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lundi 4 novembre 2019

Mémoires

Aujourd’hui, j’ai 65 ans. La majeure partie de ma vie, je l’ai passée à récolter des témoignages dans le but de monter un documentaire sur la Grande Guerre. Mais les années passant, j’ai eu de sacrés problèmes, autant sur le plan familial que sur celui de la santé. Je crois que j’ai peu a peu transformé mon projet de documentaire en une arlésienne, condamnée à jamais à rester une suite de pages traînant sur mon bureau poussiéreux. Avec la mort du dernier vétéran de la Grande Guerre en 2012, une aviatrice anglaise si je me souviens bien, j’ai relégué mon projet au deuxième plan. En fait, je pensais ne jamais le ressortir des placards.
Ma femme m’a beaucoup aidé à monter ce projet. C’est elle qui m’a obtenu la plupart des rendez-vous avec les vétérans, étant donné qu'elle était infirmière en maison de retraite. Du moins, elle m’aidait pour ceux qui se trouvaient dans son établissement. Pour les autres, ceux qui résidaient dans d’autres coins de la France, je me débrouillais seul. Bien souvent, elle me traduisait ce qu’ils disaient, car n’étant guère habitué à leur diction approximative, je ne saisissais rien de ce qu’ils tentaient de me dire. C’était en 1979, j’avais donc 30 ans. La plupart des vétérans étaient déjà octogénaires, et nous avons passé du temps à écouter leurs histoires, recueillir leurs témoignages. Souvent par petites séances, pour les ménager.
Je n’ai vécu aucune guerre, et je ne peux pas imaginer ce que cela a dû être pour ces hommes de raviver de tels souvenirs. Certains se plongeaient dans le mutisme sans crier gare, quand d’autres se mettaient à sursauter au moindre claquement de porte. Nous savions alors qu’il était temps de laisser ces gens se reposer. Il nous fallait néanmoins nous hâter, car la condition de ces hommes n’allait pas en s’arrangeant. Entre 1979 et 1991, j’ai rencontré vingt-trois vétérans de la Première Guerre mondiale. Des français pour la plupart, mais aussi deux allemands et un italien. Et ma femme m’a suivi presque à chaque fois.
Ces hommes avaient déjà été sollicités maintes et maintes fois pour raconter ce qu’ils avaient vécu, pour des documentaires ou des émissions de télévision. En lisant mes interviews aujourd’hui, je me rends compte qu’il n’y a plus grand-chose à en tirer. Tout ce que ces hommes m’ont dit, ils l’ont aussi dit à d’autres qui ont été plus ambitieux que moi, et actuellement, le contenu de mes pages ne comporte plus rien de nouveau qui justifierait qu’on en fasse un documentaire. Malgré tout, j'ai trois interviews qui sortent du lot.
Les trois hommes que j’ai interviewés ont tous évoqué une même chose qu’ils ont décrite presque unanimement. C’étaient deux vétérans français, et un italien. Ils n’étaient pas au même endroit au même moment, et n’étaient pas non plus dans les mêmes régiments ou unités. Ainsi, la première fois que j’ai entendu parler des «  nègres fins », c’était en 1982. J’interviewais Michel Augier, qui avait servi à Verdun en 1916, dans le 106e régiment d’infanterie territoriale. Voici le passage en question :

