Le mystère du temple maçonnique de Trébons

Temps approximatif de lecture : 7 minutes. 

Entre le 29 novembre et le 6 décembre 2022, des informations sur la découverte d’un mystérieux temple maçonnique dans les Hautes-Pyrénées ont commencé à se répandre sur internet. L’histoire a d’abord fuité dans quelques médias qui se sont empressés d’en extraire les éléments les plus sensationnels, avant que les auteurs de la découverte ne publient eux-mêmes deux vidéos (ici et ici) dans laquelle ils rappellent qu’ils décrivent simplement ce qu’ils ont trouvé et leurs réflexions sans pour autant formuler aucune conclusion et déplorent que les articles sur le sujet aient sorti plusieurs éléments de leur contexte.

Jo Urbex, Adrien Urbex et un troisième collègue nommé Dimitri étaient initialement partis explorer ce qui semblait être un château abandonné à Trébons. Après s’être faufilés par une ouverture dans une tourelle dont l’entrée était partiellement obstruée aux alentours de 22h, ils découvrent des galeries s’enfonçant dans le sol vers une destination n’ayant rien à voir avec ce à quoi ils s’attendaient, ou ce que la bâtisse abandonnée depuis une vingtaine d’années laisse croire depuis l’extérieur.

L’une des salles de ces galeries renfermait des ossements humains d’au moins trois personnes différentes, à en juger par les trois mâchoires inférieures. Les os portaient encore des traces de sang et de chair putréfiée. De même, des lambeaux de peau semblables à du cuir découpés avec un outil inconnu étaient également présents.

La question de la provenance s’est évidemment immédiatement posée, d’autant que l’un des youtubeurs (qui prend bien soin de mettre des gants avant de manipuler quoi que ce soit) observe que l’une d’elle est nettement plus petite que les autres et qu’une autre comporte encore des dents de sagesse. Ces personnes sont-elles décédées sur place ? S’agit-il de corps provenant de profanation de tombes ? Autre chose ? Rien ne permet de le définir au moment où ces lignes sont écrites. La description d’Adrien Urbex précise toutefois qu’il pourrait s’agir de corps de médecins ayant volontairement donné leur corps à la science, ce qui collerait avec les informations selon lesquelles la gendarmerie, rapidement appelée sur les lieux, considère la piste criminelle peu probable.

L’hypothèse des médecins est également cohérente avec un autre élément central des découvertes faites dans ces sous-sols : le propriétaire, qui est décédé deux à trois mois plus tôt à l’âge de 90 ans, était chirurgien-réanimateur. On peut ainsi tout à fait supposer qu’il aurait eu un accès facilité à ce type de corps. Mais l’interrogation principale demeure : pour quoi faire ? D’autant que le reste des découvertes sur place inspire plus de questions que de réponses. Ici, une boîte contenant des lamelles de microscopes avec des échantillons labellisés « Rein Carcinome à cellules claires », « Ovaire Adénocarcinome végétant » ou encore « Utérus Myome Endométriose ». Là, une ordonnance mystérieuse portant apparemment une seule phrase : « Bonheur = Paix et harmonie intérieure », mais dont la lumière révèle des symboles à peine visibles sur la vidéo.

Mais ce qui suscite le plus de questions, ce sont les centaines de documents liés à la franc-maçonnerie, dont certains sont datés des années 60 à 70. À côté d’un document mentionnant plusieurs loges à travers la France et le monde, de « Rapports moraux » ou encore de feuillets portant l’inscription « À la gloire du Grand Architecte de l’Univers », un certain nombre de notes rédigées à la main et complexes à déchiffrer semblent provenir de la personne qui utilisait ce lieu, qui est probablement l’ancien propriétaire décédé (c’est en tout cas ainsi que les choses sont présentées dans la vidéo, et il n’existe actuellement pas d’autre version), et qui sont toutes liées à l’alchimie.

