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mercredi 18 mai 2011

Le retour d'Akumane

Ceci est la pièce maîtresse de l’affaire. Ce témoignage fut intégralement rédigé par le docteur K****** I***, psychologue professionnel depuis plus de quatorze ans dans la région de la Rochelle. Le docteur I*** a tenu à nous remettre lui-même son rapport et ses notes en mains propres, malgré le secret médical. Ce document doit rester confidentiel sauf en cas d’urgence.


«

18 Février 2011, 15 heures : Ouverture du dossier K****** M******.
J’ai reçu l’appel du lycée concerné il y a quelques heures. Le proviseur lui-même a tenu à me convoquer dans son établissement pour le traitement d’un cas bien particulier. Une fois dans son bureau, j’ai pris connaissance des caractéristiques de ma prochaine mission, puis je suis rentré pour écrire mon rapport. Le proviseur tient à ce que je note tout ce qui me paraît suspect, alors je dois également parler de tout ce que j’ai constaté ces derniers temps. Superstitions professionnelles.

Sujet : K****** est un jeune homme en terminale générale dans le lycée. Il loge en internat et aurait rejoint l’établissement en cours d’année, depuis trois mois déjà. Le personnel d’établissement le décrit comme un élève assez sérieux et motivé, et de bonne fréquentation. Ses professeurs décèlent parfois chez lui un certain absentéisme, mais il reste d’un naturel travailleur. Il possède en revanche un cercle d’amis très limité, et on le voit très rarement accompagné d’autres personnes. ( Photo du trombinoscope ci-jointe. )
Je n’ai pas encore été directement confronté à lui, étant donné qu’il se trouve actuellement dans un centre de détention, prisonnier sous une camisole de force.

Cas du sujet : Selon le directeur, K****** se trouvait dans les quartiers des élèves internes quand des témoins l’ont soudain vu se mettre à agir de manière agressive et incroyablement violente. Il aurait défoncé plusieurs lits à coup de meubles, éventré des matelas et surtout blessé trois de ses camarades dont un gravement. Plusieurs chambres ont été mises hors-service jusqu’à ce que la police n’intervienne et le neutralise. Personne ne l’a revu de nouveau après cet incident, mais les gardiens de la cellule dans laquelle il est enfermé depuis deux jours déclarent qu’il passe ses journées à essayer de passer à travers les murs recouverts de mousse. Personne n’a la moindre idée de ce qui a pu provoquer un tel changement de comportement chez lui, et c’est pour cette raison que j’ai été désigné pour ce cas.

J’ai réglé les détails de la consultation avec le directeur. J’ai insisté pour le voir en tête à tête seul, sans qu’il n’ait sa camisole de force ni aucune autre muselière de ce genre. Ce n’est pas ma méthode de parler avec les adolescents. La consultation aurait lieu demain dès 10 heures du matin. Je verrai ce qu’il en retourne et noterai ici mes observations.


19 Février 2011, 11 heures : Rapport 1.
La consultation vient de se terminer.

K****** semble être un garçon tout à fait normal. Nous avons commencé la discussion par les approches classiques, à savoir discuter un peu avec lui de ses antécédents. J’ai appris avec une certaine surprise qu’il était orphelin, et s’était inscrit de lui-même au lycée. Je demanderai confirmation au proviseur, mais je ne pense pas qu’il mentait. Il s’est montré très coopératif et n’a manifesté aucun signe d’hostilité tout au long de notre entrevue.

J’ai essayé de lui demander s’il avait des problèmes, ou s’il avait du mal à s’intégrer dans la société, par induction. Cependant, toutes les questions que je lui ai posées avec subtilité durant la conversation n’ont abouti à rien. Plus je parlais avec lui, plus j’avais de mal à saisir ce qui l’avait poussé à détruire des chambres de l’internat et d’agresser d’autres élèves. C’est assez rare que de jeunes gens arrivent à me poser de telles difficultés quand je m’occupe de leur cas. Généralement, les adolescents violents le sont à cause de problèmes sociaux, d’oppression parfois, et si cela s’accumule beaucoup trop, cela peut mener à ce genre de crises de folie passagère durant lesquelles ils expriment tout leur désespoir ou leur peur.
Mais ici, ce n’était pas le cas. K****** était totalement calme, patient, insouciant. Il répondait à mes questions avec docilité, parfois même en riant comme un enfant. Quand je lui ai finalement évoqué l’incident, il a tout bonnement nié les faits. Toujours avec cette étrange certitude dans son regard, comme s’il en était lui-même persuadé. La consultation a pris fin au bout d’une heure.