« Michel Augier : […] C’était un sacré bourbier, donc. Mais il n’y avait pas de tirailleurs avec nous, c’est un détail qui a son importance, vous devriez le noter. Dans le coin où on était, vers la côte 304, enfin dans le coin où j’étais moi en tout cas, la visibilité était mauvaise. J’avais trouvé un petit recoin, un renfoncement dans la tranchée et je m’y étais installé. Au-dessus de ma tête on avait disposé des planches, pour s’abriter de la pluie et des shrapnels. Ces planches faisaient une sorte de pont, au dessus de la tranchée. Mais si un imbécile heureux avait eu la bonne idée d’y marcher en dessus, il se serait fait tuer par les allemands.
Une nuit, j’essayais de dormir, un peu plié comme je le pouvais, n’est-ce pas. Je partageais mon trou avec Maurice, un autre soldat qui venait de… je crois qu’il était des Vosges. […]Je l'ai senti bouger à côté de moi et quand je l’ai regardé, il levait la tête par-dessus la tranchée. Je lui ai attrapé la manche pour le faire se coucher et c’est là qu’il m’a dit qu’il avait vu un boche s’approcher. Je me suis levé à mon tour et j’ai jeté un coup d’œil. On avait pas le droit de se servir de nos jumelles parce qu’elles brillaient dans le noir et on aurait été pris à partie. Au premier coup d’œil je n’ai rien vu. Il faisait noir, on voyait juste des lumières oranges dans les tranchées d’en face. C’est qu’il faisait froid aussi, donc les allemands avaient allumé des feux.
Et puis j’ai vu bouger là, dans le noir. C’était pas loin hein, peut-être à cent mètres de nous. J’ai pris mon fusil discrètement et j’ai mis l’intrus en joue, puis j’ai tiré. Bien sûr, ça a réveillé tout le monde et je me suis empressé de replonger dans ma tranchée, vous imaginez. Je pense pas l’avoir touché, mais je suis sûr que c’était pas un boche. Pour être franc, je sais pas ce que c’était. Mais quand j’avais tiré, ça s’était mis à cavaler à quatre pattes alors que c’était debout avant la seconde d'avant. Et ça courait pas comme un chien ou quoi que ce soit d’autre. C’était debout comme votre femme là, puis d’un coup à quatre pattes. Je pense que Maurice et moi avons été les seuls à le voir parce que si quelqu’un d’autre l’avait vu, il l’aurait aligné tout comme. »

Ne sachant trop si Michel Augier me racontait un souvenir déformé par le temps ou une affabulation, je lui ai demandé sans conviction de me décrire cette chose. J’étais à ce moment-là persuadé que c’était un animal. Il faisait noir, Michel l’avait dit. Et puis, il n’avait pas regardé longtemps, il aurait été abattu sinon. Tout laissait place à l’erreur.

« Michel Augier : Oh bah ça, vous m’en demandez de bien bonnes aujourd’hui ! Bon… c’était plutôt gringalet, n’est-ce pas. C’était noir, mais je ne saurais pas vous dire si c’étaient des poils, des plumes ou quoi que ce soit d'autre. Ç'avait deux bras et deux jambes. Et lorsque cette chose s'est mise à courir, elle avait le dos voûté. Quand on en a parlé avec les autres, ils nous ont dit que c’était surement un sénégalais qui était devenu fou. Ça nous a bien fait rire sur le moment, mais on avait pas de tirailleurs dans notre coin, ils étaient bien plus bas sur le front. On a quand même gardé cette version-là parce qu’elle nous faisait rire. On a appelé ça un nègre fin. Nègre parce que c’était noir et fin parce que c’était gringalet. »

En sortant, j’ai mis toute la fin de l’interview entre parenthèses, parce que je pensais qu’elle ne me serait pas utile pour mon projet. Pour moi, encore une fois, malgré tout le respect et l’admiration que je portais à Michel Augier, il ne s’agissait là que d’une interprétation farfelue et biaisée par l’enfer des tranchées d’une rencontre avec un animal.

En 1983, presque un an plus tard, j’interviewais Jean-Eugène Servant, près de Bordeaux. Âgé de 82 ans, il avait servi à Verdun mais également pendant la bataille de la Somme, au sein du 418e régiment d’infanterie. Après qu'il m'a raconté en détail son expérience de ces deux grandes batailles, je lui ai demandé à tout hasard et sans trop de conviction s'il avait déjà entendu parler de « nègres fins ». Je lui ai décrit sommairement le témoignage de Michel Augier. Jean-Eugène paraissait mal à l’aise, presque honteux. Finalement, il a acquiescé. Lui les avait appelés les « bougnats ». Un bougnat était un marchand de charbon, il a donc rapproché la couleur de ces choses à celle du charbon.

