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lundi 6 juin 2022

La boîte de Pandore, partie 1


Temps approximatif de lecture : 12 minutes. 

Cela s'est passé il y a peu de temps, même pas un mois. Tout a commencé après une mauvaise – mais hélas inévitable – nouvelle. Le genre d'événement auquel personne n'échappe malheureusement, à savoir le décès d'un proche. Pour moi, c'était celui de la vieille tante Georgia. C'était la tante de ma mère, mais presque tout le monde dans la famille la surnommait ainsi. C'était une femme adorable, avec laquelle j'ai de très bons souvenirs. Autant vous dire que l'annonce de son décès m'avait énormément affectée. Mais la cause de mes tracas aujourd'hui n'est pas son décès à proprement parler, mais plutôt ce qu'il s'est passé ensuite. 


Pour tous ceux qui ont vécu la perte d'un proche, vous savez sûrement ce qui vient après l'annonce et l'enterrement : la fameuse question de l'héritage, qui est rapidement arrivée pour ma famille. Il faut dire que la tante Georgia avait beaucoup à léguer. Je n'ai jamais vraiment prêté attention à l'histoire de notre famille, en tout cas pas du côté de ma mère : je connaissais juste quelques anecdotes entendues par-ci par-là. Il me semble que nos ancêtres étaient d'origine irlandaise et avaient émigrés ici, aux États-Unis, dans l’espoir d'une vie meilleure comme tant d'autres à leur époque. C'était au temps de la fameuse conquête de l'Ouest des années 1800, et nos ancêtres avaient ainsi réussi dans les affaires en tenant un commerce dans une petite ville. Ils avaient en tout cas gagné suffisamment pour construire une belle maison en périphérie de la ville, cette même maison où la famille de la tante Georgia avait vécu à son tour et qui se retrouvait maintenant vide.

Bien évidemment, les conflits ont vite commencé à apparaître au sein de la famille, beaucoup voulant faire main basse sur cette belle propriété, soit pour l'habiter, soit pour tenter de gagner gros en la mettant en vente. Moi, je faisais partie des quelques rares personnes qui s'en fichaient un peu, j'étais plus attristée par la mort de cette brave dame que par ces histoires d'héritage. J'étais malgré tout mentionnée dans le testament avec ma petite sœur et d'autres membres de ma famille. Pas d'argent pour nous, mais des biens matériels que la tante Georgia nous laissait libres de partager entre nous.

Un week-end, nous sommes donc allées toutes les deux, avec des cousins, dans cette fameuse maison afin de voir ce qui pouvait nous intéresser. Très vite, nous avons tous été pris de nostalgie en découvrant cette grande demeure vide et silencieuse. Nos cousins avaient à peu près notre âge et, enfants, on se voyaient régulièrement lors de repas de famille. On pouvait dire qu'on avait presque grandi tous ensemble et qu’on formait une véritable bande, et la maison de la tante Georgia était à l'époque notre terrain de jeu préféré. Il faut dire que, comme pour beaucoup d'enfants, la maison d'une vieille personne était toujours un endroit de curiosité pour nos petits yeux. C'était une plongée dans une génération bien différente de la nôtre, et la tante Georgia avait tout un tas de vieux bibelots qui prenaient plus ou moins la poussière sur des étagères. Mais, ce que l'on préférait par-dessus tout, c'était jouer dans le grenier.


C'était une véritable caverne aux merveilles pour nous, remplie de meubles datant parfois du XIXe siècle ! On avait passé des heures à explorer les moindres recoins de cet endroit, à ouvrir toutes les malles que l'on trouvait. Je me souviens particulièrement des vieux vêtements et tissus qu'on utilisait comme déguisements ou des quelques jouets d'époque qu'on trouvait, le trésor ultime pour nous, gamins innocents que nous étions. C'est avec cette même nostalgie qu'on a évidemment refait un tour au grenier ce jour-là, en se remémorant nos meilleurs jeux dans cette pièce pourtant sombre et poussiéreuse, où les araignées semblaient maintenant vivre confortablement.