Pour le moment, je suis sur la piste d’une éventuelle schizophrénie. J’aimerais cependant éviter les grands mots pour le moment. Je l’ai remis entre les mains de la police, qu’il a suivi docilement une fois de plus. Je pense que mes doutes vont vers une confirmation, ou alors une induction en erreur que je souhaiterais éviter : je pense qu’il me faudra autre chose que de lui parler pour pouvoir tirer de bonnes conclusions et trouver les solutions à appliquer. Je vais mener ma propre enquête du côté du lycée, en parallèle avec les forces de l’ordre.


18 heures : Rapport 2.
Ce que j’ai appris cet après-midi me trouble.

K****** passait ses nuits dans sa chambre, avec un de ses camarades. Ils n’ont pas de chambres uniques et les élèves dorment de deux à quatre par chambre. L’examen de la pièce défoncée où il résidait autrefois ne m’a rien apporté de plus : son ordinateur portable était lui-même détruit, et je n’ai rien pu récupérer dessus. Le disque dur y est passé. Il n’y avait aucun autre indice.

Par ailleurs, le directeur m’a bien confirmé qu’il était orphelin : étant majeur, K****** pouvait cependant gérer son inscription seul dans l’établissement sans tuteur. Malgré les nombreuses questions que le proviseur dit lui avoir posées, il n’a pas pu en savoir plus sur son éventuelle famille antérieure. Le jeune homme semblait cependant déterminé à rejoindre le lycée, alors le chef d’établissement a fermé les yeux. Les frais de pensionnat seraient apparemment financés par un foyer d’aide aux enfants orphelins, non loin de là. Ce serait là où il résidait avant de rejoindre l’établissement.

Après cette discussion avec le proviseur, j’ai décidé de rendre visite au camarade de chambre de K******. Il avait été déplacé dans une autre loge, où il dormait seul. C’est à peu près là que j’ai commencé à apprendre des choses réellement étranges.
Le camarade m’a raconté tout ce qu’il avait vécu depuis qu’il dormait dans la même pièce que mon sujet. J’ai eu un peu de mal à comprendre ce qu’il me livrait, pourtant je suis certain qu’il ne mentait pas. Ce jeune homme aurait, depuis l’installation de K****** dans la même chambre que lui, commencé à faire des rêves récurrents. Des cauchemars plus précisément : il m’a détaillé tout ça avec une précision telle que c’était comme si les images et les sons étaient littéralement gravés dans son esprit. J’ai pris note de tout ça et je retranscris ici :

<< Dans ses cauchemars, il est debout dans un endroit complètement noir, et vide comme le néant. Cependant, malgré l’absence totale de lumière, il arrive à distinguer ses membres comme s’ils étaient éclairés. Je cite, « comme dans un jeu-vidéo ». Quand il essaye de marcher devant lui, il commence à entendre des cris étouffés, alors il n’ose presque jamais continuer. Il ne peut pas aller autre part qu’en avant, il ne peut même pas reculer : il est obligé d’avancer ou de rester immobile. Il fait ces cauchemars toutes les nuits, sans aucune exception, depuis que K****** dort à quelques mètres de lui dans la pièce. Il a de nombreuses fois tenté de faire nuit blanche ou de découcher, mais rien à faire : toujours il a été obligé de dormir au même endroit, et de faire les mêmes cauchemars. Il n’en a parlé à personne avant moi, tellement il avait l’impression que quelque chose le surveillait et qu’il n’avait pas le droit d’en parler tant que K****** était dans l’établissement. Depuis qu’il est parti au centre de détention, les rêves ont cessé. Une fois cependant, il avait essayé d’avancer le plus loin possible, pour voir ce qu’il y avait au bout du néant : les cris étaient devenus perçants au point qu’il avait l’impression que sa tête allait exploser, et il avait vu une forme abominable se détacher de l’obscurité juste devant lui. Au moment où il se réveillait, la forme lui fondait dessus en hurlant. Plus jamais il n’avait réessayé ensuite. >>

Il n’a pas osé m’en dire davantage, tellement son état de choc était perceptible. J’ai arrêté de le torturer avec ça. En ce samedi après-midi, les élèves ont bien droit de profiter de leur week-end tranquilles, surtout si celui-ci avait de durs tourments à raconter.
J’ai cependant interrogé les autres élèves qui dormaient à proximité de cette chambre avant de partir. Ça m’a troublé encore plus. Tous ceux qui passaient leur nuit dans un rayon de vingt mètres autour de K****** semblent eux aussi être hantés chaque nuit par ce genre de cauchemar. Je suis perplexe, pourtant tous me livrent les mêmes détails que cités précédemment.

