Temps de lecture approximatif : 19 minutes
Ce serait un euphémisme de dire qu'étant qu'enfant, j'étais accro à League of Legends.
Chaque jour, en rentrant de l'école je n'avais qu'une seule envie : jouer le plus possible avant l'heure de dormir. Je ne me préoccupais de rien sinon de mon classement que je pensais dégrader chaque seconde où je n'étais pas en ligne. Si j'étais privé du jeu pendant quelques jours, je devenais « schizophrène, » comme un toxico au crack en désintox. Je n'étais pas Faker, mais je suis presque sûr que je passais autant de temps à jouer que lui et il n'est pas exagéré de dire que mon obsession était presque fatale : je pouvais jouer pendant plus de vingt heures sans nourriture, sans eau ou sans sommeil.
Les choses se sont améliorées depuis. Vous serez peut-être heureux d'apprendre que j'ai supprimé le jeu il y a deux ans de cela et que je n'y ai plus jamais retouché.
Je n'ai pas seulement arrêté d'y jouer, j'évite même les gens quand ils en parlent. Si quelqu'un me pose des questions à ce propos, je prétends ne pas savoir de quoi il s'agit. J'ai jeté tous les goodies que j'avais achetés et supprimé tous les manuels de stratégie que j’avais téléchargés. Je reste le plus à l'écart de tout ce qui touche à League of Legends.
La raison qui me pousse à rejeter tout souvenir lié à ce jeu découle d'une longue épreuve que j'ai endurée à l'âge de seize ans. J'étais seul à la maison un soir, jouant à un match de League comme à mon habitude.
Pour comprendre comment le jeu fonctionne, vous pouvez aller tester vous-même - c'est le jeu PC le plus populaire au monde, bien que je le déconseille fortement si vous voulez avoir une vie. Pour vous faire gagner du temps, je vais seulement expliquer les connaissances de base nécessaires pour comprendre mon histoire.
Pour ceux qui n'y sont pas familiers, League of Legends est un MOBA qui repose sur les compétences, la stratégie et le travail d'équipe. Chaque joueur est appelé un « invocateur » et incarne un « champion » dans le jeu avec des pouvoirs et des capacités uniques. Les parties durent chacune environ une demi-heure et vous pouvez choisir un champion différent à chaque partie. Il y a trois voies sur une carte appelée la « Faille de l’invocateur » et des tourelles défensives sont placées le long de chacune d'elles. Deux équipes s'opposent, composées de cinq invocateurs chacune, généralement crées au hasard grâce à un algorithme, et l'objectif du jeu est de faire tomber les tourelles ennemies afin de détruire leur base et de remporter la victoire.
Si votre champion est attaqué par un autre ou par une tourelle, il perd des points de vie et meurt si ces derniers tombent à zéro. Mourir dans League Of Legends implique que vous ne pourrez plus aider vos coéquipiers et que vous devez attendre un certain temps avant de réapparaître pour leur prêter main-forte. Vous pouvez attaquer les champions ennemis et les tuer afin qu'ils ne puissent pas défendre leurs tourelles, ce qui vous donne de l'or pour acheter des objets et rendre votre champion plus fort. Autrement, l'or s'obtient en tuant les « sbires » ennemis, qui sont de petits êtres qui aident leur équipe à attaquer les tourelles.
Chaque fois que vous lancez une partie, vous avez le choix entre une large variété de champions. Certains sont plus difficiles à jouer que d'autres, et chacun nécessite du temps afin de le maîtriser parfaitement. J'étais habitué à jouer des champions connus sous le nom d'ADC, des attaquants à distance disposants d'une santé maximale inférieure à celle de la plupart des autres champions.
