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lundi 14 février 2022

Les têtes et le maquillage


Temps approximatif de lecture : 7 minutes. 

Lorsqu'on m'a raconté cette histoire, j'étais stagiaire dans un magasin de jouets. C'est une collègue qui m'a mise au courant. Après quelques années, même si je porte un regard amusé sur ce récit, je dois avouer que je ne sais toujours pas s'il faut le prendre pour véritable, le considérer comme inventé, ou le comprendre comme étant l'exagération d'un fait divers beaucoup moins sensationnel que ce que la rumeur prétend.

Un jour, un magasin de jeux se mit à proposer un nouveau divertissement. Des kits de maquillage, contenus dans une mallette emballée à l'intérieur d'une boîte cartonnée. Destinés aux petites filles d'environ six ans, ils proposaient de se farder en princesse ou en sorcière. Les kits se nommaient "sorcière Fépiétur et petite princesse Élliouse". Les images marketing prouvaient effectivement qu'il y avait tout ce qu'il fallait pour devenir l'une ou l'autre. L'intérieur de la mallette réservait un emplacement pour chaque élément ; palette, pinceaux et de petites éponges lavables pour étaler les pigments. Peu coûteux et plutôt sympa, les gens du quartier achetèrent ce jouet jusqu'à la dernière boîte.

La marque était anonyme. Impossible de définir son nom, ni même celui de la société, qui ne figuraient nulle part sur l’emballage couvert d'indications en langues étrangères. "Sorcière Fépiétur et petite princesse Élliouse" était le seul indice compréhensible qui, faute de mieux, baptisait les kits. Comme le magasin se trouvait au centre d’une banlieue modeste, les fillettes étaient toutes du voisinage et leurs mamans se connaissaient bien. Ces dernières discutaient souvent entre elles, à la sortie d'école. Bien qu’elles n’y prêtaient pas attention, un sujet revenait régulièrement dans leurs conversations. Des constatations faites sur ce jeu qui plaisait tant à leurs enfants.

Certaines firent des remarques sur les palettes dont les couleurs étaient trop creusées et révélaient parfois leur fond en plastique. D'autres critiquèrent l'offre de couleurs proposée, qui se révélait plutôt maigre. Aucune d'elles n'était vive. De nombreux pigments tels que le jaune, le bleu, le vert, l'orange ainsi que le blanc et même le noir, étaient absents. Des nuances de rose et de rouge ternes ainsi que des gammes majoritaires de marron et de beige étaient le seul éventail de peinture à l'eau présent dans les valises. Cela faisait mentir les belles images sur les cartons, qui affichaient des possibilités dignes d'un arc-en-ciel. En réalité il n'y avait que deux à trois couleurs, déclinées en plusieurs tons quasi semblables. Par ailleurs, bien qu'ils paraissaient être issus d'un modèle standard, les kits ne possédaient pas le même nombre de couleurs et se retrouvaient, fréquemment, avec une teinte en double voire en triple. De temps à autre, d'heureuses élues obtenaient un supplément, comme un tube de crème réhydratante ou un pot de fond de teint. Le sentiment d'incongruité global que générait l'ouverture de ces mallettes n'empêchait pas les petites filles de mélanger les couleurs sur leurs joues, leurs lèvres et leurs paupières. Les mères appréciaient ce jouet qui leur permettait de vaquer à leurs tâches quotidiennes tout en sachant leurs enfants sagement occupées.

