec un ami, grand industriel. Il affirmait que par une campagne de lobbying acharnée, il avait débloqué des avantages d'Etat, et des aides substantielles pour ses projets. L'Etat allait l'aider à amortir les pertes initiales et à casser quelques procès. En sortant du restaurant, lorsqu'il monta dans sa Cadillac chromée, je voyais presque le futur : les monorails aériens amenant les badauds à toute allure d'un bout à l'autre de la ville. La voiture évoquait bien cela. Mais alors que je la regardai, je vis aussi, du coin de l’œil, des ouvriers travailler sur un chantier, dans la nuit. Une eau noire, visqueuse et suintante jaillissait d'un tuyau pour se déverser dans la rivière.
En rentrant chez moi, je passai par Chicago. Il paraissait que le saturnisme faisait des ravages là-bas. Le plomb déversé par certaines industries s'accumulait dans les sols et les eaux, comme d'autres poisons. Les procès contre ces géants aux pieds d'argile renforcés de plomb n'aboutissaient jamais. Le Ministère de la Justice ne les traitait pas. Un médecin m'avait un jour dit que notre culture courait peut-être à sa perte car les individus devenaient trop stupides, notamment à cause du saturnisme. Quand je voyais Chicago, je pensais que ses affirmations portaient une part de vérité. Dans cette ville, on avait de la chance de ne pas se prendre un coup de couteau avant 20 ans, ou, enfant, de ne pas se retrouver en orbite autour de Saturne. Mais ceux qui avaient la protection de l'Etat y échappaient toujours.
Accompagné de ma belle-sœur, je passai près de Buffalo. Sur l'autoroute surélevée, craquelée et pleine de nids-de-poules, je roulai le plus vite possible. Ma belle-sœur me fit remarquer, toujours avec son sourire, les usines en contrebas. Elles étaient toutes fermées, et désaffectées. Les herbes avaient envahi les parkings. Conçus pour abriter des milliers de camions et voitures, seule la carlingue du gardien les occupait. Personne n'y travaillait plus. Peut-être que les moteurs qu'on y fabriquait jadis furent récupérés pour servir d'étagère dans un bicoque quelconque, et que les fils électriques arrachés servaient aujourd'hui à étendre le linge quelque part non loin de là, dans une vallée brumeuse. Elle continuait de déblatérer : "C'est bizarre qu'on ne s'en serve pas pour des décors de cinéma, on pourrait faire exploser tout ça pour rien". Au lieu de répondre par un vague "Oui" grommelé, je rétorquai : "A quoi bon ? Rien d'original ici".
Il y a quelques années, je visitai la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Sur le Danube, le plus long fleuve d'Europe, on avait toujours une forêt sombre digne de ce nom. On pouvait presque entendre les bruits de la lime romaine, et les bruissements des barbares de l'autre côté du fleuve, dans cette forêt germaine, où la furor se déchaînait. D'un côté, la civilisation, de l'autre, la barbarie. Et ce fleuve, traversant tous les pays d'Europe, seul véritable facteur d'unité. Les Hongrois et les Tchécoslovaques avaient un projet de barrage, le Barrage de Gabčíkovo. Ce projet, héritier d'une ère totalitaire, était en train de se concrétiser. La Hongrie aurait une source d'électricité de plus, et le détournement du Danube devait servir les intérêts de la Tchécoslovaquie. La douve noire qui devait tenir lieu de Danube après sa construction serait décalée de plusieurs dizaines de kilomètres. Des Hongrois qui vivaient auparavant en Tchécoslovaquie, au nord de ce fleuve rugissant, vivraient désormais au sud d'une langue noire et suintante. De là, ils rejoindraient vite la Hongrie. Le vieux rêve de démagyarisation, dont l'accomplissement commençait à la Deuxième Guerre Mondiale, se terminait.