Il y avait encore tous ces petits trésors quand nous sommes montés, et très vite chacun a commencé à aller dans un coin, voir les meubles qui l'intéressaient. Moi, j'étais plutôt satisfaite de ce que je voyais. Bien que ce soit d'une époque et d'un style différent, pour moi qui me préparais à emménager dans mon tout premier appartement, ces vieux meubles feraient parfaitement l'affaire en plus de me permettre de faire de grosses économies sur l’ameublement ! Il y avait notamment ce bureau en bois qui m'intéressait tout particulièrement. J'avais bien cru un instant que mon cousin allait le prendre avant moi, mais ce dernier m'en a finalement fait cadeau, sachant qu'il me serait plus nécessaire qu'à lui pour mes études de Lettres.

C'est donc assez contente que je suis repartie d'ici, et j'ai très vite emménagé dans mon appartement avec ces quelques meubles obtenus gratuitement. Passé la partie nettoyage, car avec le temps certains avaient pris une triste mine, je me suis intéressée de plus près à mes nouveaux biens dont ce fameux bureau qui m'avait fait tant d'effet. Comme beaucoup de vieux bureaux de cette époque, il était assez imposant et comportait de nombreux tiroirs et autres éléments de rangement. Certains étaient même munis de serrures, chose à laquelle je n'avais pas fait attention et qui m'a vite embêtée quand j'ai réalisé que je n'avais pas la clé permettant de les ouvrir. Je n'ai pas eu d'autre choix que de me faire aider d'un ami, pour déverrouiller tant bien que mal les vieux tiroirs sans abîmer le bureau. Je ne m'attendais pas à y trouver un trésor caché, mais j'étais assez curieuse de voir ce qu'ils renfermaient. Au final, deux étaient vides, et les derniers contenaient ce qui semblait être des carnets, trois en tout. Je me suis très vite aperçue en les feuilletant qu'ils s'agissaient en réalité de journaux intimes, des petits journaux, tous signés du nom d'un certain William, et datés jusqu'à l'année 1889. Durant les recherches que j'ai effectuées ultérieurement, je n'ai trouvé que peu d'informations à son sujet, juste qu'il s'agissait du fils cadet de l'arrière-arrière-grand-mère de la tante Georgia. Un fils malheureusement mort jeune, chose fâcheusement courante à cette époque, et dont la mère ne se serait jamais remise. Quand j'y repense, je pense savoir pourquoi maintenant, bien que j'espère sincèrement qu'elle n’avait jamais trouvé ces journaux...

J'étais toute excitée en trouvant ces carnets, surtout qu'ils avaient bien résisté au passage du temps. Ce n'était ni plus ni moins que des récits de la vie quotidienne d'une toute autre époque que j'avais en main ! C'était donc tout naturellement que, le soir même, je me suis mise à les lire. C'était fascinant de découvrir cette partie de ma famille dont j'ignorais l'existence, mes ancêtres, en plus de me plonger dans la vie d'un jeune homme de cette époque ! Finalement, nos vies étaient assez similaires, il faisait face aux mêmes problématiques que bon nombre de garçons de nos jours, notamment la question des relations amoureuses, l'avenir, le travail, etc. William était un jeune homme de tout juste dix-neuf ans qui me paraissait fort sympathique, auquel je me suis attachée au fil des pages. Il tenait ces journaux afin d'y narrer sa petite vie et, je cite, s'entraîner à écrire, rêvant de devenir écrivain. Les récits de ses journées étaient parfois entrecoupés de poèmes rédigés de sa main, de notes, d'idées d'histoires… Il semblait plutôt bien parti pour devenir un bon écrivain selon moi, c'était même dans un sens du gâchis que ce malheureux soit mort si jeune alors qu'il semblait avoir un certain potentiel.

