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lundi 18 mars 2024

Yakoutie #29 et #30 : Problème de remorque et La sans-repos


Temps approximatif de lecture : 5 minutes. 

Yakoutie #29 : Problème de remorque

Voici une autre creepypasta de Yakoutie. C’est même un peu autre chose : quand j'avais environ treize ans, elle faisait le tour de notre village comme une histoire IRL qui s’était passée à l’automne avec des gens de chez nous et avec des noms de lieux spécifiques. Alors, qui sait.

Au cours de l'été, une famille avait coupé du foin pour en faire une botte dans une clairière, près d'un village appelé Syrdakh (qui veut dire « vallonné » en yakoute). Et puis un beau jour, un homme et son frère y étaient allés en tracteur pour la ramener chez eux. Ils avaient tout chargé dans la remorque et étaient rentrés chez eux le soir. Il semble qu’ils n’aient commis aucune erreur liée à la religion et aux coutumes, mais on sait que les abasy peuvent décider d’effrayer les gens sans vraie raison.

Bref, au crépuscule, ils ont atteint la colline à la sortie de l’alaas, et puis le tracteur s’est arrêté. Ce n’est pas qu’il était tombé en panne ou qu’il avait calé, il n’est tout simplement pas allé plus loin et s’est complètement immobilisé. Les hommes se sont grattés la tête, ont appuyé sur l'accélérateur, le moteur a rugi, mais ça n’a eu aucun effet. Le jeune frère a décidé de sortir pour voir ce qui n'allait pas, mais quelques secondes seulement s'étaient écoulées avant qu'il ne retourne dans la cabine, pâle comme la mort. Interrogé par l'aîné, il a balbutié qu'il y avait quelqu'un d'énorme assis au sommet de la botte de foin chargée dans la remorque. L'aîné ne l’a pas cru et s’est retourné pour regarder lui-même, et en effet, il y avait bien un homme d’une taille complètement dingue assis sur le foin, silhouette noire dans le crépuscule du soir. Son dos était droit, ses jambes écartées, ses mains posées sur le foin. Une odeur nauséabonde s'est immédiatement glissée dans la cabine (signe classique de la présence d'un abas). Évidemment, le frère aîné a immédiatement compris que l’invité sur le foin n’avait rien d’humain, mais il a quand même osé l’appeler. Celui-ci n'a pas bougé.

Ils sont restés là pendant environ une demi-heure. Tous deux avaient une peur bleue, ils appuyaient de temps en temps sur l'accélérateur, mais le tracteur ne bougeait pas, la puanteur dans la cabine était telle qu’ils en pleuraient, le soleil se couchait, l'obscurité de l'automne s'épaississait progressivement (et en Yakoutie c'est hyper creepy), le géant noir était toujours assis sur la remorque, bref, une sacrée scène. Les deux hommes pensaient déjà descendre du tracteur et marcher doucement vers Syrdakh (il ne fallait pas courir, il n’aurait plus manqué qu’ils soient poursuivis), quand soudain le bruit du moteur du tracteur a changé. Le plus jeune a eu l’idée de toucher le véhicule, et celui-ci s’est tranquillement mis à avancer. Les frères se sont retournés : personne sur le foin. Ils ont poussé un soupir de soulagement et sont rapidement rentrés chez nous, où ils ont tout raconté à tout le monde.

De plus, ceux qui ont visité cette alaas le lendemain ont déclaré que les roues de la remorque s'étaient enfoncées de près de quinze centimètres dans le sol, comme si la créature assise dessus avait pesé des dizaines de tonnes.

Yakoutie #30 : La sans-repos

C'était dans les années 70 du siècle dernier, dans l'ulus Tattinsky. Tout a commencé quand notre parent éloigné Seraphim est passé nous voir à Ytyk-Kyuel. Après avoir pris un thé, il a dit vouloir rentrer chez lui, à Uolba, mais comme il n'y avait pas beaucoup de voitures à cette époque (et personne n’en possédait à titre privé), il nous a demandé un vélo. En ce temps, presque tout le monde faisait du vélo, vieux et jeunes, hommes et femmes, presque comme en Chine. Nous avions deux vélos et mes parents lui en ont prêté un de modèle « Ural ».