Comme les ADC sont particulièrement vulnérables en début de partie à cause de leur fragilité face à d'autres types de champions, il est habituel de les voir jouer aux côtés d'un champion de soutien que l'on appelle « support, » infligeant de faibles dégâts mais disposant de capacités utiles à son équipe telles qu'améliorer les attaques de l'ADC, soigner des champions autour d'eux, protéger ses coéquipiers des attaques ennemies, étourdir ses adversaires afin que l'ADC puisse combattre en minimisant les risques ainsi qu'une multitude d'autres effets utiles, dépendant du champion de support choisi. En fin de partie, un champion ADC peut mener l'équipe à la victoire, étant capable d'anéantir des équipes ennemies entières en quelques secondes.
En raison du manque de dégâts et de l'obligation parfois humiliante de protéger et servir son ADC, les joueurs trouvent souvent le rôle de support ennuyeux et dégradant à jouer. Ils sont souvent blâmés par leur équipe. Cependant, un bon support est recherché par tous les joueurs d'ADC, et je n'y ai pas fait exception. Je demandais toujours à des amis de jouer ce poste clé, et ayant moi-même un bon niveau, ils acceptaient généralement.
Ce soir-là, je venais de terminer victorieux un match qui s'était complètement retourné après un terrible début de partie, au cours duquel une défaite semblait évidente. Je n'avais jamais été aussi frustré de ma vie. Notre équipe était pleine de noobs, j'avais été absent, ou AFK, pendant près d'une demi-heure après une déconnexion due à mon réseau internet et à mon retour, ce dernier n'étant toujours pas stabilisé, ce qui rendait la partie tout simplement injouable. Tout ce que je pouvais faire était d'essayer de ne pas mourir. Lorsque j'ai vérifié les résultats finaux, j'ai été très surpris de voir un support avec un score de 18 victimes et seulement 1 décès tandis que tout le monde avait fait environ 2 victimes pour 5 décès tout comme moi.
À ma grande surprise, ce joueur de support m'a demandé en ami avant de quitter la partie, et j'ai rapidement accepté. Le nom d'utilisateur n'était qu'une suite de chiffres aléatoires, nous l'appelleront donc Sofia. Voici comment s'est déroulée notre conversation :
47829983749201 : Salut
Joshmillr : Salut GG
47829983749201 : GG ouai tu as jouer comme un noob
Je suis généralement un gars plutôt gentil - je jouais pour m'amuser, pas pour provoquer des problèmes. Habituellement, si les joueurs étaient toxiques, je n'hésitais pas à les bloquer. Bien qu'à ce stade j'aie ressenti un peu d'animosité de la part de Sofia, je pensais que ce n'était que des plaisanteries. Nous ne nous connaissions même pas encore, et c'était vrai que ma performance dans le dernier match était effroyable.
Joshmillr : j'étais afk et j'ai eu un mauvais ping
47829983749201 : tu as l'air bon a priori vue ton historique
Les joueurs peuvent vérifier les résultats des parties précédentes des autres joueurs sur leurs profils.
Joshmillr : je suis bon normalement
47829983749201 : tu joue seulement ADC?
Joshmillr : ouais je joue surtout lucian et ezreal. tu est un tres bon support d'ailleurs
47829983749201 : c'est quoi ton nom ?
Joshmillr : josh. et toi ?
47829983749201 : sofia
Joshmillr : t'es une fille ?
47829983749201 : ouais un problemes ?! »
Sur League, il y a probablement plus d'hommes prétendant être des femmes que de vraies femmes. On estime que seulement 10% de la base de joueurs de League est féminine (bien qu'il puisse y avoir plus de joueuses anonymes).