(Ndlr : Magyarisation : nom donné à la politique d'assimilation culturelle et linguistique au XIXè et au début du XXè siècle des peuples non-hongrois du Royaume de Hongrie au sein de l'Autriche-Hongrie)
En Chine, les morts servaient sous les drapeaux de la guerre économique. Le trafic d'organes battait son plein, et le pays serait bientôt parmi les premiers fournisseurs. Mêmes les étudiants rebelles, enfermés dans des prisons obscures, participeraient à cet enrichissement national. Lors d'un voyage à Shangaï, j'aperçus des respirateurs dans certaines rues. Certaines personnes y faisaient même la queue. Des mendiants mouraient de faim et d'asthme ici, tous les ans. Les habitants pourrissaient sur place, leurs poumons transformés en ergots noirâtres par les fumées des Usines d'Etat. Des flaques noires parsemaient certaines rues, des moisissures noires s'accumulaient sur des murs gris de poussière. La ville pourrissait, comme une charogne. Je me demandais quels vautours allaient bien pouvoir en vouloir.
A Copșa Mică, la mortalité était énorme. Non que les conditions de vie fussent déplorables. Tout le monde avait à manger, une cuisine, un logis, un chaleureux foyer, de beaux enfants. On y mourait de la bronchite, et des atteintes aux poumons. La mortalité infantile était énorme. Des lignes de tableaux étaient accrochés dans certaines maisons, représentants des nourrissons, morts, mais habillés et placés comme s'ils dormaient, bloqués dans ces cadres. La ville était vivante, elle bougeait, travaillait, fournissait. Mais elle était aussi morte. Elle était et morte et vivante, suçant la vie hors de ses habitants.
Dans la deuxième moitié de l'année 1992, ma mère et mon père moururent tous deux du cancer. Mes frères restèrent à leur chevet des après-midis durant, au cours de leur agonie. Un jour, alors que je veillais auprès de mon père, il releva sa tête d'un coup sec et dit simplement "Calico !" Il reposa ensuite ses mains derrière sa tête, comme il le faisait avant et s'endormit. Il était mort. Le crabe l'avait pris. Ma mère, quant à elle, résista quelques mois de plus. Avant son enterrement, son cadavre fut habillé de sa plus belle robe, celle qu'elle préférait, et quelques-uns de ses gâteaux préférés furent déposés dans le cercueil. Avant que la boîte ne soit refermée, je me penchai pour la voir une dernière fois. Une légère poussière blanche parsemait ses cheveux. Un voile opaque et translucide passait sur ses yeux ouverts, et sa bouche, ouverte, formait un trou béant dans son visage. Alors que j'étais penché, un croque-mort souleva le bout du cercueil, pour l'emmener. Une boue noirâtre à odeur de sang sortit de la bouche de la morte. "Attention ! La robe, la robe !" entendis-je. Et le pharmacien de m'écarter : "Allons donc, avez-vous peur ?"
Je constatai durant mes voyages que les vivants n'étaient plus libres nulle part, à aucune époque de leur vie. Si un vivant ne connaît pas la liberté, pourquoi la connaîtrait-il à la mort ? Et si un mort n'est pas libre de partir, où irait-t-il ? J'entends déjà ma femme monter les escaliers, accompagnée de mes deux très chers enfants. Ils vont me rejoindre. J'ai fermé la porte à clef, elle devrait tenir le temps que je termine mon texte. Un accident de voiture, ce n'est rien, n'est-ce pas ? On peut y survivre. Et même, trois victimes, ce n'est rien, n'est-ce pas ? Juste trois lignes dans le journal local. Ils ont déjà eu ma belle-sœur. La pauvre, elle se rendit sûrement compte durant ses derniers instants qu'elle n'était pas si courageuse qu'elle voulait bien le croire. Je les revois encore, eux et leur peau blanchâtre, leurs yeux vitreux, leur bouche dégoulinant de sang noir, enfoncer la porte de son appartement,. Elle ne comprit pas au premier coup d’œil, moi si. Je partis en courant, la laissant seule, tandis qu'elle leur demandait ce qu'ils avaient, s'ils allaient bien. Je me demande ce que cela lui fit de sentir des mains froides la saisir et des dents ébréchées se planter dans son bras. Depuis des mois, je fuis. Ils me poursuivent, où que j'aille. J'ai déjà essayé de fuir, mais ils marchent. Et en marchant en continu, on peut arriver n'importe où très vite. J'ai essayé d'en parler, mais on me traita toujours de fou: les morts ne se relèvent pas. Ceux qui me croient et tentent de m'aider sont dévorés. Alors j'ai décidé, avant de ne plus avoir la force de le faire, de revenir une dernière fois chez nous. Cette fois-ci, c'est fini, je n'ai plus la force de continuer. Je les entends tambouriner à la porte. Elle commence déjà à craquer. Sur ce, je crois que je peux vous dire : Adieu."