Cela m’intrigue. K****** semble dégager une espèce d’aura qui prend prise sur ses camarades. Il doit y avoir quelque chose, une espèce de facteur qui provoque ces espèces de rêves envers ceux qui le côtoient régulièrement. Je pense que le meilleur test que j’ai à faire pour le moment est d’attendre la nuit, et de voir si moi aussi, j’ai ces visions. Après tout, je l’ai vu une heure complète ce matin, peut-être que cela va m’arriver aussi ? Ca m’étonnerait fortement, mais le directeur m’a bien demandé de noter tout ce qui me semblait suspect, et là, ça me le semble plus que jamais. Je vais également réserver une nouvelle consultation demain pour parler de tout ça avec lui.


20 Février 2011, 12 heures : Rapport 3.
Comme je m’y attendais, je n’ai pas fait de cauchemar étrange cette nuit. J’ai également posé la question à ma femme et ma fille, si elles n’avaient pas fait de rêves elles non plus : rien du tout de ce côté-là. Je savais bien que c’était un peu trop tôt pour tirer des conclusions hâtives. Cependant, j’allais devoir faire attention pour la suite.

En effet, la nouvelle consultation a pris une tournure franchement particulière, ce matin. K****** a de nouveau fait preuve d’un naturel calme, jusqu’à ce que j’évoque les cauchemars. Je lui ai demandé s’il en avait fait d’étranges, ces derniers temps. Il m’a alors demandé si je pensais à quelque chose en particulier. J’ai joué la carte de la prudence, et lui ai demandé s’il avait parfois l’impression de ressentir de la suffocation durant son sommeil, où une claustrophobie inhabituelle dans ses rêves. Au fil que la discussion s’épaississait, j’avais de plus en plus l’impression que K****** perdait son calme. Ce n’était sûrement qu’une hallucination, mais pendant une seconde, j’ai même cru que ses yeux étaient devenus complètement noirs tellement ses pupilles étaient dilatées. Je conservais mon sang-froid, quand enfin, je crûs avoir provoqué le changement de personnalité schizophrénique que je suspectais chez lui. Il s’est subitement levé de sa chaise et a plaqué les mains sur le bureau en hurlant des phrases à répétition. Je m’en souviens parfaitement :

<< C’est lui ! C’est le slasheur des rêves ! Il est venu parmi nous pour nous hanter !! >>

J’ai pris une mine étonné, puis sans faire le moindre geste, j’ai essayé de lui soutirer des renseignements en prenant discrètement des notes sous le bureau. Voici à peu près à quoi ressemblait notre conversation.

<< Le slasheur des rêves ? Qui est-il ?
- C’est celui qui vient d’un autre monde pour détruire tout ce qu’il s’y trouve ! Et il vous fera la peau à tous, sans exception !
- Pour détruire … Mais, pourquoi voudrait-il nous tuer ?
- Parce que c’est sa fonction ! C’est pour ça qu’il a été créé, et il désire s’en repaître !
- … Vous voulez dire que ce slasheur des rêves … a été créé par quelqu’un ?
- Oui, exactement ! Et c’est à cause de ce foutu quelqu’un qu’aujourd’hui, je suis tourmenté par cette saloperie !
- Parlez-vous des rêves récurrents ?
- Tout à fait ! Chaque nuit, sans exception, il vient me rendre visite et il cherche à me tuer ! Je ne sais pas ce qu’il attend de moi, mais il me tuera si je désobéis !
- Que devez-vous faire ?
- Rester dans le lycée. >>

Le reste de la discussion n’est pas des plus intéressants.
Ce fameux slasheur des rêves doit être une métaphore des plus grandes craintes de K******. Cependant, à mesure qu’il en parlait, j’avais la plus en plus nette impression que cette créature onirique existait réellement. En vérité, la consultation ne s’est pas terminée car je n’avais plus rien à lui dire. Je me suis senti très mal tout d’un coup. La voix de K****** qui répétait encore et encore sa hantise me donnait mal à la tête, et ça commençait à m’hypnotiser. Jamais un de mes patients ne m’avait autant fait peur de tout l’exercice de ma profession. Alors j’ai interrompu l’entrevue, et il est retourné en détention.