« J-E Servant : […] Après ça, nous nous sommes enterrés dans les bois. C’était en novembre et on avait un temps exécrable. Parfois même, on écopait nos trous avec nos quarts ( Ndla : un quart est une tasse métallique dont le militaire se sert pour boire ou manger ), on faisait ce qu’on pouvait mais le confort était aux abonnés absents. Je crois que pendant toute la période pendant laquelle je suis resté là-bas, je n’ai pas eu de vêtements secs, pas une fois. Nous, on était dans les bois, ceux de Saint-Pierre-Waast pour être exact, pas loin de Rancourt si jamais ça vous dit quelque chose. Alors imaginez ceux qui n’étaient pas autant à l’abri, en dehors des bois. De la boue partout, tout le temps.
On avait pas mal de rats aussi, qui cherchaient à s’abriter, mais aussi à se nourrir. Ces salopiots taillaient dans les sacs de vivres, trouaient nos vêtements, nous amenaient poux et puces. Des fois même, ces fils de putains nous mordaient dans notre sommeil. Nous avions développé des stratagèmes pour nous en débarrasser, ou du moins réduire leur nombre. On avait installé des pièges un peu partout, et certains faisaient même la collection des rats morts. Vous savez Patrick ( Ndla : c’est mon prénom ), j’ai mangé des choses immondes dans ma vie. Mais la viande de rat, c’est une des pires.
En fait, ce n’est pas tellement le goût, mais le fait de s’imaginer que l’on mange la même bestiole qui a sûrement grignoté les orteils des morts gisant quelque part dans la boue. Parce que faut le dire, c’était courant qu’en écopant l’eau de la tranchée, on bute sur quelque chose de dur sous l’eau. Et en général, c’étaient des corps. Mais je m’égare.
Une nuit, pendant mon tour de garde, je marchais dans la tranchée. Il n’avait pas plu, l’eau avait donc laissé place à une couche épaisse de boue. D’ailleurs, j’avais bien du mal à me déplacer rapidement, dans la tranchée. Je vérifiais si tout le monde allait bien, je jetais de temps en temps un coup d’œil discret par-dessus le parapet pour voir si les casques à pointe ne tentaient pas quelque chose, ou si je voyais une tête dépasser de leur tranchée. Ah, j’oublie de vous dire que ces cadavres qu’on trouvait dans l’eau, on les laissait pas en plein milieu du passage. On les avait entassés… je n’aime pas ce mot mais c’est malheureusement le plus représentatif. On les avait entassés donc, à une extrémité de la tranchée. Ils bouchaient le passage, en quelque sorte.
J’arrive donc au niveau de la pile de corps, et du coin de l’œil, je crois voir bouger un bras. Je me tourne vers le monticule de cadavres, un peu désarçonné. Et je ne rêve pas, un corps bouge. Puis un autre. Très vite, je me rends compte que ce ne sont pas les corps qui bougent, mais quelque chose dessous. J’arme mon Berthier (Ndla : Fusil de dotation de l’armée française durant la seconde moitié de la Grande Guerre ) et instinctivement, je mets en joue l’endroit d’où je pense que provient le mouvement. Je m’approche tant bien que mal, mes pieds s’enfonçant dans la boue. Du bout de mon canon, je tâte les corps et j’entends un grognement strident. De surprise ou de terreur, le tir m’échappe, et les corps se soulèvent d'un coup avant de me tomber dessus. Je ne comprends pas tout de suite ce qui m’arrive, mais je me retrouve allongé sur le dos, enfoncé dans la boue par les deux ou trois cadavres qui ont atterri sur moi. Et devant moi, je vois… comme un animal, voûté, qui respire en haletant. Il a la peau noire, et je dis peau parce que ce n’étaient pas des poils, mais bien un cuir. Je pouvais voir ses muscles.
Je m’apprête à hurler, à appeler n’importe quel sous-verge (Ndla : Sous-officier ) qui passerait par là. Mais là, cette chose se relève lentement et se juche sur ses deux pattes arrières. J’ai prié. Enfoncé dans ma boue, j’ai prié. […]C’était debout, et c’était grand. Surtout, ça se tenait parfaitement debout. Pas du tout chancelant comme un ours qui essaierait de se dresser, non non, bien fixe. Ça a enjambé le tas de cadavre et c’est sorti de la tranchée comme vous montez un escalier. »

La description ressemble à s’y méprendre à celle de Michel Augier. C’est à ce moment-là que je me suis dit qu’il ne pouvait pas s’agir d’une coïncidence. Ces deux hommes ont vu la même créature, l’ont décrite et ne se sont jamais rencontrés. J’ai fait quelques recherches, interviewé d’autres vétérans après ça, mais je n’ai plus entendu parler de « nègres fins » ou « bougnats » jusqu’en 1991.

En 1991 donc, j’ai interviewé Pavi Trapanese, vétéran italien de la première guerre mondiale. Il était soldat dans la 52e division d’Alpini, spécialisés dans le combat en milieu montagneux. Comme avec les autres, je n’ai pas abordé tout de suite le cas de ces créatures. Trapanese me racontait donc difficilement ( il avait 95 ans à ce moment-là ) comment il s’était battu pour reprendre le Mont Ortigara, dans la région de Venise. Après plusieurs pauses, j’en suis venu à lui demander s'il avait vu des choses étranges durant la guerre. Tout d’abord, il m'a répondu que non. Il a réfléchi quelques instant, puis m'a à nouveau assuré qu'il n'avait rien vu d’étrange. Alors que je me préparais à mettre un terme à l’entretien pour le laisser se reposer, Pavi Trapanese a semblé avoir un éclat de lucidité. Son regard fixé dans le mien, il m'a dit que si, il se souvenait. Notez que ce qui va suivre est une retranscription de l’enregistrement que j’ai fait à l’époque. Trapanese y parlant en italien, j’ai traduit en français, il se peut qu’il y ait des erreurs.