Mais, lorsque j'ai commencé à lire le troisième et dernier journal, les choses ont pris une tournure que même le romancier amateur qu'il était n'aurait pu imaginer pour une fiction. C'est d'ailleurs pour cela que depuis la lecture de ces carnets, j'ai du mal à dormir. Cette histoire me reste en tête et j'ai beau effectuer des recherches, impossible de trouver quoi que ce soit dessus. Ma famille elle-même ne semble rien savoir à ce sujet, personne n'ayant ne serait-ce qu’entendu parler de ces journaux. De toute évidence, même à l'époque personne ne pouvait savoir l'horreur écrite entre ces pages… C'est pour cela que j'ose aujourd'hui en parler via ce post. Peut-être que certains d'entre vous pourront m'aider, si vous avez des informations à ce sujet. Sinon, je vous laisse simplement découvrir ce qui pourrait être un incroyable fait divers d'il y a presque deux siècles, et dont personne n'est au courant.

27 juin 1889

Les doux rayons du soleil dégagent d’ores et déjà une chaleur qui semble annoncer un été chaud et sec. Mes chemises les plus légères peinent à m'épargner la suffocation certains après-midis, et je ne parle pas de ces dames dont les robes semblent plus ressembler à un outil de torture qu'à un simple vêtement ! Heureusement pour nous qu'une rivière borde notre petite ville. La fraîcheur de cette dernière et des arbres alentours nous y attire tels des insectes guidés par la lumière d'une lampe à pétrole. Toute la bonne société vient s'y prélasser, et moi-même je ne peux qu'apprécier mes promenades le long de cette source d'eau si précieuse en ces temps si chauds ! Je pense d'ailleurs y retourner très prochainement, l'ombre des arbres du jardin ne suffisant pas à satisfaire mon besoin de fraîcheur. Peut-être y croiserai-je quelques voisins, des amis… J'ose espérer y voir la douce Laura dont la beauté, égale à sa bonté, ne me laisse pas indifférent. Nous pourrions discuter de ce dernier roman dont je lui ai vivement conseillé la lecture, ou tout simplement admirer les quelques artistes venus immortaliser la rivière et ses visiteurs sur leurs toiles ou leurs carnets de croquis, accompagnés des rires d'enfants pataugeant avec insouciance dans l'eau fraîche.

Nous avons également eu du courrier aujourd’hui : le vieil oncle George serait souffrant et est cloué au lit, un méchant coup de chaud selon le docteur. J'imagine qu'à New-York la chaleur doit être pire qu'ici malgré l'océan l'entourant. Je garde moi-même un souvenir peu agréable de cette ville depuis ma dernière visite. Les rues ont beau être animées, tout ce monde s'agitant dans ces petites rues étroites est à vous donner le tournis, sans compter ces hauts immeubles qui, personnellement, me gratifient d'une impression d'emprisonnement et d'étouffement peu agréable... Bienheureux sommes-nous de vivre en campagne, ça, je vous le dis !


29 juin 1889

J'ai fait une bien heureuse rencontre aujourd’hui : alors que j'effectuais ma quotidienne balade près de la rivière, quel ne fut pas mon saisissement d'apercevoir près de la rive ce bon vieux Al ! Passé l'effet de surprise, nous nous sommes pris dans les bras sous des exclamations de joie suffisamment fortes pour que quelques personnes se tournent en notre direction. Qu'importent leurs regards jugeurs, j'étais bien trop heureux de retrouver mon cher Albert ! Voilà bien presque un an qu'il nous avait quittés pour aller poursuivre ses études à New-York ! D'ici quelques années, si les efforts d'Al paient (et, au vu de son caractère travailleur, le contraire m’étonnerait fortement), notre petite bourgade accueillerait alors le Docteur Albert Johnson. En attendant, c'est pour les vacances que ce bon vieux Al est de retour au bercail, ce dont je ne peux que me réjouir, mes journées d'été s'annonçant maintenant bien plus animées et intéressantes avec sa présence.