Je ne comprends pas. Ce n’est pas normal. J’ai pourtant déjà vu des cas bien plus graves que ça. Même un débordement émotionnel pareil de la part de mon sujet ne devrait pas m’affecter plus que ça, j’en ai bien vu d’autres. Je suis peut-être paranoïaque, mais j’avais l’impression qu’il y avait une présence derrière moi, qui s’intensifiait au rythme des paroles psalmodiées par K******. C’est superstitieux, mais je ne pouvais pas continuer la consultation comme ça.

Je suis un peu perdu. Je vais faire des recherches internet sur ce fameux slasheur des rêves. Peut-être que ce n’est pas une simple information montée de toutes pièces par K******.

13 heures :
J’ai eu beau chercher pendant une demi-heure sur la toile, rien à faire. Le slasheur des rêves n’existe pas ailleurs que dans l’imagination de mon patient. Tout cela commence à m’inquiéter sérieusement … Ca pourrait être un simple délire paranoïde qui aurait provoqué une schizophrénie chez lui, menant au final vers sa crise de folie. Mais cela n’explique en rien les cauchemars de ceux qui le côtoient. J’ai du mal à croire qu’ils pourraient me mentir.
Pareil pour K******. Pour l’instant, la seule explication rationnelle que j’ai est que ce jeune homme cherche à amuser la galerie en inventant de genre d’histoires surnaturelles. Un mythomane, pour être plus précis. J’ai besoin de parler plus en longueur avec lui pour découvrir ce qui se cache là-dessous.
Je pense que ce rapport va prendre des dimensions qui vont bien au-delà de la psychologie.


21 Février 2011, 6 heures :
Je viens de me réveiller. Impossible de fermer l’œil davantage.
Il y a une musique dans l’air. Des notes comme inversées. Je suis le seul à l’entendre, je le sais. Ca me pousse à bout. Il fait noir tout autour. J’ai à peine une lampe de poche pour m’éclairer. Je note en tremblant. Je le vois. J’ai froid.


21 Février 2011, 10 heures : Rapport 4.
Je ne sais pas ce qui m’a pris d’écrire ça dans mon rapport. Je devais encore être à moitié endormi. L’angoisse que j’ai ressentie était quand même assez poignante. J’avais l’impression d’entendre une mélopée de sons étranges, dans mon lit. Alors je me suis levé, et j’ai pris l’air. Puis, je me suis enfermé dans la cuisine, avec une lampe et mon rapport. Et j’ai écrit ça. Pas croyable.

Dans les ombres de la nuit, j’ai cru distinguer une forme étrange, comme un homme de très grande taille de l’autre côté de la table. Deux yeux blancs comme la craie me fixaient, sans iris ni pupille, mais je savais qu’ils étaient braqués sur moi. Parmi les notes de musique que j’entendais à demi-étouffées, j’avais aussi l’impression d’entendre des espèces de bruits métalliques, comme des outils qui l’on frotterait entre eux. Le plus étrange, c’est que je n’avais pas peur. Je devais être somnambule, j’imagine. Je me contentais de rester comme ça, assis sur la chaise, à écrire deux ou trois mots de temps en temps. Je me suis réveillé à 7 heures du matin, par ma femme qui m’avait retrouvé dans la cuisine, stylo à la main.

Je ne sais pas si ce sont les derniers événements qui me font cet effet, mais je commence à me sentir sérieusement patraque. Ma fille est partie à l’école, et ma femme au travail. Je ne me sens pas trop décidé à reprendre le mien tout de suite, alors je vais me reposer un peu.
Ce rapport commence à prendre des airs de journal intime.