« Mort et résurrection en gloire, voilà le thème fondamental de cette élévation au troisième degré. »

« L’œuvre au noir précède l’œuvre au blanc, stade fondamental qui permettra à l’adepte de poursuivre son chemin le conduisant vers la pierre philosophale. »

« Mais pourquoi se réunir en loges consacrées en tenues sacralisées ? Les mages ne sont-ils pas liés par le secret maçonnique, qui, précisément, n’est pas connu ? »

« Mort douce et sans souffrance, méthode qui procure une mort sans souffrance afin d’abréger les tourments de l’âge ou d’une maladie très douloureuse à l’issue fatale, ou afin de satisfaire quelque besoin de nature collective. »

« Les loges n’ont pas fait leur travail. »

Au cours de la lecture, l’objectif de l’auteur des notes semble se dessiner : il aurait recherché la pierre philosophale afin de pouvoir l’utiliser pour soigner ses patients. Ses écrits parlent de « supprimer la douleur du malade grâce à la pierre » et de « l’image du médecin à qui l’on doit faire confiance, capable de donner la mort comme de préserver la vie. » L’appartenance du propriétaire à la franc-maçonnerie semblait être connue : la Dépêche du Midi, l’un des premiers médias parlant de la découverte, affirme qu’un de ses collègues a déclaré qu’il n’en parlait pas, mais qu’on « savait qu’il appartenait à une loge écossaise ».

En rétrospective, il semble qu’il y avait bien un indice sur le lien du lieu avec la franc-maçonnerie et l’alchimie à l’extérieur, même si le reste semble avoir été constitué de manière à dissimuler ce qui se cachait à l’intérieur : un symbole au-dessus d’une porte, constitué de plusieurs éléments caractéristiques. Le 4 surmontant le symbole, avec sa forme en angle, représenterait la Trinité, mais aussi les 4 évangiles et les 4 éléments. À gauche, l’étoile de David qui, avant d’être associée au judaïsme, représentait l’énergie associée à la matière. À droite, le compas maçonnique. En-dessous, le P surmontant un grand X est un chrisme ou monogramme du Christ, symbole important du christianisme primitif datant du 1er siècle après Jésus-Christ, lié aux Templiers, et qui reprend les deux premières lettres du nom du Christ en grec et peut signifier le Tout, le commencement et la fin. Enfin, en-dessous, la spirale représente la croissance, la vie, l’eau et surtout le nombre d’or, qui revêt une grande importance pour la franc-maçonnerie.

À l’exception d’une mention du fait que « tout bon alchimiste doit avoir un crâne humain », le lien entre la quête de la pierre philosophale et les ossements reste peu clair, de même qu’avec le reste des objets trouvés sur place. En vrac, une faux, un tableau noir, des électrodes, des masques respiratoires, des médicaments comme de la codéine, ou encore un respirateur volumétrique à pauses réglables. Dans un coin, derrière des bureaux et des tables d’opération, se trouvent plusieurs instruments chirurgicaux, et ce qui semble être un couteau rituel au milieu.

À un autre endroit des galeries, un nouvel élément ajoute au mystère : une caisse portant l’inscription V.I.T.R.I.O.L., importante dans le domaine de l’alchimie, qui signifie « Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultam Lapidem », soit « Visite l’Intérieur de la Terre et en Rectifiant tu Trouveras la Pierre Cachée ». Derrière, une plaque portant les mots « Vigilance » et « Persévérance », dont la présence est plus obscure.

Ailleurs encore, un renfoncement suscite de nombreuses questions : on y trouve des traces qui ressemblent à du bois brûlé ou pourri, mais sur lequel il y avait de façon très clair quelque chose de posé. On retrouve dans les traces noircies des clous à l’origine inconnue, et qui ne proviennent pas des restes de palettes sur le côté, celles-ci étant assemblées avec des agrafes à bois. Faisant le lien avec les autres découvertes, l’un des trois explorateurs se demande s’ils ne proviendraient pas de cercueils, bien que rien ne permette de confirmer.

En s’enfonçant encore dans la terre, on arrive à la salle la plus impressionnante, sur laquelle on peut poser les yeux en descendant les escaliers. L’accès se trouve derrière une porte médiévale défoncée dont la particularité est le loquet présent seulement du côté intérieur, comme si elle devait servir à s’enfermer, on trouve une grande salle sous une voute avec ce qui semble être un autel positionné en face d’une arche bouchée par de la pierre mesurant une bonne dizaine de mètres, qui semble presque devoir mener à un autre monde.

L’autel est entouré d’un mélange de cendres et de sel et comprend deux piliers qui représenteraient une porte, entre lesquels il faudrait passer pour accomplir un rite initiatique de purification. Recouverts de moisissure, on y trouve une bougie qui a complètement fondu, un bol sentant le soufre ou encore un autre récipient contenant de la sauge partiellement brûlée. Sur le sol, d’autres instrument chirurgicaux dont un scalpel cassé. Il ne manque qu’un miroir pour accomplir un rituel alchimique faisant également intervenir le sel, le soufre et le crâne.