Jusqu'à ce que certaines filles proposent de maquiller leurs mamans, pour qu'elles ressemblent aux dames à l'arrière des paquets. Des adultes servaient également de modèle, pour incarner des sorcières. Mais celles-ci étaient assez bizarres. Alors que les petites filles étaient colorées en papillons ou en princesses féeriques, le maquillage des dames, lui, relevait de l'artifice le plus bateau et, en plus, ne semblait pas terminé. Il se manifestait le plus souvent par un coloris gras apposé sur l'ensemble du visage, avec de temps en temps un peu de couleur pour valoriser la bouche et les yeux. Mais cela ne donnait pas l'impression que les modèles étaient maquillées en sorcière. On avait même le sentiment que le but n'était pas d'inspirer des petites filles, mais que c'était du make-up de la vie de tous les jours, destiné aux adultes. Cela dit, le maquillage manquait tellement d'éclat qu'il ne vint pas à l'esprit des mamans de le copier. Il avait également un goût d'inachevé, certains modèles n'ayant qu'une seule paupière de peinte, les lèvres colorées aux trois quarts ou ne possédant rien d'autre qu'une base incomplète de fond de teint. Le maquillage des Fépiétur les enlaidissait, mais n'en faisait pas des sorcières convaincantes. Elles arboraient un minois de trentenaire, banal, avec des teintes de carnation diverses, mais jamais vertes. Pustules et furoncles étaient absents. En résumé, c'étaient des modèles aux maquillages hors sujet. Ce qui se dégageait d'elles était plus insipide qu'effrayant. C'était sans âme, vide. Cependant, le fait qu'elles ne souriaient pas rattrapait un peu l'affaire et en faisait des sorcières plutôt crédibles. Leurs expressions, empreintes d'une gravité froide, presque grimaçante, ainsi que leurs yeux pensifs, pouvaient donner l'impression qu'elles méditaient sur de terribles maléfices. Cela leur conférait une personnalité malfaisante et éludait, un peu, le piètre maquillage.

Cette galerie de photos persuadait plus ou moins. Mais il y avait aussi de nombreuses photos de petites filles peintes en magiciennes verdâtres, avec des toiles d'araignée noires dessinées sur les joues. Les gamines se désintéressèrent complètement des emballages, incapables de reproduire les dessins du fait des couleurs manquantes ou les jugeant, à l'exemple des sorcières adultes, trop austères pour y puiser des idées. Mais en dépit de ce manque d'attrait, les mères ne prirent pas la résolution de leur retirer les kits et beaucoup se prêtèrent au jeu avec leurs petites princesses ou leurs sorcières.

Quelques semaines passèrent.

Une jeune femme, observant des écolières se barbouiller en princesses dans un parc, voulut offrir la même mallette à sa jeune sœur qui allait bientôt fêter ses six ans. Elle avait entendu parler de cette boîte, à la sortie de l'école où elle venait la chercher. Elles s'étaient d'ailleurs déjà amusées à se grimer toutes les deux avec un kit, prêté par une de ses amies. Elle se rendit au magasin de jouets mais plus aucune boîte ne trônait en rayon. Le vendeur n’en avait plus et ne recevrait pas de nouvelles livraisons. Comme sa cliente semblait déçue, il lui nota l’adresse de son fournisseur sur un papier. Quand elle la lut, la demoiselle fut prise d'un mélange d'étonnement et de méfiance.

Le fabriquant résidait dans la même agglomération qu'elle. Au vu des notices d'utilisation rédigées dans toutes les langues, hormis celle de Molière, un pays étranger lui aurait paru plus vraisemblable. Exception faite des noms "sorcière Fépiétur et princesse Élliouse" figurant comme un titre sur toutes les boîtes, avec une grosse typographie inadéquate, ainsi que quelques accroches tape-à-l'œil et inappropriées comme par exemple "Emperor" écrit en rose bonbon ou "juice" en lettres métallisées. Ce mélange de polices hétéroclites et de photos dissonantes évoquait une grossière contrefaçon. Une imitation bancale importée d'un pays pauvre où le merchandising tapageur tentait de conférer un fun colossal à des jouets médiocres. Or il s'agissait apparemment d'une boîte conceptualisée et assemblée à Saint-Etienne.