« A la toute fin… quand nous avons déplacé les corps de nos camarades, mais aussi ceux des austro-hongrois, je me souviens de quelque chose. C’est très fugace, je l’avais presque oublié. Je me souviens d’une image. Je regarde les chariots de cadavres qui descendent dans la vallée, depuis un point en hauteur. A l’orée de la forêt, je vois du mouvement. Le soleil se couche, je ne distingue pas bien ce que c’est. La forêt est dans l’ombre de la montagne. Au départ, je pense à des éclaireurs ou des rescapés austro-hongrois. Je pense ensuite à des ours lorsque je les vois courir à quatre pattes. Il  y a un corps qui traîne en bas de la route. Je vois alors d’autres formes sortir des bois, ils sont peut-être cinq ou six. L’un d’eux s’approche du corps, alternant entre cavalcade à quatre pattes et course debout. Il attrape le cadavre, et le tire jusque dans la forêt.
Maintenant que j’y repense, il s’agissait sûrement d’ours. Oui, très certainement. »

A ce moment-là, Pavi Trapanese semblait très épuisé. Je l'ai donc laissé se reposer, en me promettant de revenir dans la semaine pour continuer l’entretien, creuser un peu plus sur cet épisode. Il est mort deux jours plus tard. C’est le dernier vétéran que j’ai interviewé.
Après ça, j’ai peu à peu abandonné mon projet. Je ne sais pas ce que vous en pensez. J’ai fait des recherches, recoupé d’autres interviews de collègues, mais je n’ai rien trouvé. Tout ce que j’ai, ce sont trois témoignages de trois hommes qui ne se connaissaient pas, qui ont manœuvré sur des fronts différents et qui ont pourtant tous trois vu la même chose.
De mon projet, il n’y a plus rien à tirer. Du moins, je n’en espère plus rien. Je poste ça ici dans l’espoir que ce cas vous intéresse et que vous fassiez vos propres recherches. Peut-être ai-je manqué quelque chose que d’autres découvriront. Personnellement, je pense que les réponses à mes questions sont mortes en même temps que les derniers vétérans.

La première des trois creepypastas ayant remporté le concours d'Halloween a être publiée, écrite par Atepomaros et portant sur le thème "Monstres". Le tout mis en valeur par une dimension historique qui n'a d'ailleurs pas été pour déplaire à nos votants. Encore félicitations à lui !

11 commentaires:

  1. La creepy est intéressante, très bien écrite, on a bien l'illusion qu'on a affaire à des témoignages de poilus de la 1ère Guerre Mondiale. Mais, j'ai l'impression que les créatures décrites sont trop " mystérieuses " : trop peu de détails sont dits sur les créatures pour que ça suscite véritablement l'effroi ou qu'on puisse formuler des hypothèses sur ce que serait ces créatures.

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    1. Je ne suis pas de ton avis, je trouve que c'est justement ce manque de détail qui renforce le coté mystérieux et angoissant de cette pasta et donne libre cours aux hypothèses.

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Je suis étonné qu'on n'ait pas encore vu des sjw se plaindre des noms donnés aux créatures. Très bonne pasta sinon.

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  4. Intéressant, j'aime bien les creepypastas historiques et celle-ci ne fait pas exception :) admettons une seconde que cette histoire soit réelle, selon moi, les créatures pourraient être des espèces de Wendigos même si cette bébête vient du folklore amérindien. Un cousin éloigné, peut-être ? X)

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    1. Tout à fait, on peut imaginer que ces Wendigos étaient des soldats ennemies ayant eu recours au cannibalisme pour pallier au manque de vivre.

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  5. Note : je me suis trompée, au pluriels on dit Wendigowak, my bad !

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  6. J'avoue que la dimension historique est presque plus intéressante que la pasta elle-même. Les récits militaires, les références culturelles à la vie militaire, l'argot de l'époque, tout ça contribue bcp à rendre le texte vivant.

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