Nous avons passé au moins deux bonnes heures à nous raconter nos vies, bien que celle d'Albert me parût plus intéressante. La vie à New-York lui plaît, mais il ne m'a pas caché que notre chère Vernonia et son calme lui manquaient, par moment. Il faut dire que nous avions grandi ici, loin du vacarme des grandes villes, et étions habitués à cette tranquillité et cette verdure environnante. Nous nous sommes d'ailleurs remémoré nos jeux d'enfants, nos après-midis d'été à pêcher le long de la rivière, cette même rivière où, une fois venue les fougues de l'adolescence, nous tentions d'observer, cachés dans les broussailles, ces demoiselles qui venaient se baigner, abandonnant leurs jupons et dévoilant un peu de leur peau nacrée. Nous en avions fait des cachoteries ! C'était le bon vieux temps, douce innocence d'une enfance lointaine maintenant… Nous avons fini par décider de renouer avec un peu de cette joie d'antan en nous retrouvant un jour prochain pour une partie de pêche comme nous le faisions auparavant. Cette idée m'a aussitôt enchanté, mais cela ne m'a guère étonné venant d'Al qui a toujours eu de bonnes idées. J'espère seulement ne pas avoir perdu la main après toutes ces années, bien que cela pourrait être drôle à voir…


30 juin 1889

Nous n'avons pas perdu notre temps pour cette journée de pêche. C'est de bonne heure que nous sommes partis ce matin, canne sur l'épaule et seau à appâts dans la main. C'est même en chantonnant que mon camarade et moi sommes partis en forêt rejoindre la rivière, loin des rassemblements au niveau du parc qui ne feraient qu'effrayer le poisson. Nous avons bien marché, je suis même le premier étonné que nous nous rappelions encore le chemin que nous empruntions d'ordinaire. Si seulement la pêche avait été bonne, mais hélas… Que de malchance nous avons eue ! Les quelques rares poissons qui daignaient se montrer ne semblaient guère intéressés par nos appâts, c'est donc bredouille que nous sommes rentrés. Nous avons néanmoins bien ri, autant de notre malchance que des bons souvenirs que nous nous sommes remémorés. Il me tarde que nous nous revoyions au plus vite. Peut-être pourrions-nous nous rendre à Eugene City boire un whisky et fumer quelques cigares au bar, en profiter pour faire quelques emplettes… L'idée semblant l'avoir enchanté, ne reste plus qu'à s'organiser pour cette petite excursion.

3 juillet 1889

On sent que la fête nationale aura lieu demain. Les rues se parent de notre beau drapeau et les marchands se font une petite fortune à vendre toute sortes de babioles pour l'occasion. Nous avons ouï dire qu'il y aurait un grand feu d'artifice à la nuit tombée, peut-être pourrions-nous revenir ici afin d'y assister, sans compter que l'on s'amusera sûrement davantage que dans notre chère Vernonia un peu trop sage. Al n'a d'ailleurs pas perdu son temps : ce bougre semble avoir été séduit par la charmante serveuse du bar où nous avons bu un verre cet après-midi. Il faut dire qu'elle a un joli minois et un regard insolent qui n'est pas pour déplaire aux hommes. Je le laisse tenter sa chance avec elle, je préfère les doux yeux de Laura que j'espère croiser très bientôt.

