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Je suis médecin dans un hôpital en France (je vais garder le nom pour moi, confidentialité oblige). Je peux vous dire que, nous aussi, on en voit passer, des choses étranges. La plupart du temps, il s'agit de conneries assez drôles. Tenez, la dernière fois, un type est venu aux urgences alors que j'étais de garde, avec des matriochkas dans l'anus en nous assurant qu'il s'était assis dessus par mégarde. Non mais, c'est plus courant que vous ne le pensez ! Les urgences sont vraiment un monde à part, je vous jure. Là, c'est plutôt drôle, quoique l'interne qui s'est occupé d'extirper ça a beaucoup moins rigolé. Mais parfois, on verse dans le tragique. Les blessures graves, par balle, ou les personnes avec la tête à moitié arrachée… Bref, ce n'est pas toujours rose, surtout avec notre manque de moyens et l'administration qui nous pousse à aller le plus vite possible dans le soin aux patients. Et donc on finit par faire des erreurs ou tout simplement faire patienter les cas des heures à cause du manque de personnel et de moyens. Bon, je ne vais pas rentrer dans ces détails-là, ou on va encore me traiter de syndicalo-marxiste. Et puis bon, je suppose que ce n'est pas vraiment le sujet.
Non, je vais plutôt raconter une facette moins connue des urgences et des hôpitaux, tous ces moments un peu étranges que je n'explique pas. Généralement, je n'ai pas le temps de sortir mon plus beau chapeau melon pour mener l'enquête. Je vais paraphraser Caius en disant que j'suis dans un hôpital, j'tiens pas un stand de crêpes, mais je vais essayer de vous raconter ces histoires au mieux. Ne prenez pas forcément tout au pied de la lettre, souvent ces événements se passent de nuit, dans un bâtiment glauque et le tout sous une pression constante alors l'imagination s'emballe à vitesse grand V, vous pensez bien !
Alors, la première anecdote qui me vient est toute bête (je vais aller crescendo dans mes témoignages pour l'intérêt narratif, ne me remerciez pas). Je suis en pause, en train de faire une sieste suite à une garde particulièrement éprouvante, pourtant et je ne trouve pas le sommeil. Qu'à cela ne tienne, je décide d'aller me chercher un soda au distributeur – ou à la cafétéria, je ne sais plus – et pour ça je dois traverser une aile de l'étage que je n'aime pas trop. C'est le service de soins longue durée de l'hôpital, donc autant vous dire que ce n'est pas joyeux. En gros, ce service accueille les cas souvent incurables, ou bien les vieux en fin de vie. On a affectueusement renommé ce passage « le mouroir », c'est un peu de mauvais goût mais cela décrit bien la réalité. L'esprit un peu ailleurs et à moitié endormi, je marche dans le couloir sombre et très silencieux, les néons censés éclairer tout ça ne fonctionnant qu'une fois sur deux, et pas très bien, en plus. On en revient au manque de moyens, mais bref, je m’égare. En passant devant une chambre, j'entends des bruits étouffés provenant de l'intérieur. En m'arrêtant, je me rends compte qu'il s'agit de la voix d'un homme en train de gémir de douleur. Je me dis naturellement que ce patient a peut-être des problèmes, mais qu'une infirmière va bien finir par s'en occuper. Je n'y prête donc pas plus attention que ça, et vais chercher mon soda. En revenant dans la salle de repos, passant donc par le même couloir vingt minutes plus tard, j'entends encore les gémissements, depuis la même chambre. Je me souviens du numéro, la 238. Réalisant que personne n'est venu depuis mon premier passage, je décide de m'en occuper moi-même. J'entre dans la chambre qui, oui vous l'avez vu venir, est vide. Inoccupée. Et les gémissements ont cessé. Bon, je me dis qu'il faut vraiment que je dorme si j'en suis au point d'avoir des hallucinations auditives et décide de ne plus penser à cette histoire, jusqu'à quelques semaines plus tard. En discutant avec un collègue, on en arrive à parler du mouroir et il me raconte peu ou prou une expérience similaire à la mienne. Enfin, en y réfléchissant un peu, une explication rationnelle vient très vite. Les locaux sont vieux et mal entretenus, les canalisations font parfois des bruits étranges qui peuvent être interprétés fallacieusement par notre cerveau fatigué. À force d'entendre des gémissements toute la journée, pas étonnant que l'on interprète comme tels des sons s'en approchant vaguement. Je ne sais si je suis clair dans mon explication ?