Comme précisé plus tôt, la gendarmerie a rapidement été appelée à cause de la présence des squelettes, afin de pouvoir enquêter sur les circonstances ayant mené à leur présence dans ces ruines. L’enquête est toujours en cours, raison pour laquelle de nombreuses informations ne peuvent pas être révélées, mais les ossements seraient très anciens et, reprécisons-le, ne se seraient pas retrouvés là à cause d’une affaire criminelle. Le fait que le lieu soit abandonné depuis une vingtaine d’années fait aussi s’interroger sur l’éventualité de la réutilisation de ces lieux par un groupe occulte sans lien avec la franc-maçonnerie.

L’histoire est déjà passionnante en soi, mais elle continue de se développer. En effet, la fille du propriétaire décédé s’est adressée à Midi Libre et s’est déclarée « attristée » que la « méconnaissance des gens sur le sujet aboutit aux fantasmes les plus clichés », avant d’ajouter qu’elle porterait plainte contre quiconque essaierait de nouveau de se rendre sur les lieux. Elle affirme en effet que cette « maison » que son père n’a « jamais pu terminer de ses mains » et aurait « abandonné » il y a une vingtaine d’années reste un « chantier dangereux » et que sa responsabilité pourrait être engagée si un accident devait survenir. De plus, un youtubeur franc-maçon a sorti une vidéo de réponse et s’est adressé à France 3 Occitanie pour, selon lui, casser certaines idées reçues.

Par ailleurs, des recherches permettent de constater qu’au-delà des médias ayant repris l’affaire tels que Geo, Le Parisien ou encore Closer, ou même The Times, l’histoire s’est répandue dans des cercles d’un tout autre genre. Elle a en effet été partagée par des blogs et médias douteux (Centre d'études sur la franc-maçonnerie, The Epoch Times), des utilisateurs des réseaux sociaux Gab (connu pour sa popularité auprès de l'extrême-droite) et VKontakte (équivalent russe de Facebook) dont les comptes regorgent de nombreuses publications pouvant être reliées à des théories du complot, la plateforme d’hébergement vidéos Crowdbunker souvent utilisée pour ce même genre de théories, ou encore des sites et forums catholiques connus pour partager des informations fausses tels que Le Salon beige ou Le Peuple de la Paix. Un site assez étrange appelé Godlike Productions l’a également repris sur son forum, où les membres semblent visiblement persuadés qu’il s’agit d’un temple de satanistes francs-maçons sacrifiant des enfants, cherchant la « restauration du Temple de Salomon » et s’étant installé sur place pour lutter contre l’Église de Lourdes.

L’histoire va connaître de nouveaux développements, d’une part car les youtubeurs préparent une nouvelle partie à leur enquête. D’autre part, il faut préciser qu’ils ont reçu de nombreuses menaces qui chercheraient à « les faire taire ». Étant donné l’étrangeté de certains sites ayant repris l’histoire et des éléments pouvant paraître surprenants dans les réactions de certaines personnes, telles que le vice-procureur de Tarbes, qui a affirmé au tout début que « rien ne laisse penser pour le moment que les ossements seraient humains », ou l’absence d’explication sur les squelettes de la part de la fille de l’ancien propriétaire qui ne paraît pas s’en émouvoir, on peut raisonnablement se poser certaines questions tant qu’il n’y a pas davantage d’informations sur le sujet. Nous vous invitons à regarder les vidéos des urbexeurs pour avoir leur version complète (Adrien Urbex a d'ailleurs réalisé une version longue pour sa communauté, si vous en faites partie) et à faire vos propres recherches, et à nous donner vos avis dans les commentaires. Bien entendu, si de nouvelles informations paraissent, nous vous en tiendrons informés.

 

Update :

 

Nous avons volontairement laisser passer quelques semaines passer avant de faire cette mise à jour, qui sera bien moins longue que la première partie. D'une part, il nous paraît important que le public fasse ses propres recherches, ce qui est la base de notre site à de multiples égards, et c'est ce qu'une partie d'entre vous a fait. Le sujet a attiré plusieurs commentaires avec des avis divergents, ce dont nous sommes contents. La deuxième raison, c'est que cette histoire a effectivement évolué, mais pas vraiment dans une direction qui reste dans notre ligne éditoriale. 