En parlant de croiser quelqu'un, nous avons fait une drôle de rencontre aujourd’hui : un cirque itinérant est arrivé en ville cette semaine. Nous avons vu les artistes défiler au son de leur petite fanfare dans la rue principale, à la sortie du bar. Leur Monsieur Loyal vantait les mérites de son cirque tandis que quelques clowns et acrobates s'en allaient distribuer des prospectus aux passants qui s'arrêtaient pour les observer. Bien évidemment, ce sont surtout les enfants qui se sont précipités dessus, suppliant leur père et tirant les jupons de leur mère afin d'obtenir la permission d'assister à une représentation. Nous avons également eu le droit à un prospectus Al et moi, de la main du Pierrot et de son éternel air triste. La joyeuse troupe se prénommait le Cirque de Monsieur Live, et le programme que vantait leurs affiches et prospectus avait le mérite d'attiser notre curiosité.
En lettres calligraphiées nous étaient proposés les classiques numéros de clowns et d'acrobates, mais aussi d'autres plus originaux comme, selon leurs dires, leurs chats savants, un avaleur de sabres, ou d'autres curiosités comme des monstres comme on en entendait souvent parler. Je dois reconnaitre que l'idée de voir des êtres humains difformes avait éveillé un certain voyeurisme en nous, mais ce n'était pas cela qui nous avait le plus intrigués. Ce qui nous avait immédiatement sauté aux yeux c'était elle, celle qui tenait la tête d'affiche, élégamment immortalisée par le coup de crayon gracieux d'un artiste : Pandore.

Elle était présentée comme une danseuse, mais aussi et surtout comme une créature divine, une beauté sans pareil qui faisait battre les cœurs. Il faut reconnaître que rien que son croquis nous donnait un aperçu somme toute alléchant de cette demoiselle. Elle était représentée grimée en une sorte de nymphe, ce qui semblait cohérent au vu de son nom antique. D'ailleurs, pourquoi Pandore ? Était-ce parce que, comme dans le mythe, elle nous ferait céder à notre trop grande curiosité ? C'est en tout cas ce qu’a suggéré Al, et j'étais plutôt d'accord avec lui, étant en effet bien curieux de voir le numéro de cette beauté. C'est donc tout naturellement que nous avons fini par nous mettre d'accord pour nous rendre à une représentation dans la semaine. Nous n'avions rien à faire dans les jours à venir, et nous avions envie de voir ce que réservait ce fameux cirque, ainsi, autant nous y rendre !

Nous avons choisi d'y aller le cinq, le lendemain de la fête nationale. Je suis plutôt enthousiaste à l'idée de cette petite soirée entre amis, cela sera sans doute amusant. Et depuis quand ne suis-je pas allé au cirque ? Les derniers souvenirs que j'ai de ce genre de spectacle remontent à l'enfance, lorsque j'y allais accompagné de mes chers parents et de mon frère aîné. Cela me rappellera donc de bons souvenirs ! On dit en plus que, depuis le temps, de nouveaux numéros ont été conçus, des nouvelles attractions. Peut-être y inviterai-je Laura si le spectacle se trouve être plaisant, et surtout si j'ai le courage de le lui demander…

6 juillet 1889

Je ne me remets pas de notre soirée de la veille. Que de choses se sont passées, mais quelle joie ! Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas amusé ainsi ! J'ai comme convenu retrouvé Al pour que nous nous rendions en fin d'après-midi à Eugene City. Nous y avons bien soupé avant de nous rendre au Cirque de Monsieur Live. La troupe s'était installée en périphérie de la ville, aux abords d'une forêt. J'ai tout de suite été impressionné par la multitude de tentes et de caravanes entre lesquelles fourmillait la foule, le tout éclairé par des lampions de couleurs. Un homme coiffé d'un haut-de-forme et son singe accueillaient le public au son d'un orgue de Barbarie, tandis qu'une tente s'occupait de la vente de confiseries en tout genre dont l'odeur sucrée réveillait à nouveau notre appétit, à Al et moi. En nous promenant un peu, nous avons également vu des enfants se pressant autour d'un magicien, la ménagerie, et quelques attractions sous des tentes comme celle de Dame Misha, la diseuse de bonne aventure ; ou encore le cabinet de curiosités du Docteur Hubert qui n'était guère intéressant, ne présentant que quelques plantes exotiques, d'étranges objets et quelques bizarreries animales soigneusement empaillées ou conservées dans des bocaux de vitriol.