Joshmillr : aucun je demandait juste
47829983749201 : tu pense que je dois être nul parce que je suis une fille
Joshmillr : non, je n'ai jamais dit ca c'est juste que je n'ai pas vu beaucoup de filles ici
47829983749201 : ugh pourquoi c'est toujours comme ça
Joshmillr : bin désolé je ne voulais pas t'offenser
C'était peut-être une erreur de demander, mais à l'époque je ne pouvais pas penser que cette fille était une putain de dégénérée. J'ai fermé la discussion, prêt à ne plus jamais lui reparler, quand j'ai reçu une invitation à jouer venant d'elle. Malgré notre première conversation plutôt froide, je savais qu'elle était une bonne joueuse de support, donc si elle me respectait suffisamment pour m'inviter, quel mal cela pourrait-il faire ? Après avoir vérifié que ma connexion était correcte, je suis entré dans sa partie. Grâce à nos compétences combinées, nous avons remporté une victoire facile, l'équipe ennemie capitulant en seulement 25 minutes.
De là a commencé une ère de succès, une chaîne de victoires consécutives qui a rarement été brisée. Tant que ma connexion était bonne et que je restais concentré, nous étions un duo imparable, détruisant tous nos adversaires comme des châteaux de sable. Elle semblait être en ligne tout le temps, encore plus que moi, ce que je trouvais étrange mais pratique. Je ne jouais jamais sans elle et tant que nous ne tombions pas avec des coéquipiers trop médiocres, nous étions victorieux.
Je n'avais jamais eu de partenaire aussi compétent auparavant dans le jeu, donc je ne me souciais pas trop de tout ce qu'elle me disait, tant qu'elle acceptait de continuer à jouer avec moi. Cependant, ce serait un mensonge de dire que je n'étais pas irrité par son tutorat constant. Pour une raison quelconque, elle ressentait le besoin de me rappeler constamment que j'étais le facteur limitant de notre duo.
Après chaque partie, vous pouvez en télécharger et regarder une rediffusion pour analyser ce que vous ou tout autre joueur avez fait durant le match. C'est un outil d'apprentissage incroyablement utile, mais il devient ennuyeux si on en abuse.
Je lui ai donné mon numéro WhatsApp car il était plus facile d'envoyer des messages en dehors du jeu. Au début, League of Legends était tout ce dont nous parlions, et elle ne semblait pas du tout désireuse de me connaître, alors j'ai abandonné les efforts. Même après avoir remporté des matchs, elle m'envoyait des vidéos des replays de mes coups ratés ou des moments où j'aurais dû faire autre chose. Cela venait toujours avec une remarque sarcastique inutile. Même si je détestais ça, elle avait généralement raison, et accepter la critique est un élément clé de l'amélioration de ses capacités. Elle m'a aidé à améliorer ma technique, ce qui s'est reflété dans mes performances. Peut-être que c'était juste sa personnalité, et je me devais d'être reconnaissant qu'elle soit prête à me consacrer autant de temps, pensais-je à l'époque.
Après un certain temps, nous avons commencé à discuter davantage. J'ai découvert qu'elle avait quinze ans et qu'elle vivait en France. Elle était également scolarisée à domicile car elle était victime de harcèlement quand elle était enfant, ce qui était probablement la raison pour laquelle elle avait autant de temps libre. Elle aimait écouter du heavy metal et du screamo. Surtout, elle m'a fait comprendre qu'elle « n’était pas normale » et m'a même envoyé ses divers diagnostics de psychologues affirmant qu'elle avait des troubles bipolaires et des problèmes de colère. Bien sûr, j'avais bien remarqué qu'elle avait des problèmes, mais elle n'était pas aussi mauvaise que certaines personnes. Elle était drôle et gentille parfois, quand elle était de bonne humeur. Je pensais que si je lui parlais plus souvent nos conversations pourraient être thérapeutiques pour elle.
Elle m'a envoyé une photo d'elle cosplayant une championne support, Sona. Si la fille sur la photo était bien elle, elle était absolument magnifique. Elle avait de longs cheveux ondulés qu'elle avait teints couleur ciel et de magnifiques yeux bleus éclatants. J'ai considéré la possibilité évidente que je me faisais arnaquer, mais pour être honnête, je me fichais de ce à quoi elle ressemblait tant qu'elle m'aidait à remporter des victoires. Pourtant, ça faisait du bien de penser qu'il pourrait y avoir une fille derrière cet écran. Peut-être qu'un jour nous pourrions même nous rencontrer.