Elle se rendit malgré tout à l’adresse indiquée. Une courte façade sans fenêtre, coincée dans un boulevard, l'accueillit. Il n'y avait qu'une porte avec une plaque marquée d'un sigle inconnu. Pas un indice pour confirmer qu'elle se trouvait au bon endroit. C'était plutôt le contraire, car le lieu semblait trop petit pour abriter des machines, des chaînes de production où entreposer des stocks. Il n'y avait pas non plus de parking pour garer d'éventuels poids lourds afin de réceptionner les marchandises. Elle essaya d'y pénétrer, se disant que c'était peut-être le siège de l'entreprise, mais le bâtiment était fermé à clé. Comme elle avait faim, elle traversa la rue pour commander un sandwich dans une boulangerie située juste en face. Au moment où elle payait sa commande, elle vit la porte qui l'intéressait s'ouvrir et un groupe de personnes, en majorité de jeunes adultes, en sortir. Elle hésita, puis remarqua une dame, nettement plus âgée, qui ne quittait pas l'encadrement de cette porte. Instinctivement, elle vit en elle un genre de responsable. La jeune femme retraversa la rue et se dirigea vers cette personne. Elle s’excusa du dérangement et lui confia qu’elle cherchait une fabrique de kits de maquillage qui se situait vraisemblablement là.

La dame lui confirma qu'elle se trouvait à la bonne adresse mais expliqua que les palettes n'étaient tout simplement pas à vendre et proposa de lui donner celle de son fournisseur. La demoiselle s’impatienta. Le vendeur de jouets lui avait assuré que c’était ici et elle n'avait pas l'intention de se faire envoyer promener. Elle tenta de provoquer un déclic chez son interlocutrice en dépeignant le kit du mieux qu'elle le put. Les détails nombreux de l'emballage ne semblèrent pas éveiller sa curiosité. En revanche, en écoutant la description faite du kit de maquillage, de sa liste de couleurs fades, de ses pinceaux ainsi que de sa mallette noire qui protégeait l'ensemble, elle se figea et reconnut, avec circonspection, que ça pouvait venir d'ici. La jeune femme insista. Ça venait de cette usine et ça ne pouvait pas venir d'ailleurs.

La dame, agacée par son obstination, qu'elle prenait pour de l'arrogance, lui rétorqua qu'elle ne travaillait pas dans une usine mais pour un centre de formation.
La jeune femme, surprise et un peu gênée par son erreur, lui demanda en quoi cette formation consistait.
La formatrice lui répondit.
Et à ces mots, la jeune femme ne put s'empêcher de vomir.

Il n'y avait effectivement pas d'usine. Ce lieu réceptionnait des choses, les transformait et les renvoyait ailleurs, mais ce n'était ni du maquillage, ni des élèves. Ces derniers y recevaient un savoir-faire sur l'application de divers cosmétiques. Or il ne s'agissait pas d'exercices pour remanier des visages complexés. Car les embaumeurs ne rencontrent pas de gens complexés. C'était l'annexe d'un proche hôpital, où demeuraient certains défunts avant leur placement en cercueil, dans le but d'exercer des étudiants voués aux professions des morgues. Les mallettes achetées en magasin étaient des valises de toilette funéraire. Les couleurs et autres pinceaux des fameux kits avaient servi à farder des visages enlaidis par la mort avant de maquiller plusieurs enfants et quelques-uns de leurs parents.

Deux étudiants de la formation avaient discrètement récupéré du matériel en fin de vie et l'avaient disposé dans des mallettes volées. Ils avaient confectionné des emballages carton avec du texte et des photos, copiées collées un peu partout sur internet, puis contacté des revendeurs. Il apparut après enquête que de nombreuses boutiques avaient été appelées et que la grande majorité avait ignoré l’offre, l'ayant estimée peu sérieuse. Mais certaines, plus soucieuses du prix d’acquisition dérisoire que de connaître la traçabilité du produit, avaient accepté les boîtes sans exiger plus d'informations. Outre ces palettes, quelques pots de cire restauratrice et des crèmes pour faire disparaître la rigidité cadavérique furent ajoutés aux pièces à conviction.

Finalement, le maquillage, considéré comme étant vide et sans âme, s'accordait tout à fait avec ses destinataires initiaux. Mais on pouvait voir la chose d'une autre façon. Si un individu manque de personnalité, ce n'est plus tant le maquillage que la personne elle-même, qui dégage un vide. Or, on découvrit bien vite que lors des soins apportés pour retarder la décomposition et embellir les têtes, les coupables avaient photographié les cadavres. Le mystère autour des sorcières Fépiétur cessa donc d'en être un.