Vers vingt heures, nous avons fini par rejoindre le grand chapiteau afin de nous trouver une place. Par chance, nous avons pu en trouver au premier rang, nous offrant ainsi la meilleure vue sur la piste. Une fois la foule installée, le même petit orchestre que nous avions vu défiler dans les rues il y a deux jours a commencé à jouer, lançant ainsi le début du spectacle. Je ne m'attendais pas à quelque chose de forcément exceptionnel ce soir-là, je voulais juste me divertir en compagnie de ce bon vieux Al. Mais, très vite, nous en avons eu pour notre argent (à deux dollars la place tout de même !) : passé le numéro de clown, classique mais qui amuse autant les enfants que leurs parents, nous avons eu droit à celui de l'avaleur de sabres, très impressionnant il faut le reconnaitre ! Quant aux chats savants, effectivement ces matous semblaient bien intelligents au vu des tours qu'ils effectuaient. Il y a ensuite eu un numéro de trapéziste par un jeune couple, un cracheur de feu… C'est à partir du numéro des curiosités du Docteur Hubert que le spectacle a pris une tournure vraiment intéressante. Ce n'est pas tous les jours qu'on voyait un homme tatoué de la tête aux pieds, une femme à barbe ou encore cet étrange enfant à trois jambes. Je me demande encore comment une telle chose peut être possible…

Enfin, après une bonne heure d'attente et de numéros en tout genre, Al et moi avons enfin eu ce pourquoi nous étions venus. Nous avons d'abord été surpris de voir être amené sur la piste une grande boîte étrangement décorée. Quand la foule s'est faite silencieuse, la musique a repris, mais non celle de l'orchestre : celle d'une boîte à musique. C'est à ce moment-là que le contenant sur la piste s’est ouvert et qu'une fumée blanche s’en est échappée. Une silhouette n'a pas tardé à en sortir à son tour, et c'est là que notre petite soirée a vraiment pris une tournure des plus plaisantes. La belle Pandore était enfin là, sous nos yeux ébahis, aussi belle que sur les affiches la représentant. La taille fine, un teint de porcelaine, une longue chevelure bouclée tombant sur ses épaules nues et ses hanches rebondies….
Nous n'étions visiblement pas les seuls à être tombés sous son charme, au vu des regards de certains hommes dans l'assemblée. Et ce visage ! Quel dommage que ce masque lui en cachât la moitié ! En effet, nous n’avions pas prêté attention à ce détail jusque-là, mais la belle se présentait avec un élégant masque noir et blanc parsemé de quelques dorures recouvrant le côté gauche de son visage. On ignorait pourquoi un tel accessoire mais nous n'y avons pas plus réfléchi que cela, bien trop concentrés sur son numéro. Je dois reconnaître qu'au niveau de la danse, elle n'avait rien d'exceptionnel. C'était un mélange de classique et de danse plus exotique, mais rien d'impressionnant. C'était surtout pour sa beauté que l'on venait, c'était cela le véritable numéro. Et quel numéro ! On admirait son corps onduler, se mouvoir au rythme de la musique, faisant virevolter avec elle les volants de son costume et sa crinière brune. Elle souriait, fixait le public d'un regard provoquant, avec un air fière et une confiance insolente ! Elle se jouait de nous, se nourrissait de notre admiration, insaisissable nymphe qu'elle était…

En plein milieu de sa danse, elle s'est rapprochée des bancs, offrant ainsi une bien jolie vue sur son corps de rêve aux chanceux des premiers rangs, dont nous faisions bien évidemment partie. Plusieurs fois, elle a fait mine d'interagir avec certains, avant de finalement s'avancer vers nous. Je me rappelle avoir souri bêtement, presque rougissant, quand son regard azur, son seul œil visible, a croisé le mien. Puis, sans prévenir, elle a passé un de ses drapés autour des épaules d'Al qui est devenu d'un rouge ! Elle a souri l'air effronté avant de mimer qu'elle le repoussait , amusant quelques spectateurs dont moi. Je n’ai d'ailleurs pas manqué de taquiner mon ami sur la chance qu'il avait. Puis, comme si de rien n'était, Pandore est retournée sur la piste gracieusement, et après encore quelques pas, elle est allée se recroqueviller dans sa boîte, laquelle s'est refermée de concert avec l'arrêt de la musique. Nous avons de nouveau applaudi, à la fois émerveillés et surpris par ce drôle de numéro auquel nous venions d'assister. Pour être honnête, nous étions tellement perturbés que nous n'avons même pas fait attention aux numéros qui ont suivi !