Lorsque nous perdions des matchs, ce qui était rare au début, elle s'énervait très fort. Ses réactions étaient tellement exagérées que les premières fois, même pour quelqu'un avec des troubles bipolaires, je pensais qu'elle devait utiliser le sarcasme pour faire passer son message. Elle maudissait les autres membres de l'équipe, recherchait et analysait l'historique de leurs matchs et regardait les rediffusions de leurs erreurs encore et encore, m'envoyant des messages tel que « Qu'est-ce qu'il faisait cet attardé ? » à divers moments de la rediffusion. C'était généralement des invocateurs alliés quelconques que nous ne reverrions jamais. Il était rare de rencontrer quelqu'un aussi obsédé par le jeu que moi, et j'ai lentement commencé à découvrir que son engouement était bien pire que je ne le pensais au début.
Plus vous gravissez les échelons du classement, plus les parties deviennent difficiles. Vous êtes contre des adversaires plus expérimentés et il devient de plus en plus compliqué de maintenir vos séries de victoires. Le moment est finalement venu où nous avons stagné et nous devenions tous les deux très frustrés.
Nous étions dans un match, et un membre de l'équipe ennemie a marqué un « pentakill, » signifiant qu'il avait réussi à éliminer toute notre équipe en peu de temps. Je pensais qu'il devait être un joueur professionnel sur un compte de plus petit niveau, car personne dans notre équipe n'était réellement mauvais, mais malgré cela notre adversaire nous terrassait un par un grâce à sa maîtrise exceptionnelle du jeu. Alors que tous nos champions morts gisaient dispersés à travers la carte, la discussion a explosé avec des accusations contre notre support Sona, la championne que Sofia jouait.
« Si Sona utilisait son soin, on aurait tué leur ADC, a écrit quelqu'un dans le chat. »
« Pourquoi tu n'a pas utilisé ton soin sona ? »
« cette stupide sona n'a pas utiliser son ult »
« sona noob »
j'espère que ta mere aura un cancer »
Je suis rapidement intervenu, car je ne voulais pas la voir se faire crucifier par nos coéquipiers.
« Fermez-la et jouez, » leur ai-je répliqué.
Une fois ressuscité, j'ai continué à jouer, avec encore plus de concentration qu'auparavant. L'équipe ennemie était plutôt moyenne en dehors de ce seul gars, donc j'ai pensé que nous avions une chance de gagner tant que nous ne reproduisions pas nos erreurs et restions au taquet. Cela m'a rendu plus déterminé à mieux jouer et à me battre jusqu'à la fin.
Quand j'ai regardé la carte après un moment, j'ai remarqué que Sona était ressuscitée, mais elle se tenait immobile à la base. Elle se déplaçait parfois à l’intérieur, mais c'était tout. Quand je m'en suis rendu compte, je suis devenu furieux. Le jeu est fait pour être joué en équipe, vous êtes donc lourdement pénalisé si vous quittez une partie sans qu'elle soit terminée. Si vous en avez marre, vous ne pouvez donc rien faire d'autre qu'aller à la base et attendre la fin, abandonnant ainsi vos coéquipiers. C'est exactement ce qu'elle faisait, elle me laissait tomber alors que la partie n'était pas perdue.
J'ai essayé de la convaincre de revenir en jeu et je lui ai même envoyé un texto sur WhatsApp. Elle ne répondait à rien, j'ai donc décidé de continuer sans elle. La communauté de League Of Legends est réellement toxique et il faut avoir les nerfs solides pour ne pas céder aux insultes, alors je me suis honnêtement demandé comment elle avait pu arriver aussi haut dans le classement si elle perdait si facilement son sang-froid. Les autres membres de notre équipe étaient tout aussi en colère et beaucoup ont commencé à envoyer des messages d'insultes ciblés contre elle. Nous avons été assez rapidement vaincus et dès que j'ai quitté la partie, j'en ai entamé une nouvelle sans elle.