11 heures :
Bon, ça suffit. Je vais reprendre mon enquête.
Tout à l’heure, j’ai été sur ma boite mail. A ma grande surprise, j’avais reçu un message à 6 heures du matin aujourd’hui même. L’heure où j’avais commencé mon rêve éveillé.
Immédiatement après l’ouverture du mail, ma messagerie s’est fermée toute seule sans que je ne clique sur quoi que ce soit. J’ai cru que c’était un virus, alors j’allais lancer un scan de mon logiciel anti-virus. Mais en fait, je me suis rendu compte que ma boîte de réception ne s’était pas fermée : elle s’était simplement réduite dans la barre des tâches. C’était bizarre quand même, mais j’ai rouvert ma messagerie d’un clic. Le mail avait disparu.
Par curiosité, je regardai la section des messages indésirables : et effectivement, il y avait un message reçu ce matin à 6 heures qui y siégeait. Cependant, contrairement au message qui avait disparu, il n’y avait ni l’adresse de l’envoyeur, ni aucune autre information. Juste le corps du message. Je ne me rappelle plus du titre qu’il avait précédemment. En tout cas, le message était relativement court.

<< Viens me voir dans la même salle qu’hier et avant-hier et je répondrai à toutes tes questions. Et n’oublie pas de prendre ton rapport, parce que tu risques d’y rajouter une couche. >>

Hier et avant-hier. Ca ne peut être que K******. Mais c’est impossible qu’il m’ait envoyé ça, à moins que quelqu’un ne l’ait aidé. Tant pis, autant voir ce qu’il en retourne. Je vais peut-être comprendre ce qui le hante réellement, et l’aider à se sortir de ses tourments.


13 heures : Rapport 5.
Je n’en peux plus. Jamais je ne suis tombé sur un cas aussi complexe.

Quand j’ai voulu réserver une consultation, on m’a dit qu’il y en avait déjà une de réservée pour 11 heures et demies. Pourtant, je n’avais rien réservé du tout.
K****** m’attendait déjà dans la pièce. Ce n’était plus du tout le même adolescent avec qui j’avais discuté ces derniers jours. Il me suivait des yeux dans le moindre geste que je faisais, en plongeant son regard dans le mien. Il a gardé la même position du début à la fin de l’entretien : le coude posé sur l’accoudoir, la tête contre le poing, avec un sourire bizarre sur l’expression. Je ne sais pas si je peux écrire « sadique » de manière totalement objective dans un rapport de psychologie. Même si ça n’y ressemble plus du tout, maintenant.

Je lui ai demandé ce qu’il voulait, alors qu’il ne me lâchait pas des yeux. Il n’y avait personne pour nous surveiller, et je me sentais vraiment en danger. Encore pire que la dernière fois. Son sourire s’est élargi, dévoilant des dents blanches et bien alignées. Quand elles sont apparues, j’ai presque cru qu’elles étaient pointues. Je me souviens de chacun de ses mots, qu’il avait dits avec un ton tel que c’était comme s’il avait voulu que ça reste gravé à jamais dans ma mémoire. Sa voix avait changé, au passage, on aurait plutôt dit celle d’un adulte.

<< C’est toi qui pose les questions ici, fouille-merde. Alors je t’écoute, sors-moi ton grand baratin de psychologue. >>

J’ai commencé par lui demander qui il était réellement.

<< T’as toujours pas compris ? Je suis le slasheur des rêves. Il semble que tu as fait des recherches sur moi pas plus tard qu’hier. >>

Il savait. Il me surveillait par je ne sais quel moyen. Pour essayer de le déstabiliser, je lui ai alors demandé qui était K****** M******, s’il n’était pas lui. Sa réponse m’a mis encore plus mal à l’aise.

<< K****** M****** n’existe pas. C’est un nom inventé de toutes pièces. Efficace. >>

J’ai commencé à m’emporter. Je n’en pouvais plus, et son regard me perçait toujours les yeux comme un faucon. Comme s’il avait le pouvoir de me faire perdre patience. Je lui ai demandé avec colère quelles étaient ses intentions.

<< M’amuser. C’est drôle de vous faire prendre cet état. Comme tous ces petits merdeux du bahut qui vont encore longtemps flipper leur race avant de crever. Je pense que toi, je vais t’épargner. Y’a pas mieux que la souffrance psychologique, tu devrais le savoir. Je vais encore longtemps m’amuser avec toi avant d’éclater tes rêves et te pourrir l’existence.

Et ils y passeront tous. Continue d’écrire sur tes putains de notes, je t’ai pas dit d’arrêter. Tu devrais vraiment voir à quoi ressemble ta sale tronche d’humain, c’est hilarant. Tu peux remercier le putain de corps qui est en train de parler. C’est à cause de lui que tout t’arrive. Ils mourront tous. De ma main. >>

J’ai rassemblé mon courage, puis j’ai déclaré que la consultation était terminée. Il a esquissé un sourire malsain. J’ai eu l’impression que mes tripes se renversaient.

