Salut !
Je poste ici la transcription d'un enregistrement des aveux d'un criminel espagnol. Il me vient d'une amie espagnole qui fait un stage dans un commissariat (pour moi, tout bâtiment lié à la police s'appelle commissariat, je n'ai plus le nom exact en tête, et la flemme de le chercher). Et je le trouve assez bizarre. Celui qui parle a l'air sacrément toqué.
Début de l'enregistrement effectué dans le cadre de la procédure judiciaire
J'en peux plus de vos questions... J'en ai assez. J'en peux plus de tout en fait. De toute façon, ce sera bientôt fini, j'en suis sûr. Enfin, j'espère.
Vous voulez que je vous raconte ce qu'il s'est passé, pas vrai ? D'accord. Mais après, vous me laisserez tranquille. J'en peux plus.
Tout a commencé avec les affaires que vous savez. On peut passer dessus vite fait. J'avais des ennuis, des ennuis avec des gens peu recommandables, et avec la police aussi. Eh oui, même en Valence, on a de la criminalité de comp... (Tousse tousse)... de compétition.
Alors je suis allé me confesser au Père Pedro. Il me connaît depuis l'enfance. Il a beau savoir que j'ai un don pour m'attirer des ennuis, là, c'était pire que... (il s'arrête pour reprendre son souffle)... pire que jamais. Oui, vous savez, dans ma famille, on est très croyants, et j'ai toujours respecté ce vieil homme sympathique. Je croyais sincèrement qu'il pourrait m'aider, trouver une solution, avec ses contacts. Comme les autres fois. Si j'avais su. Une solution, ouais... Mais court-termiste... (Tousse tousse).
Oui, donc, je reprends. Il a tout de suite compris. Il m'a dit "Je vois, je vois" comme à son habitude. Ensuite, il m'a donné une adresse où je devais me présenter. Alors moi, comme le pigeon que je suis... (Tousse tousse)... j'y suis allé... (Il s'arrête encore une fois pour reprendre son souffle).
J'y suis arrivé deux jours plus tard, comme il m'avait dit. C'était une petite maison paumée, mais assez jolie, assez cosy comme on dit, le genre de petit cottage rentable à outrance, si vous voyez ce que je veux dire. Un gars standard m'a ouvert quand j'ai frappé et je me suis présenté comme venant du père Pedro. Il m'a ensuite regardé bizarrement, et m'a prié de le suivre sans autre forme de procès. Alors bon, puisque le père Pedro me disait de lui faire confiance pour résoudre tous mes soucis, je l'ai suivi... (Tousse tousse)...
Il m'a amené dans une salle à manger tout à fait standard, le genre de salle à manger qu'on trouve dans un cottage de base, sauf que la table était vachement épaisse. Normal, un tiroir était caché sur le côté, comme dans ces vielles tables de campagne où on met le pain dans un tiroir en bout de table. Alors le type, l'air de rien, en a sorti une brindille avec un bouchon d'un côté, et un nœud de l'autre. Moi, je me disais qu'il se moquait de moi, que le père Pedro devenait sûrement un peu sénile avec l'âge... (Tousse tousse).
Il a pris la parole : "C'est un animalito. Il vit dans cette brindille creuse". Là, j'ai ouvert des yeux ronds. L'animalito, c'était une bête magique en Espagne. Maupassant en a parlé dans un de ses bouquins je crois, que je n'ai pas lu, d'ailleurs... (Tousse tousse)... J'aurais dû, ah ouais, j'aurais dû. Je comprenais rien du tout... (il s'arrête, et ferme les yeux, comme sur le point de s'évanouir, mais se reprend après une profonde inspiration)... "Il va t'aider. Il te protégera. Avec lui, tu pourras courir de Valence à Murcia sans t'arrêter".
Alors là, j'ai pété un câble. Je passerai les détails. Mais le gars a fini par tenter me poignarder, comme ça. Au lieu de me transpercer, la lame a été déviée au dernier moment, miraculeusement. Et cela plusieurs fois. J'étais tout de même sceptique. Alors il m'a envoyé la miche de pain en plein dans la figure, mais elle a elle aussi été détournée. Après plusieurs tests du genre, j'étais convaincu. C'était un truc de fou ! ... (Tousse tousse)... A priori, ça me sauverait bien... (Tousse tousse)...
Si j'avais su le prix à payer. Enfin si, je le savais. Le gugus me l'avait dit. L'animalito devait être nourri. Nourri par de la chair d'enfant baptisé... (Tousse tousse)... Quand il sortait de la brindille pour manger, je le voyais. Un corps filiforme, marron, des pattes énormes par rapport au corps, et une bouche toute aussi grande, pleine de rangées de dents. Au début, je m'introduisais dans des morgues, ou autres établissements du genre. J'avais l'habitude. Ouais, d'ailleurs, c'est pour ça que je suis là, devant vous... (Tousse tousse)... Facile pour moi, habitué aux traf... (Tousse Tousse)... aux trafics de tous poils. Après, vous avez commencé à surveiller ces endroits, normal. Alors j'ai plus pu. Et puis, les familles surveillaient leurs enfants de près après ces enlèvements de cadavres. Ouais, les rumeurs de nécropédophilie, c'était moi, ouais... (Tousse tousse)... j'avoue tout. Mais j'en ai plus pour longtemps, de toute façon... (Tousse Tousse)...
Bref, j'ai fini par plus pouvoir le nourrir. Ce que je savais pas, c'est qu'il se nourrirait tout seul. Je devenais de plus en plus émacié. Ouais, j'étais très endurant, invincible, tout. Mes ennuis étaient réglés. Pas de problème de ce côté là...( Tousse tousse)... Mais je maigrissais à vue d'oeil. Je devenais squelettique, de plus en plus. Il me bouffait... (Tousse tousse)... Et là... (Tousse tousse)... il continue... (Tousse tousse)...
Fin de l'enregistrement
Note : l'interrogé est mort quelques jours après l'interrogatoire. D'après les médecins légistes, la cause du décès est la sous-nutrition, mais les organes internes étaient incroyablement abîmés, comme déchiquetés de part en part par de minuscules lames de rasoir.