Selon l'expéditeur, cette lettre a été retrouvée dans la maison d'un écrivain aux Etats-Unis, près de Newark. La porte de la chambre était défoncée et des tâches d'un liquide noirâtre, identifié comme du sang mêlé à diverses substances, ont été retrouvées sur le présent texte et dans l'ensemble de la chambre. L'hypothèse la plus probable est que l'auteur du texte ait été tué après un braquage de sa maison, même si la piste du suicide n'est pas à écarter, sa femme et ses enfants étant morts dans un accident de voiture un mois plus tôt. Des témoins ont rapporté l'avoir vu en plusieurs zones de la région, l'air hagard et effrayé, ne restant jamais plus d'un jour au même endroit, et tenant un discours incompréhensible. Le patron d'un motel a affirmé lui avoir donné une chambre qu'il a payée cash pour deux nuits, mais a laissée le soir venu, partant en hurlant de l'établissement. La belle-sœur dont il est question ici demeure introuvable.
C'est... très décousu. Pas fondamentalement mauvais, mais difficile à suivre.
RépondreSupprimerJe suis d'accord, j'ai pas vraiment réussi à faire le lien entre les différentes histoires et j'ai trouvé le texte un peu long, pourtant ça a pas l'air mal. :/
SupprimerJ'ai arrêté en cours de route, INCOMPRÉHENSIBLE !
RépondreSupprimerÇa démarrait pourtant bien avec cette histoire de village louche, puis on passe d'une course poursuite confuse... À newyork... Imbitable
C'est tellement confus que je soupçonne le texte de s'être frappé dans sa confusion.
RépondreSupprimerAlors, mon hypothèse, c est que lors de ces voyages, le mec a constaté que les usines des geants aux pieds d argile tuent le monde, faisant des humains des mots vivant et leurs exclaves. A la mort de sa mère, il a fait le lien entre le liquide noir qui se déverse partout dans le monde et a finis par ce rendre compte que le liquide mélange de produits chimiques les ramène a la vie. Ouuuuu a force de fouiner partout il c est fait choper et ces "morts vivant" le poursuivait pour le faire taire.
RépondreSupprimerOh good explanation #!!!!
SupprimerMoi je pense que la vérité est proche de la resurection x) cha fait peur...enfaite
RépondreSupprimerJ'aime bien ^_^
RépondreSupprimerDifficile à comprendre... les morts vivants m'ont fait penser aux fondus dans labyrinthe x)
RépondreSupprimerJe pense que c'est ma pasta préférée de toutes celles que j'ai lu dernièrement. A la fois témoignage historique et fantastique, un style super bien maîtrisé dans la "folie", plusieurs clefs de lecture et plusieurs interprétations possibles... bravo a l'auteur, je suis scotchée ! Je pense que ceux qui ne l'ont pas aimée n'ont pas compris ce que l'auteur essayait de transmettre
RépondreSupprimerI enjoyed this post, thanks for sharing.
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