Dans tous les cas, j'ai deux ou trois autres anecdotes bizarres dans le mouroir, mais j'en parlerai plus tard. Celle dont je vais parler maintenant est liée à un problème d'intervenants. Alors que je faisais un remplacement au service de pédiatrie, nous avons engagé un clown afin de distraire les enfants. Ce n'est pas très original et, personnellement, je ne peux pas les supporter. Mais ils arrivent à faire rire les petits, alors c'est le principal. Celui-là, par contre, n'avait vraiment rien de marrant. Fantasmabuleux, comme il se faisait appeler, était plus proche du maniaque de film d'horreur que du cirque du soleil. Une perruque à moitié cramée, un costume délavé et rapiécé, un visage barbu et un maquillage cachant des cernes, sans oublier ses yeux jaunis par un alcoolisme à peine dissimulé (ouais, dans ses numéros, le type disait souvent qu'il avait besoin de « sa potion magique » avant de boire dans une fiole bariolée qui puait le Label 5). Le pire, c'est que timides comme nous sommes, nous n'avons pas osé le renvoyer chez lui et l'avons laissé faire son numéro devant les gamins qui, à notre surprise, avaient l'air d'apprécier. Alors, il faisait ses trucs et ses machins pour distraire les enfants, mais avait quand même des comportements bizarres, comme demander le nom de famille et l'adresse de ma collègue et tenter de regarder ses papiers sous couvert de comique, et même une ou deux mains aux fesses en justifiant à nouveau ça par un gag… Le plus dérangeant était que ce harcèlement avait lieu devant des enfants hilares qui ne comprenaient pas le malsain de la situation. Après ça, on a fini par s'énerver et écourter le spectacle, avant de virer le pervers illico. On a appris quelque temps plus tard que Fantasmabuleux était un violeur en série qui s'introduisait chez les femmes durant leur sommeil. On n'a plus jamais engagé de clown.
La dernière histoire du jour ne sera pas sur une note plus joyeuse, mais encore sous le signe du malsain. Là, je vais parler d'une histoire plus glauque que surnaturelle (oui, plusieurs collègues sont persuadés que les gémissements du mouroir s'expliquent par un fantôme, les docteurs n'étant pas à l'abri de la superstition). Je prends un café tranquillement à l’accueil avec Rachel, qui est la réceptionniste, et nous papotons un peu (j'ai l'air de glandouiller pas mal car, dans les trois-quarts de mes histoires, je suis en pause, mais je vous assure que je bosse de temps en temps) quand un infirmier, venant à peine de quitter son service, vient me voir complètement paniqué. Il me dit en somme qu'une femme attend que l'on s'occupe de son bébé qui crache du sang. Elle attendait patiemment dans le parc, comme si elle promenait son enfant le plus naturellement du monde. Ni une ni deux, je demande au bougre de m'accompagner (on ne sait jamais, on n'est pas trop de deux si le cas s'avère compliqué) et demande à Rachel de contacter les collègues pour prendre en charge l'enfant. On se rend donc sur place, on voit la femme avec son bébé dans les bras qui lui chante une berceuse, ce dernier est emmitouflé dans du linge, si bien qu'on ne le voit même pas (étant en hiver, cela ne m'a pas choqué non plus). Je m'approche donc et tente de communiquer afin que la maman me laisse ausculter son rejeton. Pas moyen, elle refuse et s'énerve devant notre insistance, elle hurle, crie et devient violente. La mère nous donne des coups de pied et essaie de nous mordre au moindre pas dans sa direction. On se retrouve donc un peu bloqués, on pourrait certainement la maîtriser – bien qu'on pourrait y laisser des plumes – mais pas sans mettre en danger le bambin. Bambin extrêmement calme, surtout pour un nourrisson censé cracher du sang. Alors, en attendant les renforts, on tente de la rassurer et de la calmer par tous les moyens, en vain. Au bout d'une dizaine de minutes, la cavalerie arrive et on parvient enfin à prendre le bébé, non sans mal. Et là, surprise. Il était mort depuis à peu près quinze heures au vu de l'état de décomposition et de la rigidité du corps. On a appris plus tard que la maman n'avait pas réussi à surmonter la mort de son enfant et le traitait comme s'il était encore en vie, le promenant, l'habillant etc. L'infirmier ne s'en est jamais remis, surtout après avoir vu l'enfant cracher du sang, expliquant qu'il était sûr que ce nourrisson bougeait lorsqu'il l'a vu la première fois. On lui a bien dit que c'était certainement un effet d'optique, conjugué à un spasme musculaire… Pas moyen, il a démissionné peu de temps après.
Bon, voici mes trois anecdotes. Si ça vous intéresse je vous raconterai la suite de mes formidables aventures donc faites-le-moi savoir ! Parce que oui, j'ai pas mal de moments et d'événements malsains et bizarres en réserve. J'ai l'impression que cet hôpital attire vraiment ce genre de chose.
Autres chapitres :
Histoire et anecdotes étranges d'un médecin de garde volume 2
Histoire et anecdotes étranges d'un médecin de garde volume 3
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J'adore ce genre de format dans les histoires.
RépondreSupprimerJ'en veux plus :o Ça pourrait être Trop vrai et je vais éviter les hôpitaux
RépondreSupprimerÇa fait plaisir de voir plus de pasta sous forme de série surtout que les thèmes sont intéressants
RépondreSupprimerBonne pasta, hâte pour la suite
RépondreSupprimerLa suite !
RépondreSupprimer+1 pour la référence a Kaamelott!
RépondreSupprimerExcellent, la suite svp
RépondreSupprimerUn cadavre de 15 jours et les mecs n'ont rien senti, alors qu'ils étaient à côté ??
RépondreSupprimerPar contre, pour les objets chelous dans le fondement, je confirme, un urgentiste m'a déjà parlé d'un mec arrivé aux urgences avec un petit pot d'Amora dans le cul XD
Oups pardon, mea culpa, 15 heures, ça m'apprendra à ne pas être attentif XD
SupprimerJ'ai tellement adoré que j'en ai même pas les mots :0 Je veux une suiiiiite!!
RépondreSupprimerJ'ai vraiment pas aimer le début de cette pasta a cause des "petites blagues" du narrateur.
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