J'étais absolument furieux qu'elle m'ait abandonné ainsi. Maudis-moi, blâme-moi, fais tout ce que tu veux et je le tolérerai, mais laisse tomber notre équipe, et c'est fini. Je me sentais trahi et je pensais qu'elle était si pathétique et immature qu'elle ne soit même pas capable d’ignorer quelques remarques grossières. Et par-dessus tout, je n'avais pas besoin d'un coéquipier qui valorisait sa propre fierté plus qu'une victoire d'équipe.
Quand elle a réalisé que j'avais lancé une partie sans elle, elle a commencé à m'envoyer des textos sur WhatsApp. J'ai lu ses premiers messages.
« Ils m'ont encore fait pleurer. »
« Ça m'arrive toujours… »
« Pourquoi suis-je si sensible ? »
Son apitoiement m'a énervé, alors j'ai mis mon téléphone en silencieux et j'ai continué à jouer. Mes résultats n'étaient pas aussi bons que lorsque je jouais avec elle, mais ils étaient assez décents. En fait, même avec les défaites supplémentaires, il semblait libérateur de ne plus dépendre d'elle. J'ai réalisé à quel point elle m'avait aspiré au cours du mois dernier, et j'ai juré de développer mes propres compétences et de repartir la tête haute. Après quelques matchs, j'ai décidé que j’avais assez joué et je suis parti me coucher.
Le matin, je me suis réveillé avec plus de 100 messages non lus. J'ai ouvert WhatsApp et à mon horreur, j'ai été accueilli par une série d'images sanglantes qui m'ont presque fait vomir. Je venais de me réveiller et je n'étais pas du tout préparé à affronter une telle vision. Elle avait fait plusieurs coupures sur ses bras avec un couteau et m'avait envoyé les photos, de profondes lacérations croisées. Il y avait de grandes taches brunes de son effusion de sang sur le tapis et les draps à l'arrière-plan. J'ai fait défiler vers les messages :
« Pourquoi tu m'ignores ? »
« ARRÊTE DE M'IGNORER »
« PARDON »
« PARDON »
« PARDON »
« PARDON »
Les images ont commencé après les plaidoyers. Elle m'avait envoyé des photos des diverses coupures et ecchymoses qu'elle s'était infligées aux bras, aux jambes et au ventre. J'ai pensé que c'était probablement mon indifférence qui avait causé ce gâchis, et j'ai immédiatement regretté.
*Sofia est en train d’écrire…*
« bonjour »
J'avais peur de ce qu'elle pourrait faire ensuite – je ne savais pas quoi dire. Au lieu d'envoyer des SMS, je l'ai appelée. Elle a décliné les premières fois, mais j'ai continué d'essayer et elle a finalement répondu.
« Sofia ?
– Hey. »
Sa voix était douce et calme.
« Ravi de te parler Sofia. Écoute, si c'était ma faute, je suis vraiment désolé. S'il te plaît ne prends pas ce jeu autant au sérieux, je veux juste que nous nous amusions. Te faire ça à pour ce que quelqu'un a dit ou a fait, même moi, n'en vaut vraiment pas la peine, ai-je dit avant de laisser place au silence pendant un moment.
– J’ai pleuré toute la nuit. Je pensais que tu ne me parlerais plus, a-t-elle répondu en ayant l'air d'étouffer.
– J’étais juste en colère contre ce que tu as fait, désolé de t'avoir ignorée. Cela ne se reproduira plus.
– J'en ai plus, mais je ne les montrerai pas tous. »
Elle m'a envoyé une autre image, cette fois d'un écran de téléphone. Il y avait encore plus d'images de coupures ensanglantées qu'elle avait envoyées à un autre numéro.