Les deux étudiants s’étaient lancé comme défi d’être celui qui maquillerait le plus de fillettes. Dix-sept boîtes au total furent écoulées dans deux magasins différents, situés au sein d’une même grande ville française, Saint-Etienne. On n'en sut pas plus sur leurs objectifs, puisqu'ils se suicidèrent suite à leurs premières convocations. Un challenge pervers pour certains, une blague misogyne ayant parfaitement abouti selon d'autres. Chez le premier, on décela, par le biais de son PC, une forte addiction à la pornographie. Chez le deuxième, on trouva une quantité démesurée de vêtements non masculins, dont les étiquettes allaient du L au 5 ans, ainsi que des dizaines de boîtes de maquillage pour enfants et du make-up pour adulte.

Plus jeune, j'ai pensé que cette histoire dégueulasse pouvait être possible. Après de nombreuses années, j'ai compris que le bouche à oreille, supplanté de nos jours par le copier-coller, peut enrichir et amplifier des faits qui, à l'origine, sont plus proches de l'info anecdotique. Un journal quelconque se serait donné la peine de relater un vice de fabrication signalé dans des boîtes de jeux. Il n'est même pas certain qu'il s'agissait de boîtes de maquillage.

Il y a quelques jours, cela dit, alors que cette histoire me revenait en mémoire et que je trouvais les noms de Fépiétur et d'Élliouse assez niais, je me suis amusée à chercher d'autres noms pour en affubler les soi-disant modèles. Je me suis alors rendu compte, au bout d'un certain temps, que si l'histoire était bien réelle et qu'il s'agissait d'une farce répugnante, d'une part son cynisme ne s'était révélé complètement qu'à moi seule, et d'autre part, celui-ci s'était installé jusque dans les noms attribués aux personnages à incarner. En passant du temps à modeler d'autres noms à partir des originaux, à déplacer voyelles et consonnes, j'ai obtenu que sorcière Fépiétur peut également s'écrire sorcière putréfiée. En suivant le même jeu, Élliouse se renverse en petite princesse souillée.

Cette creepypasta vous est offerte grâce au travail de Martin Mèche, qui a assuré la compilation des éléments nécessaires à sa rédaction, de Tripoda et Sawsad qui ont participé au processus d'analyse et de sélection conformément à la ligne éditoriale, et de Litanie et Malone Silence qui se sont chargés de la correction et la mise en forme. L'équipe de Creepypasta from the Crypt n'affirme ni ne dément la véracité du présent article et invite les lecteurs à se faire leur propre avis sur la question. L'équipe décline également toute responsabilité en cas de disparition ou de mort, douloureuse ou non, s'ensuivant des éventuelles recherches menées à cet effet. 

5 commentaires:

  1. J'ai bien aimé le thème de la creepypasta ainsi que la chute, mais la lire beaucoup moins. Je ne sais pas si c'est juste moi mais j'ai l'impression que les phrases étaient trop longues et fatiguantes à lire.

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  2. Il est très bien écrit, ce texte, un style travaillé et maîtrisé, ça fait plaisir !

    Sur le fond de l'histoire, j'ai trouvé ça beaucoup plus marrant qu'effrayant, et encore moins dégueulasse. Je suis pas spécialiste de l'embaumement, mais je suis persuadé que ce genre de maquillage est moins toxique que tous les trucs bas de gamme made in China que beaucoup achètent à leurs gosses !

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    1. Le maquillage que nous utilisons en thanatopraxie est souvent assez chargé en silicone.
      Ça reste moins toxique que le bas de gamme made in China certes mais je n'en mettrais pas sur moi tout les jours.

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    2. Ah merci de la précision, tu es donc thanatopracteur ? C'est intéressant comme métier !
      Je ne pense pas que je pourrais le faire, les rares fois où j'ai vu des cadavres IRL ça m'a fait un effet très... bizarre...

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  3. Une de mes creepypasta préférée! J'adore le concept et l'histoire! Très original et très bien écrite. Ça change un peu des autres creepy! Franchemen, gg à l'auteur!

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