Uolba est situé à 33 km au nord d'Ytyk-Kyuel. La route fédérale qui relie aujourd’hui les deux endroits n’existait pas à l’époque, même si la majeure partie du trajet reste le même. Mais le chemin jusqu'à Uolba était différent : il fallait tourner un peu plus tôt, et la route traversait deux champs, le premier s'appelait « En, ey alaaha ». La route menant au champ arrivait par le côté est, descendait, passait en contrebas des collines (côté nord) et partait du côté ouest en montant devant un petit cimetière et à travers une forêt jusqu'à un autre champ. Si jamais vous vous intéressez à la toponymie yakoute de Gorik, il existe une photographie de ce champ. Il y a une tombe sur chaque colline. Pour ainsi dire, chacun a sa colline à soi. 

Seraphim est entré dans ce champ le soir, au moment où le soleil se couchait. Il roulait en contrebas des collines et s’apprêtait à remonter la route quittant le champ lorsqu’il a vu une femme assise sur l'une des tombes, lui tournant le dos et se peignant les cheveux. Seraphim a été surpris et s’est demandé quel genre de folle s’était donc trouvé une telle place. Arrivé en haut, il s’est arrêté pour la regarder et essayer de comprendre qui elle était. Le soleil l’auréolait alors qu’il se tournait vers elle. C'était une jeune femme, elle s'appelait Christina et s’était pendue peu de temps auparavant avant d’être enterrée à cet endroit. Seraphim ne se souvient pas comment il est rentré chez lui, à environ 3 km. Il est arrivé chez lui dans un état terrible, le cœur à deux doigts de le lâcher. Retrouver son souffle n’a été possible qu’à grand-peine. Mais Christina a ensuite commencé à apparaître partout. Cet été-là, je me souviens, Uolba était comme qui dirait en état de siège. Les gens avaient peur de sortir le soir. Une petite tornade venait constamment de la direction du champ où elle était enterrée et disparaissait près de la maison où elle vivait. Après sa mort, un grand-père s’y était installé. Christina mettait le malheureux dehors tous les soirs, si bien qu’il a fini par ne plus le supporter et a déménagé. Cet été-là, j’allais parfois à Uolba avec ma grand-mère, et elle ne nous laissait jamais sortir jouer dehors après le dîner. Je me souviens qu'on racontait que Christina était tombée sur celle qui était sa meilleure amie alors que celle-ci rentrait les vaches. Après cette rencontre, elle aussi avait passé beaucoup de temps à l'hôpital. Et le plus intéressant est que les chauffeurs russes qui apportaient des marchandises à Uolba l’avaient aussi vue assise sur la tombe en train de se peigner. Et on racontait qu’ils demandaient à tous les habitants : « Mais qui est donc cette folle qui s’asseoit sur une tombe pour se coiffer ? »

Je me souviens comment ma grand-mère grommelait sur le fait que cette femme morte d’une mauvaise mort avait été enterrée dans le cimetière commun, comme l’aurait été quelqu'un qui aurait eu un décès normal. C'est-à-dire sur le dos, sans placer sa tête dans un pot en terre cuite. Ou face contre le sol. Une étoile avec des fanions avait de plus été clouée sur la pierre tombale. 

Puis l'hiver est arrivé. Et en avril de l’année suivante, Terenty, le père de Seraphim, un vieux communiste, a acheté plusieurs kilos de sel et en a répandu sur toute la surface de la tombe afin que le sel et la neige fondue soient absorbés par le sol. Personne ne l'a revue depuis.

Voilà toute l'histoire. Et le vélo que nous avions prêté est revenu et nous l’avons gardé jusque dans les années 80.

Cette creepypasta vous est offerte grâce au travail de Magnosa qui a assuré sa traduction du russe vers le français à partir de l'originale que vous pouvez trouver sur Mrakopedia, de Kitsune qui a participé au processus d'analyse et de sélection conformément à la ligne éditoriale, et de Trinity qui s'est chargé de la correction et la mise en forme. L'équipe de Creepypasta from the Crypt n'affirme ni ne dément la véracité du présent article et invite les lecteurs à se faire leur propre avis sur la question. L'équipe décline également toute responsabilité en cas de disparition ou de mort, douloureuse ou non, s'ensuivant des éventuelles recherches menées à cet effet.

1 commentaire:

  1. J'aime toujours autant les pastas yakoutes, ce sont toujours d'intéressantes découvertes culturelles !

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