Mais est-ce que tout cela se termine là ? Que nenni ! À peine sortis du chapiteau, alors que nous ne souhaitions pas nous attarder ici, des clowns qui animaient l'entrée pour saluer les spectateurs rentrant chez eux nous ont interpellés à notre tour. Ils ont reconnu Al qu'ils ont également taquiné sur son passage remarqué au numéro de la belle Pandore, avant de nous inviter à participer à un jeu : ils proposaient une petite loterie permettant de gagner quelques menus cadeaux. Effectivement, nous voyions depuis tout à l'heure certains enfants ou adultes chanceux repartir avec des confiseries ou des jouets, montrant que ce n'était pas un de ces jeux truqués de fêtes foraines que l'on connaissait bien. Bons joueurs, nous avons décidé d'y participer nous aussi. Pas de chance pour moi, je n’ai eu droit qu'à un bon pour la tente aux confiseries, mais je n'avais plus envie de manger. Quant à Al, la chance a semblé lui sourire ce soir : le bougre avait gagné ce qu'ils appelaient le ticket diamant, une place gratuite pour leur prochaine représentation avec une collation offerte et une rencontre avec les artistes. Nous avons immédiatement plaisanté sur le fait qu'il allait pouvoir rencontrer en privé Pandore, ce sur quoi ont renchéri les deux clowns en lui remettant son prix. Est-ce qu'il allait revenir ? Bien évidemment ! Je l'enviais un peu sur ce coup-là, mais cela a été à son tour de me taquiner en me promettant de me raconter sa future rencontre avec la belle et notamment de me décrire la beauté cachée sous son masque, que je l'immortalise de ma plume si l'inspiration me venait. Après cela, nous avons fini par retourner à notre hôtel, nous remémorant notre drôle de soirée, et Pandore, dont le nom revenait évidemment dans nos conversations.

La représentation suivante aura lieu après-demain, et Al semble décidé à y aller pour profiter de son prix. Tant pis pour moi, la chance ne m'aura pas suivi ce soir-là ! Restent au moins les rires et les bons souvenirs que nous en garderons.

Cette creepypasta vous est offerte grâce au travail d'un anonyme, qui a assuré la compilation des éléments nécessaires à sa rédaction, de Écho et Sawsad qui ont participé au processus d'analyse et de sélection conformément à la ligne éditoriale, et de Litanie et Gordjack qui se sont chargés de la correction et la mise en forme. L'équipe de Creepypasta from the Crypt n'affirme ni ne dément la véracité du présent article et invite les lecteurs à se faire leur propre avis sur la question. L'équipe décline également toute responsabilité en cas de disparition ou de mort, douloureuse ou non, s'ensuivant des éventuelles recherches menées à cet effet. 

6 commentaires:

  1. C'est vraiment intéressent, hâte de lire la suite ^^

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  2. Début intéressant, même si je sens qu'on pourrait élaguer certains passages ; le récit n'en serait que plus fluide :)

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  3. Ce récit là se présente vraiment bien ! Je pense qu'on est plusieurs à avoir hâte de lire la suite 😄

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  4. "Concervées dans des bocaux de.... vitriol" ?? Vraiment ?

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    1. C'est quoi le vitriol ?

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    2. Petite erreur visiblement..... l'auteur/traducteur devait vouloir parler de formol, le vitriol c'est un acide corrosif

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