« À qui les as-tu envoyées ?
– C'est mon autre numéro de téléphone.
– Pourquoi envoyer les photos dessus ?
– Je veux voir à quoi ils ressemblent lorsque tu les reçois sur WhatsApp. Parfois, ils recadrent l'image. »
J'étais terrifié et extrêmement inquiet pour sa santé. Elle était à la fois incroyablement consciente d'elle-même et tout autant fragile mentalement.
« As-tu soigné les coupures ?
– J'ai mis des pansements.
– Va à l'hôpital et prends des médicaments pour tes plaies, elles pourraient être infectées et tu pourrais devenir vraiment malade. Sérieusement.
– Pourquoi tu t'en soucies ? a-t-elle demandé soudainement désemparée.
– Parce que tu es mon amie et que tu m'as vraiment fait peur. Il ne s'agit pas de ce putain de jeu. Je ne veux pas que tu te blesses.
– Ok, d'accord. »
Elle a raccroché.
Je n'étais pas entièrement convaincu qu'elle suivrait mes conseils. Ce jour-là à l'école, tout ce à quoi je pouvais penser, c'était ces images sanglantes, qui m'avaient beaucoup chamboulé. Je n'avais jamais vu d’images de blessures aussi détaillées, capturées sous tous les angles. La substance rouge épaisse coulait des coups de couteau et des lames dans ses bras, tachant ses meubles et éclaboussant les murs, coagulée dans son tapis. À plusieurs reprises, je l'entendais crier et pleurer dans ma tête.
Était-ce ma faute ?
Quand je suis rentré chez moi, la première chose que j'aie faite a été d'appeler Sofia. J'ai demandé si elle était allée à l'hôpital et, à mon grand soulagement, elle a dit qu'elle s'était procuré un traitement. Tout ce qu'elle voulait faire maintenant, c'était jouer. Pour la première fois depuis des années, je ne me sentais pas du tout d'humeur à jouer, mais j'ai accepté pour la rendre heureuse.
Aucun de nous n'était en très bon état, et cela s'est reflété dans nos performances de jeu. Nous perdions, elle était en rage, et je pouvais dire que chaque match la rendait de plus en plus excitée.
« Vous ne mettez même pas d'auto-attaque, vous êtes nuls ou quoi ? »
« Regardez la carte sales noobs! »
« Dégage de la voie du bas ! »
« Mais il est où notre jungler ? »
Je lui ai dit de se calmer et de faire une pause, et quand elle a refusé, je me suis déconnecté. Elle est devenue incroyablement en colère et a commencé à m'envoyer des SMS menaçants, me disant qu'elle piraterait mon compte et enverrait des choses à mes amis. J'ai décidé que j'en avais assez de cet abus à cause d'une partie, et si elle ne se calmait pas le matin, je la bloquerais pour de bon.
Le lendemain matin, j'ai reçu encore plus de photos de coupures et d'ecchymoses sur ses membres. Mon cœur s'est serré quand un autre message est arrivé.
« Ils l'ont emporté.
– Ils ont emporté quoi ? »
Elle m'a laissé un vu pendant un moment, alors je me suis inquiété et j'ai appelé.
« Qui a emporté quoi ? ai-je répété quand elle a décroché.
– Mon ordinateur. Mes parents sont rentrés du travail hier et ont vu des taches de sang.
– Oh mon Dieu...
– Ils ont dit que le jeu me rendait violente.
– Tu ne leur as pas dit que c'était ton plaisir, ton échappatoire ?
– Aucune excuse, ils ont dit. Je ne pouvais rien faire.
– Je suis désolé. »
Je ne savais pas quoi dire.
« Je n'ai rien. Il ne me reste plus rien.
– Sofia, il y a plus dans la vie que ce jeu.