 

Les urbexeurs ont en effet publié de nouvelles vidéos dans lesquelles on apprend notamment que d'autres personnes pratiquant le même hobby sont passées par ce temple au cours des 20 dernières années, et que les squelettes retrouvés sur place étaient bien ce que l'on appelle des Oscar, à savoir des ossements de personne ayant donné leur corps à la science et qui étaient utilisés en médecine ainsi que dans l'enseignement de la médecine il y a quelques décennies. En ce qui concerne la quête de la pierre philosophale, comme a pu l'expliquer la personne ayant fait la vidéo de débunk qui prenait la défense de la franc-maçonnerie, il s'agit d'un exercice de pensée assez courant chez les Francs-maçons et c'est bien ce qui ressort de l'étude plus approfondie des documents retrouvés sur place (là où les autres documents relèvent en majorité du domaine de l'administratif, les loges maçonniques ayant le régime d'association en France, et sont donc très classiques malgré certaines formulations qui peuvent légitimement paraître étranges aux personnes extérieures). 

 

L'élément qui peut à ce jour soulever le plus d'interrogations est le cercle autour de l'autel visible sur l'une des photos plus haut. D'après les anciens visiteurs des lieux, il n'était pas encore là en 2018. Les urbexeurs ont fini par être informés par l'actuelle propriétaire du fait qu'il s'agit en réalité des cendres de son défunt père, qu'elle a elle-même placé là pour lui rendre hommage. La pratique a de quoi laisser perplexe, d'autant qu'il est illégal de conserver les cendres d'un défunt en France. On ne va pas se mentir, cette loi n'est pas forcément très respectée par tout le monde, mais dessiner des cercles dans des endroits aussi curieux ne fait pas partie des raisons les plus courantes pour cela.

 

Néanmoins, il nous semble important de préciser que plus les révélations sont sorties sur cette affaire, plus la parole des urbexeurs nous a paru manquer de sincérité. Bien que nous ne doutons pas de la partie où ils sont tombés par hasard sur le temple, ils semblent effectivement être tombés dans le sensationnalisme qu'on leur reproche sur Twitter. Ils s'en défendent dans une vidéo de mise à jour, mais il faut bien avouer que rien que le titre de celle-ci est grosso modo "la gendarmerie vient chez moi" alors que 90% de la vidéo est consacrée à dire qu'ils n'ont rien fait de mal ni d'illégal, que l'erreur est humaine et que les journalistes ont déformé leurs propos et qu'ils comptent d'ailleurs porter plainte. De plus, en explorant un peu la chaîne, on se rend compte qu'ils n'en sont pas à leur premier urbex "explosif". Pour notre part, nous pensons donc que la découverte était bien fortuite, mais qu'ils ont pris l'habitude de faire des commentaires très exagérés en tournage et que, même s'ils peuvent être réellement désolés (à vous d'en juger), ils accueillent plutôt positivement la visibilité que l'affaire leur a apporté.

Comme vous le voyez, nous rentrons davantage dans du fact checking qui s'éloigne complètement du domaine de l'horreur, et nous choisissons donc de ne pas aller plus loin. C'est aussi pour cela que nous avons choisi de faire une update et non pas une publications séparée. Les nouvelles informations présentées ici se basent sur le live Instagram de réponse de Jo Urbex et Adrien Urbex ainsi que de la vidéo de réponse qu'ils en ont tirée, de nouveaux articles de médias ainsi que de recherches supplémentaires sur les réseaux sociaux grâce auxquelles nous avons notamment découvert que la famille descend d'immigrés russes arrivés à paris dans la première moitié du 20e siècle et d'autres informations que nous ne mettons pas ici par respect pour leur vie privée. 

 

Nous vous invitons de nouveau à faire vos propres recherches si vous souhaitez en savoir plus, sans que cela ne vous mène non plus à des activités que nous ne cautionnerions pas comme du stalking ou du doxxing (diffusion non autorisée d'informations personnelles précises sur les personnes en question), que ce soit à l'encontre des propriétaires du terrain, des YouTubeurs ou de n'importe qui d'autre. Nous vous disons à très vite pour de nouveaux contenus horrifiques, et n'oubliez pas de garder l'esprit critique et de toujours vous faire votre propre avis sur nos publications !

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Cette creepypasta vous est offerte grâce au travail de Magnosa, qui a assuré la compilation des éléments nécessaires à sa rédaction. Toutes les illustrations sont des screens réalisés sur la vidéo d'Adrien Urbex. L'équipe de Creepypasta from the Crypt n'affirme ni ne dément la véracité des éléments contenus dans le présent article et invite les lecteurs à se faire leur propre avis sur la question. L'équipe décline également toute responsabilité en cas de disparition ou de mort, douloureuse ou non, s'ensuivant des éventuelles recherches menées à cet effet.