<< J’espère que tu tenais à ta famille. >>

Chacun de ses foutus mots. Je me rappelle de chacun de ses foutus mots. Je vois encore sa tête d’adolescent comme possédé me regarder en esprit. J’ai l’esprit trop retourné pour réfléchir à quoi que ce soit. Je vais rentrer chez moi. K******, ou plutôt ce slasheur des rêves, est retourné au centre de détention.

»


Les rapports s’arrêtent ici. Les derniers témoignages d’I*** ne nous qu’oraux. Voici de quoi il en retourne.

Il est rentré chez lui à treize heures et demies. Sa femme était déjà rentrée à leur domicile de la Rochelle, et avait préparé le dîner. En entrant dans la maison, le médecin fit une macabre découverte.
Les deux corps de sa femme et sa fille baignaient dans une flaque de sang, sous la table de la cuisine. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il semblerait que ce soit la petite fille de * ans qui se soit emparée d’un couteau de cuisine et qui aurait éventré sa mère. Elle lui aurait alors retiré petit à petit les entrailles à l’intérieur du ventre, puis se serrait tranché la gorge. Lors de la découverte du corps par la police, suite à l’appel d’I***, des morceaux d’intestins ensanglantés et finement découpés étaient disposés sur la table, formant un message en majuscules.

« JE SUIS AKUMANE »

L’enquête de la police a immédiatement suspecté le père. Mais il n’y avait strictement aucune preuve de son inculpation dans ce sordide rite, et au final, seule la fillette aurait pu faire ça. Cette affaire a agité l’opinion publique comme jamais. On parlait de meurtre invraisemblable et de police incompétente, mais ce n’est rien comparé à l’image du message en intestins qui fit le tour du pays en une journée.

Le jour-même où l’on en parlait dans les médias, une dizaine d’étudiants se suicidaient en sautant de leur fenêtre au lycée. Trois d’entre eux se seraient même tranchés les veines avant de se défenestrer, et auraient écrit en grands messages de sang sur les murs de leur internat des messages complètement indéchiffrables. Quant aux blessés de l’affaire K****** M******, ils succombèrent tous brutalement de leurs blessures malgré les efforts désespérés des médecins qui les avaient pris en charge. Absolument aucune explication ne put être trouvée, même deux d’entre eux semblaient pourtant proche du rétablissement.

Le jeune K****** est également mort durant cette funeste journée. Selon ses gardiens, il aurait soudainement craqué sa camisole de force, puis se serait arraché les yeux à pleines mains. Il les aurait alors avalés, avant de se trancher les veines à pleines dents. Une mort subite et complètement invraisemblable, pourtant le fait était là.
L’affaire aurait pu être classée.

Cependant, l’autopsie de K****** a démontré une chose pour le moins inattendue, qui a permis d’établir un lien avec les événements précédents. L’analyse de l’ADN est formelle.
K****** M****** n’est autre que S****** H***, disparu six mois plus tôt dans le nord de la France. Les notes retrouvées sous les ruines de la maison carbonisée sont actuellement mises en relation avec toutes les informations ci-consignées pour déterminer ce qui a pu se passer.

Quant au docteur I***, il serait actuellement à bord d’un avion à destination du Japon. Ayant été lavé de tour soupçon au cours de l’enquête, il a été relâché. Ses derniers mots furent :

<< Je n’ai plus rien qui me retient ici, et j’ai atteint mon but. Je vais chercher les réponses à mes questions ailleurs. >>

Auteur : Lukeskywalker62

Il nous observe en ce moment...

5 commentaires:

  1. Cette pasta n'est pas réel un psychologue ne dirais jamais défoncée pour une chambre il emploirai un therme plus scientifique par contre c'est une superbe histoire continue comme sa (impatient de lire la suite)

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    1. Sauf que les psys restent des humains comme les autres.

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  2. Désolé, il n'y aura pas de suite. ;)
    La fin est volontairement ouverte, mais je n'ai pas prévu de poursuivre. Merci pour ton commentaire cependant, sinon c'était pas fait pour être réaliste. XDD

    Lukeskywalker62

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  3. J'aime bien mais je préfère l'originale :-)

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  4. C'est un roman... pas une creepypasta...

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