– C’est exactement ce qu'ils m'ont dit. Tu es comme eux. Je jouais pour échapper à leurs abus, pour oublier tous les brutes et les menteurs. »
J'ai entendu du verre se briser en arrière-plan, alors qu'elle criait et martelait violemment quelque chose.
« J'ai un marteau. »
Sa voix était soudainement aiguë et calme, comme un adulte parlant à un enfant. Elle s'est mise à rire. Les fous rires étouffés se sont transformé en hurlements.
« Tu sais ce que je vais faire avec ce marteau ?! Briser toutes ces pourritures comme ils m'ont brisée ! Je vais les casser…. JE VAIS LES BRISER !
– Quoi que tu veuilles faire, ne le fais pas... Sofia ! SOFIA ! »
J'ai entendu des bruits aigus, du verre et de la céramique se briser. Elle a raccroché. Je l'ai immédiatement supprimée de mes amies et l'ai bloquée sur le jeu, puis je l'ai bloquée sur WhatsApp. C'était assez, et je ne voulais plus entendre parler de cette folle. J'avais un mal de tête terrible et je tremblais, alors j'ai pris de l'aspirine et je me suis couché. Extrêmement frustré peut-être, mais dans l'ignorance du cauchemar qui m'attendrait le lendemain matin.
À 6 h 24 le lendemain, j'ai reçu un message WhatsApp d'un numéro que je ne connaissais pas, mais j'ai tout de suite su qui c'était. J'ai roulé des yeux de frustration, prêt à bloquer et à supprimer.
« Pourquoi as-tu abandonné ton support ? »
« Elle était toujours là pour t’aider. »
« Elle ne t'a jamais quitté. »
« Elle s'est sacrifiée pour toi. »
« La détestes-tu ? »
Un par un, les messages continuaient à arriver. Mon cœur a commencé à battre la chamade et des gouttes de sueur se sont formées sur mon front.
« Vous étiez censés vous protéger. »
« Aide-la lorsque les temps sont durs comme si elle avait fait de même. »
« Mais il est trop tard maintenant, Josh. »
« Regarde ce qui se passe lorsque tu lâches ton support. »
Une image est apparue. J'ai dû presser ma main contre ma bouche pour m'empêcher de vomir le dîner de la nuit dernière sur le tapis.
C'était une image sombre et granuleuse, mais on ne pouvait pas se méprendre sur ce qu'elle montrait. La fille aux cheveux bleus que j'avais vue sur la photo il y a quelque temps était appuyée contre la porte d'une armoire, la tête penchée sur le côté.
Ses yeux avaient été arrachés, laissant voir des orbites vides. Son nez avait été creusé et reposait sur sa joue comme un accessoire de costume en plastique, la chair exposée scintillant en-dessous. Le sang avait commencé à coaguler dans certaines zones, et dans d'autres, la lumière se reflétait sur le liquide épais, toujours brillant et suintant. Il y avait des lacérations sur tous ses membres, certaines anciennes et d'autres nouvellement formées. La chair de son bras gauche avait été déchirée si sévèrement qu'une section osseuse de son bras avait été découverte. Sa robe était déchirée, révélant sa poitrine exposée où elle avait été poignardée violemment, plusieurs fois.
Mon téléphone a sonné.
« Aucune aide. Sona est morte. »
J'ai crié. Mes parents sont entrés dans la pièce et je suis tombé en leur racontant ce qui s'était passé.
Ils ont appelé la police et après une enquête, ils nous ont dit que les autorités françaises avaient déjà été informées. Une jeune fille de quinze ans en France a été arrêtée après avoir assassiné brutalement sa sœur cadette. Elle avait habillé sa sœur de quatorze ans avec une perruque et un costume de cosplay, puis torturé et mutilé son corps avant de la poignarder à mort. Elle n'avait aucun antécédent d'automutilation, mais était connue pour avoir passé sa colère contre des objets ménagers et d'autres personnes.
Après avoir entendu cette histoire, je me suis souvenu des images sanglantes de la chair déchirée qui m'avaient été envoyées. J'ai finalement vomi. Je me suis recroquevillé dans mon lit, pleurant et tremblant pendant une heure après avoir supprimé toutes les traces de League of Legends de mon ordinateur et supprimé WhatsApp pour de bon.
Ces images reviennent me tourmenter chaque fois que je suis seul dans un endroit sombre. Voilà pourquoi j'évite tout ce qui est lié à ce jeu. Je dis aux gens de ne pas utiliser l'abréviation « LoL » lorsqu'ils m'envoient des messages. Je ne joue plus aux jeux vidéo, je ne vais plus aux conventions. Aujourd'hui, le seul support dont j'ai besoin est émotionnel.
Traduction de Luzgar
Sofia ou Sona ?
RépondreSupprimerEt je croyais que CFTC refusait les histoires ne contenant que du gore pour du gore...
Pour te répondre très sommairement, Sofia est la personne qui joue, Sona le personnage du jeu que joue Sofia. Pas d'erreur, mais une volonté de faire frémir en échangeant l'identification entre la personne et le personnage (habile).
SupprimerPour ce qui est du "gore pour du gore", je te signale qu'on a ici un développement narratif (autrement appelé une "histoire"), différentes thématiques (folie et jeux vidéo), et un thème traditionnel collant aux creepypasta : le jeu vidéo. Du coup, peut-on vraiment avancer qu'il n'y que du gore pour du gore ?
Eh bien si tu souhaites en débattre plus avant, et critiquer toi-même les creepypasta avant leur parution, le forum est ouvert !
En te souhaitant une excellente soirée,
J. J. Gauss
Ce n'est pas "que du gore pour du gore", mais j'avoue que la fin était un peu trop sanglante pour que je la prenne vraiment au sérieux, lol. Malgré ça, c'est une histoire cool.
SupprimerTrès surprise de cette histoire liée à un jeu vidéo ! D'habitude, je n'aime pas tellement ce genre de creepypasta mais cette fois-ci, j'ai été absorbé par l'histoire tout du long. Un gros GG
RépondreSupprimerJ aime beaucoup les creepy liées aux jeuxvideos et celle ci était vraiment excellente.
RépondreSupprimerPTDR j'ai ri :p
RépondreSupprimerSurtout en imaginant la scène de torture en cosplay :-D
Après bon, "League of Legends" et une kikoo nolife psychopathe, y'a mieux pour provoquer un vrai sentiment d'horreur
Pouah c'est bof:/ car trop vu et pas très malin, pas de plot twists, et le gore sans "réel background" je n'aime pas trop ça mais cette pasta se laisse quand même lire même si j'ai vu bien mieux...
RépondreSupprimer(j'ai peut être pas aimé car ça me fait penser au filles qui font les psychopathes pour le style :-D)
J’ai pas lu mais j’ai aimé
RépondreSupprimerPfff, c'est quoi cette pasta de puceau, on avait pas arrêté le thème des jeux vidéos?
RépondreSupprimerCFTC devrait murir en même temps que son public.
Pour te répondre Rabadu, cette pasta-là évoque un autre versant de la catégorie "jeu vidéo". Loin d'une énième cartouche hantée trouvée chez un brocanteur barbu ou d'un jeu au développement mystérieux, celle-ci utilise le jeu vidéo pour véhiculer l'histoire, et non l'inverse comme c'était souvent le cas dans certaines creepypastas aujourd'hui clichées. Donc on ne peut pas réellement la mettre dans le même panier que celles-ci, même si dans le fond, la désignation du thème reste la même.
SupprimerCette cp me fait vraiment très tres flipper parce que Sonia me rapelle vraiment beaucoup beaucoup mon ex colloc qui agissait a peu pres de la meme maniere, c'est vraiment perturbant a lire.
RépondreSupprimer